Législatives : les confrères qui repartent à la bataille - La Semaine Vétérinaire n° 1722 du 03/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1722 du 03/06/2017

DOSSIER

En raison de la loi sur le cumul des mandats, de la peur du “dégagisme”, voire de la lassitude, plus d’un tiers des députés sortants ne se représentent pas en juin. L’Assemblée nationale va donc connaître un renouvellement inédit, avec notamment une place plus large faite aux candidats issus de la société civile. Pourtant, les praticiens libéraux risquent d’être représentés de moins en moins…

La profession vétérinaire, notamment dans les zones rurales, a historiquement été bien représentée au Parlement. Cela risque pourtant de bientôt ne plus être le cas, du moins à l’Assemblée nationale. Celle-ci, en 2007, comptait sept vétérinaires députés, dont six de droite. En 2012, ne restaient plus que Geneviève Gaillard (T 72), Parti socialiste (PS), et Jacques Lamblin (A 77) (encadré ci-contre), Les Républicains (LR), qui ne se représentent pas en 2017. À défaut d’informations plus précises, il semblerait que Bertrand Barraud (L 89), pour Les Républicains dans le Puy-de-Dôme, et Fawaz Karimet (T 83), divers gauche dans l’Aisne, soient les seuls praticiens libéraux en exercice à se lancer dans la bataille électorale en juin (encadrés). Joël Balandraud (A 99), depuis 2014 maire UDI (Union des démocrates et indépendants) d’Évron et président de la communauté de communes des Coëvrons, dans la Mayenne, sera suppléant dans la 1re circonscription de ce département. Il n’exerce plus.

Le grand chamboule-tout politique en cours et l’ouverture aux candidats de la société civile n’ont pas, semble-t-il, inspiré de vocations chez les vétérinaires ! Cela n’inspire même « rien de bon » à Dominique Bousquet (L 78), élu tout-terrain depuis 1982 dans la Dordogne (il a même été député entre 1995 et 1997), président départemental des Républicains dans ce département : « La démocratie, ce n’est pas le parti unique. On n’a rien trouvé de mieux pour organiser la démocratie que les partis politiques. Peut-être que je suis d’une autre époque et qu’il va y avoir une vraie révolution, mais pour l’instant, j’ai le sentiment que l’on est en pleine schizophrénie. Comment comprendre que certains de nos candidats LR vont être opposés à des candidats du gouvernement qu’ils s’apprêtent déjà à soutenir ? »

Des pratiques politiques locales « vieillottes »

Pour certains élus, la marche est haute. Conscients que pour défendre la profession, mieux vaut avoir des élus nationaux qui connaissent bien le milieu vétérinaire, ils ne se sentent pas attirés par ce type de mandat. « J’ai été une fois suppléant pour rendre service », concède Jean-Marie Lubret (T 76), conseiller départemental (depuis 2001) et maire de Fruges (depuis 2014) dans le Pas-de-Calais, qui file la métaphore cycliste : « Jusqu’au conseiller départemental, on figure dans les courses amateurs ; au niveau national, député ou sénateur, on aborde les courses professionnelles. »

D’autres ne se posent même pas la question et se consacrent pleinement à leur mandat, dont ils découvrent parfois amèrement toutes les facettes. « Au niveau local, les pratiques politiques demeurent vieillottes. Comment peut-il en être autrement quand certains élus sont indéboulonnables, que des connivences s’établissent avec les entreprises jusqu’à engendrer une corruption qui ne dit pas son nom, à laquelle chacun finit par s’habituer comme un mode de fonctionnement acceptable ? Soit les élus sont compétents et ils délèguent peu, soit ils ne le sont pas et c’est alors le personnel administratif qui décide. C’est le syndrome du parapheur. Certains élus apposent leur signature sans regarder dans le détail ce qu’ils paraphent. Je n’avais pas été habitué à signer en aveugle lorsque j’étais praticien. L’arrivée de gens de la société civile est à cet égard un bienfait, car ce sont en général des pragmatiques, sous réserve qu’ils maîtrisent leur entourage administratif. Si l’on sent une volonté de changement à l’occasion de ces dernières élections, le vieux monde va faire de la résistance », conjecture Francis Durand (T 74), adjoint au maire du Neubourg (Eure) et conseiller à la communauté de communes du Pays du Neubourg.

