Qualité du médicament, la place du vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1724 du 17/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1724 du 17/06/2017

DOSSIER

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

De sa conception à sa distribution, la qualité du médicament vétérinaire est assurée, et ce jusqu’après sa commercialisation. Il peut arriver que des anomalies soient signalées par le fabricant à l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). En tant qu’utilisateur, le praticien peut aussi jouer un rôle fondamental dans la détection des défauts qualité d’un produit.

La vie d’un médicament vétérinaire n’est pas de tout repos. Pour pouvoir le commercialiser, le laboratoire doit prouver que son produit est de bonne qualité. Ainsi, de la conception au lancement, l’industrie pharmaceutique vétérinaire est soumise à de fortes contraintes réglementaires. Cela passe, entre autres, par la standardisation des procédés de fabrication, qui induisent un niveau élevé de sécurité. Une série de contrôles menés tout au long de la chaîne de production permet, en amont et en aval, de garantir la qualité et la sécurité des spécialités mises sur le marché. Le problème de la qualité se pose encore autrement si l’on tient compte du développement croissant de la fabrication à l’étranger de matières premières et d’excipients. Que ce soit à l’échelon national, européen ou international, les audits et les inspections contribuent à protéger les utilisateurs. Par exemple, la Pharmacopée européenne constitue le squelette d’une assurance de bonne qualité attestant que les produits vendus respectent bien les bonnes pratiques de fabrication telles que prévues par les instances européennes en charge de cette question. En France, c’est l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) qui effectue les contrôles des substances d’un bout à l’autre de la chaîne de fabrication afin d’assurer leur efficacité, leur sécurité et leur innocuité. Ces contrôles concernent aussi bien l’exactitude des informations portées à la partie qualité du dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM), la qualité de l’environnement de production que celle du matériel utilisé. Malgré ces vérifications, il est possible que des défauts soient détectés. À cet égard, le vétérinaire peut constituer une sentinelle de l’efficacité des produits qu’il utilise.

La qualité à l’aune de la mondialisation

En 2012, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indiquait que plus de 35 % des matières premières servant à la fabrication des médicaments commercialisés en France provenaient d’Inde, de Chine et des États-Unis1. En Europe, ce chiffre monte à 80 % pour les substances actives. Ces dernières peuvent aussi bien être employées dans la conception de médicaments à usage humain qu’à usage vétérinaire. Les autorités européennes et internationales ont constaté que cette évolution du marché pouvait avoir un impact sur la qualité des médicaments et ont défini des procédures spécifiques afin de garantir un niveau standard de conformité. Si ces substances actives sont inscrites à la Pharmacopée européenne, le fabricant étranger peut obtenir, pour garantir la qualité de ces matières premières, un certificat de conformité, délivré par la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (EDQM) du Conseil de l’Europe, ou inscrire dans le dossier d’AMM que les substances sont bien conformes aux exigences de la Pharmacopée européenne. En plus de ces garanties réglementaires, des inspections sont menées par un réseau de laboratoires officiels de contrôle des médicaments (OMCL) au sein des sites de fabrication et de distribution, en Europe et dans les pays tiers. En 2015, plus de 1 000 contrôles de produits ont été́ inscrits au programme de travail du Réseau européen général des OMCL, dans le cadre de la surveillance du marché́ des médicaments autorisés dans l’Espace économique européen (EEE). Le nombre de rapports de contrôle enregistrés dans la base de données des OMCL en 2015 (996, contre 987 en 2014) représente une augmentation de 23 % par rapport à 2013, dans le contexte d’une hausse moyenne de 10 % par an depuis 20112.

L’ANSM et son contrôle international

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est l’autorité compétente pour le contrôle des sites de production des matières premières, pour le médicament à usage humain mais aussi vétérinaire, basés en dehors de l’Union européenne (UE). Son activité d’inspection des matières premières à usage pharmaceutique porte sur la vérification des conditions de fabrication, de distribution et d’importation. Lors de ces contrôles, l’ANSM prend en compte le type de molécule et la nature des paramètres testés (teneurs en impuretés, en particulier génotoxiques, et en solvants résiduels, entre autres). Selon son dernier rapport d’activité, pour l’année 2015, l’agence a réalisé 87 inspections dans ce domaine (soit 14 % du nombre total d’inspections), dont 17 ont été menées à l’étranger. Ces chiffres sont en baisse par rapport à 2011, où l’agence avait réalisé 28 inspections sur des sites de fabrication étrangers. De leur côté, les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires ont l’obligation de mener des audits de leurs fournisseurs de principes actifs. Pour garantir la qualité des matières premières, les industriels « exercent un fort contrôle du fournisseur de matières actives en effectuant des audits sur les sites de fabrication », rappelle Arnaud Deleu, du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV). « Les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires entretiennent un lien permanent avec l’ANSM », ajoute-t-il. Par ailleurs, la déclaration des défauts qualité par les praticiens participe aussi à assurer l’efficacité des produits.

