Apprendre de ses erreurs : un changement de culture majeur - La Semaine Vétérinaire n° 1719 du 13/05/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1719 du 13/05/2017

PROFESSION

ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

La honte et le blâme sont les thèmes audacieux auxquels le Royal College of Veterinary Surgeons a choisi, le 8 avril dernier lors du congrès de la British Small Animal Veterinary Association à Birmingham (Grande-Bretagne), de consacrer une session de deux heures.

Fort des initiatives VetFutures, en 2014, et Mind Matters, qui forme depuis 2016 les vétérinaires à la méditation et à la pleine présence1 et se développe aujourd’hui pour les nurses, le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) continue sur sa lancée en abordant deux handicaps majeurs de la profession vétérinaire britannique : la peur de l’Ordre et la culture du blâme. Catherine Oxtoby, chercheuse, et Lizzie Lockett, directrice de Mind Matters , y ont consacré deux heures lors du dernier congrès de la British Small Animal Veterinary Association, qui s’est tenu à Birmingham (Grande-Bretagne), du 6 au 9 avril 2017.

Comprendre la peur de l’Ordre

Le RCVS a fait le triste constat que nos confrères craignent la structure à laquelle ils sont assujettis, et son président a dit sa honte d’une telle situation, qu’il souhaite radicalement modifier, en donnant l’exemple par un examen objectif et une réparation des erreurs de communication commises par le RCVS.

Comme l’a souligné Lizzie Lockett, « le gagnant est le perdant qui analyse correctement sa défaite et en tire les conséquences ». Laisser une compresse chirurgicale dans un abdomen constitue une erreur ; laisser cette compresse et mentir constitue une faute. Or le RCVS est là pour dénoncer les fautes, pas pour blâmer les erreurs, qui sont dans la nature de l’homme.

Dans l’enquête que le RCVS a adressée à ses adhérents, une des premières réponses reçues, parmi les 7 349 en cours d’analyse, est édifiante : un confrère répond très rapidement par e-mail que tout est à jeter dans ce questionnaire, car une des questions comporte une coquille qui en dit long sur le non-respect du RCVS pour ses adhérents… Le fait de toujours voir la petite bête est malheureusement une déformation professionnelle, sans frontières entre les pays.

Libérer la parole

Une cinquantaine de leaders d’opinion assistaient à cette matinée exceptionnelle, avec une disposition de la salle propice à une écoute différente, des tables rondes, au centre desquelles se trouvaient des feuilles de bristol. Après avoir présenté le CV des échecs d’un universitaire plein d’humour et de sagesse, Catherine Oxtoby, de l’université de Nottingham, a proposé à chacun de rédiger une erreur professionnelle. Trente secondes ont suffi pour que chacun s’empare de la feuille blanche, y couche une erreur en un clin d’œil et glisse ce bristol dans une grande enveloppe. Après les avoir rassemblées, Lizzie Lockett a épinglé les feuilles sur des tableaux et des fils tendus, matérialisant un mur des lamentations, celles qui n’avaient jamais pu être formulées, ni en privé ni à la clinique. Les participants ont ressenti une vive émotion, à mettre en résonance avec le développement du site Vet Confessionnals.

Le RCVS partagera prochainement l’analyse de cette enquête courageuse et a, d’ores et déjà, mis en place un plan stratégique sur la culture de l’apprentissage, une dynamique qui est celle de toute une vie.

Envisager positivement ses erreurs

Le stress est souvent à l’origine des erreurs, terriblement humaines par nature, même si certaines sont induites par les systèmes – par exemple, lorsque deux flacons, tels l’iso- et l’hypertonique, se ressemblent, ou lorsque, dans un menu déroulant, l’utilisateur clique trop rapidement. D’où la nécessité d’une méthodologie sans faille.

En chirurgie, le dialogue est souvent rare, car on suppose que l’autre sait, devine, voire anticipe. Toute la question est alors de savoir comment vivre après une erreur. Les sentiments ou les émotions les plus fréquents sont la culpabilité, la peur et l’embarras. Surtout pour le dire à son client, d’où la tentation de mentir, qui reste la pire des solutions.

Une situation est d’autant plus difficile à évaluer qu’elle se termine mal. Comprendre une erreur est cependant essentiel. Après un crash aérien, l’analyse des boîtes noires révèle souvent que le copilote n’a pas été entendu par un pilote trop sûr de lui, voire n’a pas osé dire ou contrarier son pilote, quitte à y laisser la vie et celle des passagers. Ce sont d’ailleurs les erreurs qui ont permis de faire évoluer les formations des pilotes de ligne… et les différences entre les pilotes de ligne et les chirurgiens sont savoureuses (tableau).

One Health & One Welfare

Pour empêcher que certains confrères ne fassent des dépressions graves, voire quittent l’exercice de la clientèle, il est urgent d’organiser des réunions régulières, de comprendre ce qui conduit à l’erreur, pour éviter le syndrome de la seconde victime – le fameux responsable et coupable.

Certes, les entreprises préfèrent les bonnes nouvelles aux mauvaises, mais il importe justement de parler des solutions mises en place pour corriger les erreurs, de débriefer ouvertement, à l’instar de ces murs des confessions qui fleurissent et ont interpellé tous les congressistes à Birmingham.

Le client veut savoir ce qui s’est passé et avoir l’assurance que cela ne se reproduira plus. Selon Catherine Oxtoby, la dernière chose qu’il souhaite entendre est qu’« on a toujours fait comme ça ». Le client n’en veut pas individuellement au vétérinaire. À celui-ci d’avoir un dialogue sincère, ouvert, sans être sur la défensive, en changeant les mots pour subir moins de maux.

Quatre jours durant, les 6 700 vétérinaires rassemblés pour le congrès de la BSAVA sont venus apprendre de nouvelles techniques médicales et chirurgicales, sans mesurer que le premier changement à opérer concerne leur façon de fonctionner psychologiquement. Un module d’une journée, le dimanche 9 avril, était consacré aux erreurs professionnelles : nul doute que les praticiens britanniques auront à cœur de privilégier la gestion de leur stress et d’augmenter leur développement personnel, le meilleur moyen d’assurer la santé et le bien-être de leurs patients et d’eux-mêmes ! Un modèle dont nous pouvons nous inspirer librement.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1675 du 20/5/2016, page 22.

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