Onychectomie : une pratique toujours controversée

Nul ne peut aujourd’hui remettre en doute le fait que les griffades font partie intégrante du comportement normal des félidés, permettant notamment un marquage visuel et olfactif du territoire. L’onychectomie, pratique courante outre-Atlantique, s’inscrit malgré tout en opposition avec ce comportement physiologique.

Une étude rétrospective¹ apporte désormais des preuves tangibles du caractère néfaste de cette intervention chirurgicale de confort sur la santé des félins domestiques. L’intérêt thérapeutique de l’onychectomie n’est pas débattu et est bien réel lors de néoplasie du lit de l’ongle ou des phalanges (carcinome épidermoïde, hémangiosarcome, notamment), d’onyxis traumatique sévère ou lors de biopsie à intérêt diagnostique en cas de dermatoses auto-immunes ou d’onychomadèse, par exemple.

Le débat porte uniquement sur l’onychectomie dans un contexte de prévention des effets indésirables en lien avec les griffades : détérioration du mobilier intérieur, blessure des propriétaires, etc.

Douleurs thoraco-lombaires, troubles comportementaux, etc.

C’est dans ce contexte que l’International Cat Care (iCatCare) et l’International Society of Feline Medicine (ISFM) se sont positionnées clairement sur le sujet² en se prononçant contre cette pratique toujours en vigueur au Canada et aux États-Unis. Ce nouveau consensus repose sur des travaux récents publiés dans le Journal of Feline Medicine and Surgery. L’existence d’effets indésirables à court terme était déjà connue, avec notamment des douleurs péri-opératoires importantes ou des risques d’infection locale des sites opératoires. Cette nouvelle étude met en perspective l’onychectomie et ses conséquences à long terme. En effet, il apparaît que les chats ayant subi cette intervention seraient plus sujets aux douleurs thoraco-lombaires. Cela est probablement en lien avec une répartition différente des forces en l’absence de la troisième phalange. Par ailleurs, ces chats présentent un cortège clinique témoignant d’un mal-être avec des agressions par morsure plus fréquentes ainsi que de la malpropreté et des comportements de toilette excessive.

Les instances professionnelles canadiennes opposées à cet acte

Cette nouvelle donne a poussé l’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) à revoir son positionnement sur la question en date de 2011 pour faire part de son opposition à cette pratique à ses quelque 7 000 membres³. Un changement de sémantique est de mise : il convient désormais de parler aux propriétaires d’“amputation partielle des doigts des félidés domestiques” plutôt que d’onychectomie ou de dégriffage. Cet outil de langage permettra de relayer un message clair auprès des propriétaires : cette pratique est désormais désuète. Dans son communiqué, l’ACMV souligne que les félidés domestiques « souffrent de façon inutile lorsqu’ils subissent cette chirurgie ». Enfin, l’ACMV précise qu’il en va de la responsabilité des professionnels de la santé vétérinaire d’éduquer les propriétaires en évoquant des solutions alternatives. En effet, il est possible de proposer des « lieux destinés aux griffades, d’utiliser des vaporisateurs de phéromones félines ou des protecteurs artificiels pour les griffes ». Enfin, « un enrichissement du milieu et des jeux quotidiens appropriés permettront de réduire les risques d’agression ».

L’onychectomie ne fait pas partie de la prévention des zoonoses

Par ailleurs, l’intérêt de l’onychectomie pourrait se poser dans un contexte de prévention de transmission zoonotique pour des propriétaires immunodéprimés. Les Centers for Disease Control and Prevention recommandent désormais une prévention rigoureuse contre les ectoparasites (notamment les puces), de garder les chats à l’intérieur et d’éviter des jeux violents avec ces derniers. Là encore, l’onychectomie n’apparaît pas comme un recours.

Bien que ce sujet ne soit pas au cœur de nos préoccupations en France, il apparaît que seules des données scientifiques irréfutables pourront faire évoluer les mœurs dans des pays où le bien-être animal semble pourtant constituer une priorité. Certaines villes américaines commencent à interdire cette pratique, notamment en Californie ou dans le New Jersey. Au Canada, aucune loi n’encadre pour l’heure l’onychectomie.
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¹ Martell-Moran NK, Solano M, Townsend HGG. Pain and adverse behavior in declawed cats. J. Feline Med. Surg. 2017.

² https://icatcare.org/declawing-cats.

³ bit.ly/2sOWsXM.