Les praticiens, garants de la qualité

Une fois la spécialité vétérinaire commercialisée, la vigilance des vétérinaires est particulièrement attendue. En France, les laboratoires, responsables de la mise sur le marché des médicaments, déclarent à l’ANMV les défauts qualité constatés. Mais cela peut aussi être fait par les vétérinaires, à travers un formulaire (encadré ci-dessus). Sur ce point, l’ANMV constate que leurs déclarations portent essentiellement sur le matériel et sur des éléments détectables à l’œil nu. Il peut s’agir « d’un aspect anormal, avant ouverture ou au premier usage du produit, de la couleur ou de la consistance-viscosité dans le cas d’une suspension, d’une pâte orale/intrammaire, d’une pommade, etc., de la présence de particules dans une solution injectable ou buvable (verre, particules noires, etc.) ou d’un précipité, d’un dépôt sur les parois ou au fond du contenant, voire d’un défaut d’étiquetage concernant le nom du produit ou le numéro de lot (différence entre conditionnement externe et étiquette). Des anomalies sont aussi constatées pour le dosage, les espèces cibles, la voie d’administration. La notice peut être celle d’un autre produit, non conforme au résumé des caractéristiques du produit (RCP), non actualisée, voire pas en français, comme l’emballage, etc. ». En 2015, l’ANMV a enregistré 98 défauts qualité, qui ont donné lieu à̀ 52 rappels de lots. 46 % d’entre eux portaient sur un problème de teneur en principe actif dans le produit. « Le même type de défaut représentait déjà̀ une part sensiblement identique des dossiers en 2014 : 41 %. » 3 Suivent ensuite, à 28 %, les mesures administratives (augmentations de temps d’attente, retraits d’espèces cibles conduisant à des modifications d’AMM de médicaments ayant un impact important pour la santé́ publique ou animale). Enfin, 12 % des défauts déclarés concernent une erreur matérielle portant sur l’étiquetage d’un produit.

1 Rapport annuel de l’ANSM, 2012.

2 bit.ly/2rdopnq.

3 bit.ly/2gJDp7F, page 27.

DEUX QUESTIONS À L’AGENCE EUROPÉENNE DES MÉDICAMENTS (EMA)


•  Comment les médicaments sont-ils évalués en Europe ?
L’Agence européenne du médicament (EMA) est responsable de l’évaluation scientifique des demandes centralisées d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les comités scientifiques de l’EMA fournissent des recommandations indépendantes sur les médicaments à usage humain et vétérinaire, sur la base d’une évaluation scientifique complète des données. Dans le cas des spécialités vétérinaires, le Comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP) est responsable de l’évaluation scientifique des produits. Une fois celle-ci effectuée, le CVMP émet un avis scientifique sur la question de savoir si le médicament peut ou non être autorisé. L’EMA envoie cette opinion à la Commission européenne, qui délivre l’AMM. Une fois accordée, l’autorisation centralisée de mise sur le marché est valable dans tous les États membres de l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein.


•  Quel est le rôle du vétérinaire dans le suivi de la qualité des médicaments ?
On s’attend à ce que les vétérinaires vérifient toujours la date de péremption d’un médicament et n’utilisent pas les produits expirés. En outre, les vétérinaires ne devraient pas utiliser de produits dont l’apparence visuelle a changé.

ENTRETIEN AVEC  JEAN-PIERRE ORAND 

« LES VÉTÉRINAIRES FONT PARTIE DE LA CHAÎNE DE LA QUALITÉ DU MÉDICAMENT »

