Les besoins éthologiques des psittacidés en captivité - La Semaine Vétérinaire n° 1725 du 24/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1725 du 24/06/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON 

La bonne expression des comportements naturels d’un psittacidé implique des besoins spécifiques quant à l’environnement physique et social et pour l’organisation des activités quotidiennes. Leur connaissance permet au vétérinaire de prendre en charge efficacement les troubles comportementaux et les signes de mal-être chez ces oiseaux.

Organisation sociale et budget-temps des psittacidés

Les psittacidés sont des animaux sociaux. Ceux qui vivent en milieu aride forment de grands groupes, jusqu’à une centaine d’individus (les perruches notamment). Ils se déplacent sur de longues distances pour accéder à des ressources éparpillées. Ceux qui vivent en milieu humide forment des petits groupes, en général un couple et son petit. Ils sont territoriaux, car ce milieu est riche en ressources naturelles. L’apprentissage tisse aussi le lien social. Il débute dès le développement nidicole, pendant lequel le petit apprend de ses parents, et continue tout au long de la vie de l’oiseau, via les congénères. Notons que le psittacidé est souvent naturellement néophobe (peur de l’inconnu, que ce soit un congénère, de la nourriture ou un être humain). L’appartenance à un grand groupe diminue ce trait de caractère. La journée d’un psittacidé à l’état sauvage est rythmée par différentes activités1. 40 à 60 % du temps d’éveil (4 à 6 heures au quotidien) est consacré au fourragement (recherche de nourriture). En plus d’engendrer de la fatigue physique, ce temps induit une fatigue attentionnelle et permet une stimulation cognitive. Le toilettage représente 20 à 60 % du temps d’éveil de l’oiseau. Il participe à la thermorégulation, à la lutte contre les parasites et à la communication avec les congénères (par un plumage brillant). Du toilettage mutuel est également observé. Il permet, outre le “nettoyage” de zones inaccessibles, de renforcer le lien entre deux individus. La baignade est appréciée, mais les préférences varient selon les espèces (eau stagnante, rosée, pluie) et il existe une période réfractaire pendant laquelle il y a un refus catégorique de contact aqueux. Le bec nécessite une usure continue : l’oiseau a ainsi tendance à tout mâcher. Enfin, un bon état de relaxation permet à l’animal de s’ébouriffer et d’étirer ses ailes et ses pattes. La communication orale, via les vocalises, représente entre 2 à 5 % du temps d’éveil (lors de la “séduction” notamment). Celles-ci servent à renforcer le lien social. Elles se manifestent le plus souvent à l’aube et au crépuscule. Les interactions sociales constituent 10 à 40 % du temps d’éveil (interactions avec les jeunes, par exemple). Le niveau global de toutes ces activités est plus important en début et en fin de journée. Le temps de repos, quant à lui, concerne toute la période nocturne, complétée par de courtes siestes dans la journée.

Les défis imposés par la captivité

Les psittacidés possèdent une grande capacité d’adaptation à la captivité et sont capables d’interactions élaborées avec l’être humain. Néanmoins, certaines conditions de vie les éloignent tant de leurs besoins éthologiques que des troubles comportementaux et des signes de mal-être s’installent. Le propriétaire doit donc adopter le point de vue de l’oiseau lorsqu’il organise ses lieu et rythme de vie. Il ne faut pas oublier que le psittacidé n’est pas un animal domestique, mais un animal apprivoisé.

