Prise en charge de l’obstruction urétrale : le vrai du faux - La Semaine Vétérinaire n° 1722 du 03/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1722 du 03/06/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

Dans la prise en charge médicale de l’obstruction urétrale chez le chat, la stabilisation médicale initiale, le sondage et les soins de post-sondage ne font pas l’objet de controverses. En revanche, des questions restent en suspens quant au fluide à utiliser, à la réalisation de la cystocentèse, au temps de sondage, aux traitements à prescrire, à la gestion des récidives et aux chirurgies.

Fluidothérapie

Nature du fluide

À l’admission, les chats en obstruction urétrale présentent souvent une azotémie élevée, des troubles électrolytiques dont des hyperkaliémies parfois sévères, une hypovolémie, une acidose métabolique. Après le sondage, la polyurie est parfois importante, éventuellement accompagnée d’hypokaliémie. Les cristalloïdes isotoniques sont utilisés à l’admission. Quant à son choix (NaCl 0,9 % dépourvu de potassium ou Ringer lactate alcalinisant), la littérature montre que, quel que soit le fluide utilisé, il n’y a pas de différence sur la survie des animaux ni sur la durée d’hospitalisation, ni sur la vitesse de diminution de la kaliémie ou de l’azotémie. Cependant, les désordres électrolytiques et le pH sanguin sont corrigés plus rapidement avec le Ringer lactate, qui est donc conseillé, même si le NaCl 0,9 % reste une option acceptable.

Débit et moment d’initiation

À l’admission, il convient de gérer l’hypovolémie (bolus de 5 ml/kg de Ringer lactate, ou NaCl 0,9 %), sur 10 à 15 minutes, à réitérer jusqu’à obtention de paramètres de la volémie dans les normes et les troubles électrolytiques (consacrer 60 à 90 minutes pour la stabilisation des animaux gravement débilités). L’intérêt de la fluidothérapie avant le sondage est clairement établi : l’anesthésie aggrave les troubles électrolytiques, qui doivent être pris en charge en amont.

Après le sondage, 46 % des chats présentent une polyurie dans les 6 heures suivant la levée d’obstacle et 90 % dans les 48 heures, avec un risque de déshydratation : la diurèse doit être correctement mesurée (collecte des urines dans une poche graduée) et la perfusion suffisante (+ 1 ml/kg/h de perfusion par rapport à la diurèse). Ce débit est maintenu jusqu’à normalisation des paramètres rénaux.

Ionogramme versus ECG

Les recommandations se sont longtemps fondées sur une étude menée sur des chiens hyperkaliémiques expérimentalement induits, qui montrait une bonne reproductibilité des modifications de l’électrocardiogramme (ECG) en fonction de la kaliémie. Or, les études menées sur des hyperkaliémies spontanées (> 5,5 mmol/l) révèlent que 60 % des ECG sont normaux ou présentent des modifications différentes de celles classiquement décrites : il y a une très faible corrélation entre la kaliémie et les modifications ECG. Un ionogramme est donc toujours nécessaire avant l’anesthésie de ces chats.

Cystocentèse

La cystocentèse est un grand point de débat qui ne fait encore actuellement pas consensus. Elle apporte certains bénéfices : décompression immédiate de la vessie et amélioration du confort de l’animal, restauration du débit de filtration glomérulaire, stabilisation de l’animal, réalisation sans anesthésie générale, prélèvement d’urine non contaminée pour analyse, facilitation du cathétérisme urétral. Les inconvénients avancés sont un risque de rupture vésicale, d’uroabdomen, de lésions d’autres organes et un retard potentiel de la mise en place du sondage. Notre consœur recommande de réaliser éventuellement, si nécessaire, une seule cystocentèse à l’admission pour décomprimer la vessie. La ponction est orientée à 45°, proche du trigone, idéalement échoguidée, à l’aide d’une aiguille épicrânienne branchée sur un robinet à trois voies pour une vidange complète.

Sondage urinaire

Durée

Un sondage de courte durée limite l’irritation du tractus urinaire, mais réduit l’élimination des cellules inflammatoires et des cristaux, tandis qu’un sondage de longue durée normalise la fonction urinaire, diminue le risque de récidive, mais augmente l’irritation du tractus et les risques d’infection du tractus urinaire ou ITU (au bout de 24 à 48 heures). Notre consœur recommande de garder la sonde urinaire jusqu’à la normalisation des paramètres rénaux et de l’aspect macroscopique des urines. En faisant des culots urinaires quotidiens, il convient de retirer la sonde dès l’apparition d’une infection. Les systèmes clos de récolte des urines sont privilégiés. Enfin, le jugement clinique reste prioritaire en mesurant la balance bénéfice/risque de chaque option.