Quelles sont les missions de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) en matière de contrôle de la qualité des médicaments vétérinaires ?
L’ANMV a pour mission de s’assurer que les médicaments vendus en France sont sûrs, efficaces, de bonne qualité. À cette fin, elle a en charge, en premier lieu, l’évaluation de la partie qualité des dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Après la délivrance de l’AMM, elle s’assure que les industriels pharmaceutiques respectent bien les conditions de fabrication décrites dans le dossier d’AMM.
À travers des inspections menées au sein des établissements pharmaceutiques vétérinaires, l’agence vérifie que les bonnes pratiques de fabrication (BPF) sont bien respectées. Le système global d’inspection des établissements prend en compte plusieurs critères, tels que la formation du personnel, la conception des bâtiments, la validation des systèmes informatiques, la qualité et la qualification du matériel de production, afin de s’assurer que la survenue d’un défaut qualité est maîtrisée. Mais il arrive parfois qu’il y ait des erreurs qui passent à travers la chaîne de fabrication, de distribution ou encore lors de la conservation et que les médicaments n’aient pas la qualité attendue. Par ailleurs, nous disposons, à l’ANMV, d’un laboratoire d’analyses pour effectuer des contrôles de la qualité des médicaments vétérinaires selon un programme basé sur une analyse de risque (suspicion, plaintes, alertes) et évaluons les produits concernés dans les mêmes conditions que celles décrites pour l’AMM. Lors de ces analyses, des défauts peuvent être détectés, tels que des problèmes de sécabilité des comprimés ou de délivrance des doses pour les seringues d’antiparasitaires.

Quels sont généralement les défauts déclarés ?
La majorité des défauts qualité sont déclarés par les titulaires d’AMM et les fabricants ; ils portent généralement sur des lots de médicaments sans pour autant que la partie qualité du dossier de l’AMM ne soit remise en cause. Ces non-conformités peuvent être de diverses natures : altération du principe actif à la date de péremption, anomalie d’étiquetage ou “fuitage” d’un flacon. Dès lors qu’un problème est constaté dans le système de contrôle continu que mettent en œuvre les titulaires d’AMM, il peut être décidé un rappel de lot. Pour les anciens dossiers qualité, autorisés il y a une vingtaine d’années, une vigilance est accrue via les études de stabilité afin de s’assurer du maintien de la conformité, notamment en principe actif, jusqu’à la date de péremption. En tout état de cause, il est important de respecter les conditions de conservation et de stockage décrites dans la notice, notamment pour certains médicaments comme les vaccins, garantes de la conservation de la qualité du médicament jusqu’à son administration à l’animal.

Et quel est le rôle du vétérinaire ?
Les vétérinaires font partie de la chaîne de la qualité du médicament vétérinaire, et ce jusqu’à son administration chez l’animal. Leurs déclarations portent généralement sur des problèmes d’étiquetage (date de péremption), le fuitage d’un flacon ou une anomalie physique (floculation, couleur anormale, etc.). Ces défauts sont, le plus souvent, d’abord signalés aux fabricants, mais peuvent faire l’objet d’une déclaration directe à l’ANMV. L’agence effectue une analyse de risque au regard du risque direct pour la santé animale ou la santé humaine, afin de déterminer s’il est nécessaire d’effectuer un rappel de lots. Par ailleurs, nous travaillons à faciliter la déclaration des défauts qualité par les vétérinaires. L’ANMV a lancé une enquête sur sa communication auprès des praticiens. Ses premiers résultats (issus de 550 répondants) montrent que nos moyens de communication doivent être améliorés, notamment via notre site internet. Notre objectif est que toutes les déclarations deviennent aussi “faciles” que les nouvelles télédéclarations en pharmacovigilance.

Et que fait l’Europe ?
C’est un sujet majeur au niveau européen, que l’on parle de médicament à usage humain ou vétérinaire. Le réseau des chefs d’agences en a fait une des priorités de son plan stratégique 2016-2020. En cas de détection d’un défaut, il existe un réseau d’alerte rapide afin d’en informer toutes les agences. Selon la gravité, des réunions peuvent être réalisées en urgence pour évaluer le risque et adopter une position coordonnée et harmonisée entre les États membres. Toutes les agences n’ont pas mis en place des systèmes de déclaration d’un défaut qualité d’un produit.
De plus en plus de problèmes de défaut qualité de principes actifs pharmaceutiques sont à l’origine de ruptures de stock de médicaments vétérinaires. La majorité des producteurs de principes actifs pharmaceutiques sont désormais situés en Chine et en Inde. Ces producteurs font l’objet d’inspections conduites pour la France par l’ANSM (responsable du contrôle des principes actifs pour le médicament humain et vétérinaire), mais il existe un système d’inspection coordonné Europe qui travaille étroitement avec la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (EDQM), qui dépend du Conseil de l’Europe.

Jean-Pierre Orand Directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).

CONTACTS UTILES

Un formulaire1 de déclaration d’un défaut qualité d’un médicament vétérinaire est mis à la disposition du praticien. Une fois complété, le document doit être transmis à l’ANMV via l’adresse e-mail suivante : defautsqualitéMV@anses.fr. L’unité surveillance du marché est joignable au 02 99 94 66 65.

1 bit.ly/2hi09z8.
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