Intérêt de la prise en compte du microbiote intestinal des volailles

L’intérêt de la prise en compte du microbiote intestinal des volailles dans la maturation et le fonctionnement du système immunitaire a fait l’objet de deux grandes synthèses, présentées lors des journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras (JRA), les 4 et 5 avril 2017 à Tours (Indre-et-Loire).

Impact du microbiote sur le système immunitaire adaptatif

Bernd Kaspers, de l’université de Munich (Allemagne), a présenté une étude réalisée en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nouzilly (Indre-et-Loire), qui a défini l’impact du microbiote sur le développement du système immunitaire intestinal inné et adaptatif (encadré). Des coupes histologiques de muqueuses intestinale ou caecale ont permis de comparer le développement du système immunitaire de quatre groupes de poussins : axéniques (absence de microbiote), monoxéniques (colonisation par une seule souche d’Escherichia coli), gnotoxéniques (colonisation par un mélange de quatre souches bactériennes : Escherichia coli, Lactobacillus, Enterococcus et Clostridium) et témoins, qui sont exempts d’organismes pathogènes spécifiques (EOPS) et possèdent un microbiote propre.

Aucune différence n’est constatée entre les groupes concernant le développement du système immunitaire inné. En revanche, les lymphocytes B et T sont absents ou présents en faible quantité dans la lamina propria des animaux axéniques âgés de 4 semaines et les immunoglobulines (Ig) A ne sont pas produites. Les lymphocytes sont en petit nombre chez les oiseaux monoxéniques, et des IgA, essentiellement spécifiques d’E. coli, sont présents dans le sérum. Enfin, le système immunitaire adaptatif est plus mature chez les poulets colonisés par quatre souches bactériennes que chez les poulets axéniques, mais moins mature que chez les poulets EOPS (photos 1 à 3).

De plus, une étude complémentaire met en évidence un développement plus précoce et plus prononcé du système immunitaire adaptatif chez des poussins éclos sous la poule, qui ont accès dès la naissance au microbiote maternel, par rapport aux poulets EOPS. Leurs taux total d’IgA dans le sang, la bile et le caecum sont également jusqu’à deux à trois fois plus élevés que ceux des EOPS.

Ces résultats posent la question du développement réduit et retardé du microbiote et du système immunitaire des muqueuses, chez les poussins éclos dans les conditions commerciales de production avicole, comme observé chez les animaux EOPS. Cela affecterait en effet la capacité des animaux de lutter contre les organismes pathogènes, donc leur santé et leur bien-être. Des études concernant l’influence de l’épithélium, du mucus et des nutriments sur le système immunitaire aviaire doivent donc être effectuées.

Métagénomique et apports nutritionnels

Fanny Calenge, de l’Inra de Jouy-en-Josas (Yvelines), a montré que la période d’éclosion est un moment privilégié pour orienter le développement d’un microbiote favorable à la santé des poulets. Le développement des approches de métagénomique, c’est-à-dire l’étude de l’ensemble des génomes constituant le microbiote intestinal, a contribué à mettre en évidence l’importance de ce dernier chez l’homme, pour la digestion de certains aliments, la régulation du métabolisme, la mise en place et la régulation du système immunitaire, la résistance à la colonisation par des pathogènes entériques ou le comportement (effet sur le cerveau).

Le projet MetaChick développé par l’Inra, notamment, a pour objectif d’établir un catalogue de référence du microbiote caecal de poulets de chair, de poules pondeuses et de lignées expérimentales élevées en France par utilisation de la métagénomique. Cette étude permettra de connaître l’étendue de la variabilité du microbiote intestinal entre individus ou lots d’animaux, et de savoir comment il est façonné par l’âge, l’alimentation, les conditions d’élevage, etc. Cela vise à chercher l’existence d’un microbiote favorable chez un animal en bonne santé avec de bonnes performances de croissance, afin de favoriser l’établissement de ce microbiote idéal après éclosion, selon le type d’hôte (entérotype associé à un type de production : poule pondeuse, poulet de chair, etc.). Par ailleurs, de nombreuses études montrent l’effet des aliments sur la composition du microbiote (glucides, lipides et protéines). Les prébiotiques sont des molécules (oligosaccharides) stimulant la croissance d’un microbiote favorable à l’animal et réduisant la colonisation par les pathogènes. Ces molécules peuvent être produites dans l’intestin par certaines enzymes exogènes. Les probiotiques (microorganismes vivants sélectionnés, comme les lactobacilles et les bifidobactéries) ont également des effets positifs sur la santé des volailles, car ils entrent en compétition avec les pathogènes.

Ainsi, l’analyse du microbiote et sa modulation par des additifs alimentaires appropriés auraient de nombreuses applications : favoriser l’efficacité digestive de l’animal, la maturation et le bon fonctionnement du système immunitaire et l’effet barrière envers les pathogènes intestinaux, et, par extension, favoriser la productivité et assurer un bon état sanitaire pour le consommateur. La prévention de pathologies et leur traitement par ce biais seraient également envisagés.

La mise en place de ces méthodes d’amélioration des caractères d’intérêt chez les poulets implique toutefois une interaction multidisciplinaire entre industriels et chercheurs, et la prise en compte des pratiques d’élevage et de la sélection.
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