Deux candidats potentiels pour 2022

Le virus de la politique n’a cependant pas épargné tout le monde. Éric Février (A 80), praticien en rurale à Saint-Mamet-la-Salvetat (Cantal), maire de sa commune et vice-président de la communauté de communes, avait envisagé d’être candidat. L’environnement politique local et une certaine impréparation ont eu raison de ses projets : « Bien qu’implanté depuis longtemps dans ma circonscription, je ne suis pas encarté et je ne dispose donc pas d’un appareil politique pour me soutenir. De plus, j’ai été beaucoup trop procrastinateur. Il m’aurait fallu d’abord convaincre mes associés, puis me libérer suffisamment à l’avance pour faire une vraie campagne. Sans doute n’étais-je pas prêt. Cela me servira d’expérience pour définir ma stratégie la prochaine fois. »

Mathieu Moreaux (Liège 08), praticien mixte à Chaillac, dans l’Indre, n’a que 32 ans, mais il brûle déjà d’envie d’accéder à d’autres responsabilités politiques que celles qui sont les siennes d’adjoint au maire de Bonneuil (Indre). Là encore, le contexte local, avec des candidats chevronnés et le souci de parité, lui impose la patience : « Je ne me suis lancé en politique qu’en 2014, pour être adjoint communal, et en mars 2015, à l’occasion des départementales. Je me positionne. En outre, d’origine belge, j’ai dû passer par ce parcours du combattant qu’est l’obtention de la double nationalité, car mon grand-père maternel était français. Dorénavant, je suis prêt. »

Un besoin de porte-voix au plus haut niveau

Tous les vétérinaires élus sont bien conscients que leur profession est insuffisamment représentée au Parlement et que cette situation leur est préjudiciable, tout autant qu’au monde rural. « Si nous voulons continuer à vivre tous ensemble, nous devons conserver le contact avec les réalités du terrain. Les élus qui décident au plus haut niveau en sont souvent déconnectés. Ils n’en ont qu’une compréhension indirecte. Nous manquons de relais, comme peuvent l’être les vétérinaires, auprès du monde rural. Je m’en rends compte depuis que je suis élue », témoigne Sophie Le Dréan-Quenec’hdu (N 93), adjointe au maire de Melesse, en Ille-et-Vilaine. Bien sûr, les organisations professionnelles, syndicales et ordinales veillent au grain. De nombreux élus en sont membres. « Au sein du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), nous effectuons une veille législative. Le but, en étant attentifs, vigilants, est d’essayer de désamorcer un certain nombre de mesures nuisant à l’exercice de notre métier. C’est ainsi que nous avons évité que des cavaliers ne soient introduits subrepticement dans des textes de loi, qui devaient permettre la délégation aux éleveurs de la réalisation des césariennes, ou encore l’interdiction de la délivrance de tous les antibiotiques par les vétérinaires. Mais moins nous avons de collègues vétérinaires au Parlement, moins nous disposons de porte-voix pour faire valoir nos intérêts », déplore Éric Février, lui-même président du syndicat vétérinaire du Cantal, qui considère cependant que le député doit aussi avoir une vision des évolutions de notre société et de notre pays.