En aménageant la cage, il convient de garder à l’esprit que cet environnement doit être contrôlable et prédictible pour l’oiseau. Il doit pouvoir gérer les stimuli environnementaux à sa façon et accéder facilement aux ressources. Cela passe par une cage située en hauteur et suffisamment grande pour pouvoir bouger, s’alimenter, boire, jouer, observer et se cacher de tout événement ou élément (lumière, son, être vivant) jugé négatif (coller la cage contre un mur, ajouter un nid et un trou d’observation). Il est également essentiel de contrôler le rythme des journées avec une bonne alternance du jour et de la nuit. Notons que les nids doivent permettre à l’oiseau de faire des siestes en journée dans l’obscurité. L’accès à la lumière naturelle est conseillé. Elle est utile, par exemple, pour une communication visuelle entre congénères via la réflectence du plumage. Enfin, l’accès aux jeux est primordial, même en l’absence du propriétaire2. L’activité de fourragement (40 à 60 % du budget-temps) représente souvent 30 à 60 minutes, alors que l’oiseau devrait en consacrer 4 à 6 heures par jour. En diversifiant les modes de distribution (accès multiples en libre-service et distributeurs), le temps de manipulation de la nourriture est ainsi augmenté. Une partie de la nourriture peut être gardée comme récompense pour favoriser les interactions sociales positives. Une attention particulière doit être donnée à la prise alimentaire, le psittacidé ayant tendance à trier sa nourriture en faveur des saveurs grasses et sucrées.

Le propriétaire doit s’attacher également à créer un environnement social adéquat. En effet, le psittacidé n’est pas un animal solitaire. Un isolement peut entraîner du stress et une prédisposition aux maladies, ainsi qu’une réduction de la durée de vie. Le propriétaire doit aussi tisser du lien social avec son oiseau, en développant un maximum d’interactions positives. Cela regroupe les activités ludiques, le soin au plumage, la stimulation sonore (le psittacidé a le rythme dans la peau), mais aussi et plus simplement l’attention. Au final, la somme des événements positifs doit toujours être supérieure à celle des négatifs (“balance émotionnelle”)3, avec ou sans propriétaire.

La consultation vétérinaire

La condition nécessaire au bon déroulé de la consultation en clinique et à la bonne observance des traitements est un entraînement au préalable de l’oiseau par le propriétaire : l’habituer à la cage et à la voiture, à se percher sur commande, aux limages des ongles et du bec, à manger à la seringue, etc. L’idéal est une consultation à domicile. Si cela est impossible, il est conseillé de prévoir une zone d’attente dédiée. L’aménagement de la salle de consultation implique l’absence de toute échappatoire, de tout endroit pouvant être blessant pour l’animal et de tout stress lumineux ou sonore. La blouse est à éviter si l’oiseau n’y est pas habitué. La première partie de la consultation consiste en un bilan de l’environnement physique et social de l’oiseau (photos et vidéos bienvenues), de son budget-temps et des interactions avec le propriétaire. En découlent des corrections à apporter, qui préviendront l’apparition ou l’entretien de troubles comportementaux.

Le second temps de la consultation consiste en une description du trouble par le propriétaire, ainsi que la réaction de ce dernier. Le vétérinaire doit bien différencier le comportement pathologique du comportement naturel mais gênant pour le propriétaire.

Après une appréciation visuelle à distance, l’examen clinique doit se faire en une seule fois et être le plus court possible. Ce sont les professionnels de santé (vétérinaires et assistants) qui assurent la contention physique de l’oiseau, afin que le propriétaire reste la personne de confiance.

Des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour exclure tout trouble organique pouvant causer des atteintes comportementales. Une fois le diagnostic posé, le traitement doit permettre d’apaiser rapidement l’animal et est une aide à la mise en place d’autres stratégies : modification de l’environnement (voire adoption), reprise des interactions positives avec l’animal et de l’apprentissage.

1 Lightfoot T. L. Clinical avian neoplasia and oncology. Clin. Avian Med. 2006(2):560-565.

2 De nombreux sites web (par exemple, Parrotenrichment.com) proposent des aides pour l’enrichissement du milieu. Attention toutefois à être progressif (prendre en compte la néophobie).

3 Titeux, E., Péron F., Gilbert C. La relation homme-chien : nouvelles hypothèses. Le Point Vétérinaire n° 336 de juin 2013, pages 64 à 70.

Retrouvez, en complément à cet article, le tableau ”Molécules utilisables en thérapie comportementale chez les psittacidés“

Franck Péron Vétérinaire spécialiste européen en science du bien-être animal, éthique et législation. Article rédigé d’après une présentation faite à une journée organisée par l’Afvac Île-de-France à Paris, en octobre 2016.

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