Traitement des myocardiopathies primitives félines - La Semaine Vétérinaire n° 1719 du 13/05/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1719 du 13/05/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS 

Les myocardiopathies (MC) primitives sont des affections du muscle cardiaque à l’origine d’une dysfonction myocardique majoritairement diastolique (MC hypertrophique et restrictive) ou systolique (MC dilatée). Quel que soit le type de dysfonction, la baisse du débit cardiaque qui en résulte est à l’origine d’une activation de divers systèmes neuro-hormonaux, comme le système rénine-angiotensine-aldostérone (Sraa) ou sympathique, entraînant une rétention d’eau et de sodium, une vasoconstriction artérielle, ainsi qu’une augmentation de la fréquence et de la contractilité cardiaques. Cette activation neuro-hormonale devient délétère, et évolue vers une insuffisance cardiaque (IC) et l’apparition de symptômes en relation avec une IC congestive (ICC) ou une IC de bas débit, ou de complications telle une thrombo-embolie artérielle (TEA).

Phase asymptomatique ou occulte

À ce jour, aucune étude n’a démontré que l’instauration d’un traitement médical au stade asymptomatique des MC retarde l’apparition de l’ICC ou prolonge la survie. Seul l’aténolol, un β-bloquant sélectif, a été évalué de manière prospective chez les chats atteints de MC hypertrophique, mais aucun bénéfice sur la survie n’a été mis en évidence. Toutefois, certains spécialistes s’accordent sur le fait que les chats présentant une dysfonction ou un remodelage myocardique significatif, une obstruction dynamique dans la chambre de chasse du ventricule gauche ou une dilatation atriale (précédant la survenue de l’ICC et parfois à l’origine d’une TEA) pourraient tirer profit de la mise en place d’un traitement.Les principales molécules utilisées sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), le diltiazem (inhibiteur calcique) et l’aténolol. Leurs effets incluraient une diminution de l’hypertrophie et une amélioration de la relaxation du myocarde, une baisse d’activité du Sraa, ainsi qu’une réduction de l’obstruction dynamique dans la chambre de chasse du ventricule gauche.La spironolactone, quant à elle, n’a pas montré d’effet bénéfique sur l’hypertrophie et la relaxation du ventricule gauche dans une étude réalisée chez le maine coon atteint de MC hypertrophique. Par ailleurs, son effet antifibrotique (démontré chez l’homme) n’est pas établi chez le chat. Récemment, l’ivabradine a été étudiée dans la MC hypertrophique féline. Par son action chronotrope négative, cette molécule diminue l’obstruction dynamique dans la chambre de chasse du ventricule gauche lors de forme obstructive de MC, mais de manière moindre que l’aténolol. Le pimobendane, à activité inodilatatrice, n’a pas été étudié chez le chat atteint de MC asymptomatique. Enfin, lors de MC arythmogène du ventricule droit à l’origine d’une tachyarythmie ventriculaire, l’administration du sotalol (antiarythmique de classe III) peut être envisagée.