Difficile de travailler et d’être élu en même temps

Mathieu Moreaux est lui aussi président de son syndicat départemental (Indre) et conseiller ordinal de la région Centre. Sa première bataille, s’il avait pu se présenter et être élu, aurait été la demande de reconnaissance du statut de vétérinaire : « Nous sommes beaucoup trop souvent considérés comme les pompiers de service. Cela n’aide pas à susciter les vocations chez les jeunes. » Militant pour une revalorisation de leurs missions sanitaires, il réclame une plus grande visibilité de l’agriculture, une simplification des normes et une réduction des charges sociales des agriculteurs. « Les jeunes ne veulent plus faire de la médecine rurale parce qu’ils craignent, entre autres, de ne plus pouvoir être payés dans des délais raisonnables ! » Et d’ajouter que les vétérinaires syndicalistes n’ont pas toujours le temps de mener à bien leurs missions… « Il est difficile de travailler, d’avoir un métier et de s’engager en même temps dans l’action politique. Tout le monde n’a pas la possibilité de le faire à temps partiel, ou de retrouver son emploi après son mandat », conclut Sophie Le Dréan-Quenec’hdu. Comme une réponse à la question posée : la profession est-elle aux abonnés absents ?

« PLACE À MON SUPPLÉANT, QUI A 32 ANS »

Le député Les Républicains de la 4e circonscription de Meurthe-et-Moselle ne saurait oublier le 22 décembre 2006, quand, vétérinaire, il a vendu sa clientèle : « Ce jour-là sortait un sondage indiquant Nicolas Sarkozy à 47 % pour les élections présidentielles. J’ai alors vécu un grand moment de solitude ! Heureusement, tout s’est bien passé pour moi, et j’ai réussi à sauver mon siège en 2012, un peu, du reste, contre le vent… » Deux mandats après, à 65 ans, Jacques Lamblin passe la main ; plus précisément, il devient le suppléant de… son suppléant : « J’avais promis à mes concitoyens de Lunéville, lorsque j’ai été réélu maire en 2014, que je le resterais si le cumul des mandats était toujours interdit en 2017. Je l’assurais d’autant plus volontiers que j’avais un candidat idéal pour ma succession : mon propre suppléant, un jeune homme de 32 ans, ouvert à la modernité, qui pourrait devenir, s’il est élu, l’un des plus jeunes députés de l’Assemblée nationale. »


VIGILANT ET ACTIF


SUR LES DOSSIERS AGRICOLES

Vétérinaire et fils d’agriculteurs, Jacques Lamblin considère s’être montré particulièrement vigilant et actif sur les dossiers agricoles durant ses mandats. Notamment lors de la loi de modernisation de l’agriculture, en 2010, et, plus encore, lors de la loi de modernisation de l’économie, en 2008 : « Concernant les conditions générales de vente du fournisseur, je me suis impliqué en étant plutôt à contre-courant du texte voté. Avec la suppression des remises arrière, le prix d’achat consenti aux gros acheteurs résulte maintenant d’une négociation très serrée ; la marge qu’ils appliquent ensuite est suffisamment faible pour anéantir les petits distributeurs, de médicaments vétérinaires par exemple, qui achètent au prix fort et ne sont pas compétitifs, même en vendant à prix coûtant. » L’ancien praticien libéral mixte ne pouvait pas non plus ignorer la question des retraites liées à la prophylaxie : « J’ai joué mon rôle de lobbyiste, mais avec un bonheur inégal, car il est difficile de faire pièce à la mauvaise volonté de l’administration quand elle se fait tirer l’oreille pour payer ce qu’elle doit ! »


« VÉTÉRINAIRE JUSQU’AU BOUT »

Vétérinaire, il estime l’avoir été par ailleurs jusqu’au bout sur le principe des caméras d’enregistrement dans les abattoirs, afin de lever toute ambiguïté sur la réalité de leurs pratiques : « S’il a été acté, c’est à la suite de la bataille parlementaire que nous avons menée, notamment avec ma consœur vétérinaire socialiste Geneviève Gaillard. Nous ne pouvions nous affranchir de cette exigence de nos concitoyens. » Jacques Lamblin évoque à dessein cette collaboration pour mieux livrer son analyse sur « l’ouverture ou la recomposition politique » actuelle : « Une co-construction d’un projet gouvernemental est plus cohérente si elle est établie au sein de l’Assemblée nationale par des groupes parlementaires distincts, avec leurs spécificités, qui réunissent une majorité sujet par sujet, plutôt que dans une sorte de magma composé de gens regroupés dans un même parti relativement artificiel, avec des idées ancrées à gauche pour les uns et à droite pour les autres. Un tel parti a une espérance de vie faible et risque de se disloquer à la première difficulté. »


Jacques Lamblin (A 77), député de Meurthe-et-Moselle.

