Le déconditionnement des médicaments, mode d’emploi - La Semaine Vétérinaire n° 1721 du 28/05/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1721 du 28/05/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADE L 

Sous certaines conditions, le déconditionnement des spécialités pharmaceutiques vétérinaires est possible, voire encouragé au niveau européen. Une expérimentation menée en santé humaine pour le développement de la dispensation à l’unité des antibiotiques, dont les résultats sont attendus en 2017, pourrait trouver un écho en santé animale.

En médecine vétérinaire, le déconditionnement est une pratique tolérée, voire encouragée. En santé humaine, une expérimentation permettant la délivrance à l’unité des antibiotiques a été lancée en 2014. Celle-ci a été envisagée par le ministère de la Santé comme une solution afin d’éviter les mauvais usages et le gaspillage de ces produits.

Le déconditionnement toléré en médecine vétérinaire

Il peut arriver, en médecine vétérinaire, que le praticien délivre des spécialités pharmaceutiques à l’unité afin d’ajuster ses prescriptions. Cette pratique semble d’ailleurs assez répandue et même encouragée au niveau européen. En effet, la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires invite à ce que « les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans le cas des médicaments délivrés uniquement sur ordonnance, la quantité prescrite et délivrée soit limitée à ce qui est nécessaire pour le traitement ou la thérapie concernés ». Autrement dit, la dispensation à l’unité est vue comme une solution efficace contre le gaspillage de médicaments. Si les textes communautaires peuvent paraître clairs sur le sujet, en France, il est encore nécessaire de les interpréter. En effet, le Code de la santé publique n’interdit pas le recours au déconditionnement des médicaments en médecine vétérinaire et ne donne pas de précisions sur ses conditions. À ce sujet, l’Ordre des vétérinaires1 rappelle que la dispensation à l’unité est possible « sous réserve d’une préservation de l’intégrité du conditionnement primaire ; que les unités soient remises à l’utilisateur dans un conditionnement primaire dont la taille permet l’inscription des mentions du nom du médicament, du numéro de lot et de la date de péremption ; et que les unités soient remballées avec une notice ». Il insiste aussi sur le fait que le déconditionnement ne signifie pas l’absence de prescription vétérinaire, bien au contraire. Toutefois, le déconditionnement n’est pas autorisé si celui-ci vise l’incorporation d’un médicament inscrit sur la liste des substances vénéneuses dans une préparation magistrale. Par ailleurs, le plan ÉcoAntibio 2 prévoit, dans son action 16, la possibilité pour les pouvoirs publics d’autoriser la délivrance d’antibiotiques par fractionnement. Pour ce faire, le texte prévoit d’« étudier le cadre réglementaire favorisant la délivrance d’antibiotiques par fraction, en cohérence avec la future réglementation européenne relative aux médicaments vétérinaires ». Il est encore trop tôt pour connaître ses modalités d’application, mais l’expérimentation lancée en santé humaine pour le développement de la dispensation à l’unité des antibiotiques par les pharmaciens d’officine pourrait trouver ici tout son intérêt.

Une expérimentation lancée en santé humaine

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 lance, en septembre de cette même année, une expérimentation de la délivrance à l’unité de certains antibiotiques et un décret2, publié le même mois, en prévoit les modalités d’application. Elle est conduite dans les régions Île-de-France, Limousin, Lorraine et Provence-Alpes-Côte d’Azur au sein de 100 officines (75 expérimentatrices et 15 témoins). Plusieurs spécialités sont concernées : amoxicilline-acide clavulanique, céfixime, cefpodoxime, céfotiam, ciprofloxacine, lévofloxacine, ofloxacine, loméfloxacine, péfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, enoxacine, fluméquine, thiamphénicol. Les pharmaciens participant à cette opération ont été choisis sur la base du volontariat, mais aussi en fonction d’un protocole qui « définit le nombre de pharmacies participant à l’expérimentation, soit pour délivrer des médicaments à l’unité, soit à titre de pharmacies témoins, ainsi que le nombre de patients participant à l’expérimentation ».

Des pharmaciens encouragés et payés

Afin d’encourager la réussite du projet, les pharmaciens participants sont encouragés par les pouvoirs publics. En effet, les officines volontaires perçoivent une rémunération minimum de 300 € versée au début et à la fin de l’expérimentation de la dispensation d’antibiotiques à l’unité (sous réserve que la pharmacie ait au moins recueilli 50 consentements de patients). À cela, il faut ajouter une rémunération versée pendant 12 mois en fonction du nombre de délivrances. Un forfait maximum de 500 € est prévu lorsque la pharmacie réalise au moins 100 délivrances à l’unité. Ce montant passe à 400 € pour un nombre de délivrances compris entre 80 et 99 et à 250 € pour un nombre inférieur ou égal à 79. Un autre forfait de 500 € est prévu pour l’officine qui effectue au moins 200 délivrances au cours de l’ensemble de la période d’expérimentation. Ce montant passe à 400 € pour un nombre de délivrances compris entre 180 et 199 et à 250 € pour un nombre inférieur ou égal à 179. Au total, une pharmacie volontaire “performante” pourrait percevoir 1 000 € par an.

Des règles spécifiques d’étiquetage et de conditionnement

Les officines doivent recueillir en amont, par écrit à l’aide d’un formulaire spécifique, le consentement exprès et éclairé des patients soumis à l’expérimentation. Le pharmacien veille à ce que les médicaments délivrés correspondent au nombre d’unités nécessaires à la durée exacte du traitement. Par ailleurs, ils doivent respecter des règles d’étiquetage et de conditionnement. Un support papier doit être joint au nouveau conditionnement extérieur et porte, sur fond blanc, les mentions, inscrites à l’encre indélébile et de manière à être facilement lisibles et compréhensibles :

a) les mentions relatives à l’identité du patient : nom et prénom,

b) les mentions relatives à la spécialité pharmaceutique : le nom ou la dénomination de la spécialité, le dosage, la forme pharmaceutique ; si nécessaire, la posologie et les recommandations d’utilisation ; le numéro d’enregistrement de la spécialité figurant sur le livre-registre ou dans le système informatisé et,

c) si nécessaire, la durée du traitement et la date limite d’utilisation,

d) le nom et l’adresse de la pharmacie d’officine ayant dispensé la spécialité.

Lorsque le nombre d’unités nécessaires pour la durée du traitement est supérieur au nombre d’unités du conditionnement extérieur initial, le pharmacien délivre le conditionnement en l’état, accompagné du nombre d’unités complémentaires.

Un bilan attendu en 2017

L’évaluation de cette expérimentation de la dispensation à l’unité d’antibiotiques, notamment des conditions techniques et méthodologiques, est confiée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Un des objectifs est de mesurer l’impact de cette expérimentation sur l’activité des pharmacies, l’acceptabilité par les pharmaciens et les patients, la modification des volumes d’antibiotiques dispensés et consommés, les économies générées, mais aussi les changements de comportement vis-à-vis de la consommation d’antibiotiques. Dans une réponse3 écrite à un député, le ministère de la Santé indique que le gouvernement présentera au Parlement, en 2017, « le bilan complet de l’expérimentation, notamment au regard de son impact sur les dépenses, l’organisation de la filière pharmaceutique et le bon usage des médicaments concernés ». Pour l’heure, le changement ministériel retardera certainement le bilan attendu.

1 Brève datée de mai 2016.

2 bit.ly/2qVi1pk.

3 bit.ly/2quTGoA.

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