Phase symptomatique

Maladie aiguë

Les symptômes de l’ICC aiguë incluent principalement une dyspnée liée à la présence d’un œdème pulmonaire et/ou d’un épanchement pleural. Cette ICC peut s’accompagner de signes cliniques en relation avec une IC de bas débit (faiblesse, syncope) ou de complications (dysfonction rénale, TEA). Dans la phase aiguë d’une ICC, une hospitalisation est indiquée, avec pour but principal d’administrer de l’oxygène et de réduire la congestion veineuse par l’utilisation de furosémide, puissant diurétique de l’anse dont les effets sont dose-dépendants. La dose initiale de furosémide, administrée par voie intramusculaire ou intraveineuse, varie en fonction de l’intensité de la dyspnée et peut être renouvelée jusqu’à stabilisation de l’animal. La voie intraveineuse est à employer avec prudence car elle est susceptible d’induire une hypotension, en particulier lors de MC hypertrophique obstructive. Une fois l’animal stabilisé, la dose, la voie et la fréquence d’administration de furosémide sont adaptées régulièrement. Des vasodilatateurs artério-veineux peuvent être indiqués dans les cas graves d’ICC pour contrôler la pression artérielle systémique (effet hypotenseur, en particulier pour le nitroprussiate de sodium). Le pimobendane peut être intéressant, en particulier lors d’IC de bas débit concomitante. Notons qu’il n’existe pas de données pharmacologiques concernant l’utilisation de la forme injectable du pimobendane chez le chat. La dobutamine (inotrope positif) doit être réservée aux cas les plus graves d’IC de bas débit en raison de certains effets indésirables (tachyarythmie). En phase aiguë, la prescription d’IECA et de spironolactone est controversée car ces molécules pourraient potentialiser les effets hypotenseurs et néphrotoxiques du furosémide. L’aténolol, le diltiazem et l’ivabradine sont peu indiqués dans le traitement de l’ICC aiguë en raison de leurs actions inotropes et chronotropes négatives. Une thérapeutique préventive de la TEA peut être instaurée, bien que son bénéfice reste inconnu. Lors de l’hospitalisation, un suivi régulier de l’animal est indispensable afin d’adapter la thérapeutique et de prévenir l’apparition d’effets indésirables, comme l’hypotension, l’hypokaliémie et la dysfonction rénale.

Maladie subaiguë à chronique

Le furosémide est principalement administré par voie orale à la dose minimale efficace. Le suivi de la fréquence respiratoire à domicile est intéressant et permet aux propriétaires d’adapter la dose de diurétique au quotidien. Lors d’ICC réfractaire, la voie sous-cutanée représente une alternative intéressante, pouvant remplacer une ou plusieurs prises orales quotidiennes de furosémide. Le torasémide a fait l’objet d’une étude expérimentale chez des chats atteints d’une hypertrophie myocardique. Cette molécule semble être bien tolérée à court terme (24 heures), avec une durée d’action de 12 heures. En l’absence de données pharmacologiques supplémentaires, le torasémide est à éviter en première intention chez le chat. L’utilisation des IECA semble indiquée dans le traitement de l’ICC chronique en raison de leur effet inhibiteur du Sraa. Dans une étude prospective chez des chats en ICC stabilisée, une amélioration de certaines variables cliniques et échocardiographiques a été démontrée pour ceux qui reçoivent du bénazépril en complément de la thérapeutique classique de la maladie. En revanche, le bénéfice sur la survie n’est pas encore connu à ce jour. Bien que non étudiée chez le chat en ICC, la spironolactone peut être associée au furosémide lors d’ICC réfractaire. En outre, son effet d’épargne potassique est intéressant afin de limiter l’effet hypokaliémiant des diurétiques de l’anse. L’aténolol et le diltiazem peuvent être utilisés chez les animaux dont l’ICC est stabilisée, en particulier lors de forme obstructive de MC ou de tachyarythmie. Le pimobendane, associé au traitement classique de l’ICC, aurait un effet bénéfique sur la survie, mais cela reste à confirmer dans des études prospectives randomisées. Son utilisation doit être prudente dans les formes obstructives de MC (risque d’hypotension systémique).

Lors de thrombo-embolie artérielle

La TEA est une complication rare mais sévère de MC. La dilatation atriale gauche et la présence de volutes préthrombotiques sont des facteurs de risque. En prévention, l’aspirine, le clopidogrel et l’énoxaparine peuvent être prescrits, sans que leur bénéfice ait été précisé chez le chat. En traitement curatif, les héparines de bas poids moléculaire seraient à privilégier en raison d’une meilleure biodisponibilité et d’un risque plus faible de saignement, comparativement aux autres types d’héparine. Concernant la prévention d’une récidive après un premier épisode de TEA, une supériorité du clopidogrel par rapport à l’aspirine a été démontrée dans une étude prospective randomisée.

Charlotte Misbach Diplomate DESV de médecine interne-cardiologie, exercice itinérant en cardiologie à Paris. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de l’Afvac, en novembre 2016.

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