UN COMBAT DIFFICILE

DANS UNE CIRCONSCRIPTION ATYPIQUE

Candidat officiel du Parti socialiste (PS) en 2012, Fawaz Karimet en a claqué la porte, il y a quelques mois. Il a pourtant reçu l’aval de Solférino pour cette investiture, avec le soutien du Parti communiste français (PCF) et du Mouvement républicain et citoyen (MRC). Il repart donc à la bataille dans la 1re circonscription de l’Aisne, une circonscription atypique où les rebondissements vont bon train. Il s’agit de celle de René Dosière, apparenté PS, qui s’est illustré dans le contrôle des dépenses de la présidence de la République française. Son retrait s’accompagne d’un soutien à son ancienne opposante, Aude Bono, centriste de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), exclue de son parti pour avoir rejoint La République en marche (LREM). « Le renouveau, c’est nous qui l’incarnons, avec mon suppléant de 23 ans, qui est en 5e année de médecine », se prévaut le vétérinaire conseiller départemental et municipal divers gauche de Laon. La division à gauche pourrait profiter à la droite (Les Républicains) et surtout au Front national (FN), représenté par Damien Philippot, le frère du numéro 2 du FN. « Marine Le Pen est arrivée en tête dans le département au second tour des présidentielles. Moi qui aime les combats difficiles, je suis servi ! Quoi qu’il en soit, je combattrai le FN. Depuis 1998, j’ai toujours privilégié le front républicain », lance Fawaz Karimet qui, s’il est élu, entend conserver une ou deux demi-journées de présence dans son cabinet canin de Laon.

Fawaz Karimet (T 83), candidat dans l’Aisne.

UN DÉFI DE TAILLE

Maire d’Issoire depuis 2014 et conseiller départemental du Puy-de-Dôme depuis 2015, Bertrand Barraud tente à nouveau sa chance pour Les Républicains (LR) dans la 4e circonscription de ce département, après avoir échoué en 2012. Praticien libéral à mi-temps au sein de son cabinet, il souhaite incarner le renouvellement et le rajeunissement dans sa circonscription. Là où Emmanuel Macron avait distancé Jean-Luc Mélenchon et bien plus encore François Fillon au premier tour des présidentielles, et avec un candidat UDI (Union des démocrates et indépendants) et 12 autres adversaires, le défi du maire de la ville-centre s’annonce de taille : « La circonscription est difficile, mais tout est possible. Si l’on ne veut pas en reprendre pour cinq ans de hollandisme, si l’on veut une réelle alternance, il faut au pays une vraie majorité de droite. Et je souhaite y contribuer. »


DES TERRITOIRES ÉQUILIBRÉS

Issoire est une sous-préfecture industrielle, qui accueille par ailleurs le 28e régiment de transmissions avec 1 000 militaires, au cœur d’une circonscription mixte. Bertrand Barraud en décline les priorités de l’élu local : « Nous devons travailler aux équilibres entre les territoires. Cela doit se traduire par la règle suivante : un euro investi pour la ville, un euro investi pour le monde rural ; avec un objectif : le maintien des services publics partout, aussi bien dans les quartiers urbains difficiles que dans les zones moins peuplées des campagnes. Des adaptations sont nécessaires. Nous devons œuvrer, par exemple, pour que les gares et les postes servent à autre chose qu’à commander des billets ou distribuer le courrier ; que l’on puisse aussi réserver un billet pour un concert, acheter des fruits et légumes parce que des représentants de l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) sont présents localement. » Une esquisse de programme pour celui qui, s’il est élu, souhaite cependant conserver un pied dans son cabinet vétérinaire.


Bertrand Barraud (L 89), candidat dans le Puy-de-Dôme.
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