Taille de la sonde

Le sondage se réalise sous anesthésie générale pour lever le spasme urétral. Si la sonde est de gros diamètre (5 Fr versus 3 Fr), les risques d’arrachement sont moindres, mais ceux de réobstruction plus importants. Les petites sondes sont à privilégier, même si, tant qu’aucune étude prospective ne répondra à cette question, les recommandations ne sont pas claires.

Type de sonde

Les sondes en propylène (type Tomcat®), plus rigides, sont pratiques pour lever l’obstruction. Ensuite, il est préférable d’utiliser des sondes thermosensibles (qui s’assouplissent à la température du corps), plus grandes, mieux tolérées et plus adaptées pour les chats de grand format.

Antibiothérapie

La prévalence des infections urinaires chez le chat à obstruction urétrale est très faible (< 2 %). De plus, l’obstruction est rarement secondaire à une cystite bactérienne. Il ne faut donc mettre sous antibiotique à l’admission que les chats qui ont fait l’objet d’une analyse d’urine révélant la présence d’une infection.

Ensuite, l’incidence de l’infection urinaire liée au sondage est faible si le sondage est réalisé proprement et s’il y a un système de collecte clos des urines (16 % à 24 heures et 33 % à 48 heures1). De plus, l’utilisation des antibiotiques ne prévient pas l’apparition des infections urinaires, mais favorise la multiplication de bactéries multirésistantes. Ainsi, l’antibioprophylaxie est fortement déconseillée. Il ne faut pas utiliser d’antibiotiques à l’admission ni au retour à la maison sans la mise en évidence d’une infection (culot urinaire). L’antibiogramme guide alors la prescription.

Antispasmodiques

Les antispasmodiques (prazosine, alfuzosine, acépromazine, phloroglucinol) agissent sur les muscles lisses présents dans le premier tiers du tractus : leur efficacité sur le spasme urétral est variable et peu d’études prouvent leur efficacité. En cas de mauvaise compliance du chat, ce volet thérapeutique n’est pas indispensable. L’acépromazine apporte tranquillisation et relâchement du spasme, intéressant en hospitalisation. Le phloroglucinol reste très utilisé et semble efficace.

Prévention et gestion des récidives

Les récidives sont particulièrement fréquentes, de 20 à 50 % dans les 6 premiers mois, et motivent souvent l’euthanasie. Un consensus récemment publié2 annonce que les chirurgies sont rarement recommandées, sauf « en cas de récidive et de difficultés financières si l’animal récidive » et que l’urétrostomie doit être réalisée par un « chirurgien expérimenté » afin de limiter au maximum les complications (sténose urétrale postopératoire, infection). Dans l’expérience de notre consœur, l’urétrostomie, proposée en cas de rechute, même après le premier épisode d’obstruction, est bien acceptée par les propriétaires et bien tolérée par l’animal sur le long terme. Le consentement éclairé du propriétaire est primordial.

1 Hugonnard et coll. Occurrence of bacteriuria in 18 catheterised cats with obstructive lower urinary tract disease : a pilot study. J. Feline Med. Surg. 2013.

2 Acvim small animal consensus recommendations on the treatment and prevention of uroliths in dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2016.

POINTS FORTS


• L’animal doit être mis sous fluidothérapie à l’admission, en privilégiant le Ringer lactate au NaCl.

• Un ionogramme est nécessaire avant l’anesthésie.

• Les cystocentèses avant le sondage sont limitées et réservées aux cas le nécessitant, même si le sujet ne fait pas l’objet de consensus.

• Le sondage doit être plutôt long, de 48 à 72 heures, avec une sonde souple et de petit diamètre.

• Il ne faut pas utiliser une antibioprophylaxie chez le chat en obstruction urétrale.

• L’urétrostomie est évoquée rapidement avec les propriétaires.

Céline Pouzot-Névoret Maître de conférences au Siamu de VetAgro Sup. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de l’Afvac à Lille (Nord), en novembre 2016.

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