Vétérinaire dans le secteur coopératif agricole - La Semaine Vétérinaire n° 1713 du 01/04/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1713 du 01/04/2017

DOSSIER

Des vétérinaires exercent dans les organisations de productions animales. Ils peuvent avoir le statut de salarié, celui de libéral ou les deux. Quels sont leurs points communs et leurs spécificités, les obligations et les limites d’exercice que ce choix implique ? État des lieux non exhaustif des différentes modalités.

Un vétérinaire peut exercer pour des organisations de productions animales agréées en tant que salarié, libéral, ou salarié et libéral. « Il n’existe pas de contrainte concernant le statut d’exercice », rappelle Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires. Lorsqu’un praticien travaille pour le compte d’un groupement de producteurs en salariat, les modalités de son exercice sont déterminées avant tout par son contrat de travail, qui doit respecter les textes réglementaires inhérents à la profession de vétérinaire.

La question à se poser est de savoir si l’exercice relève d’une inscription au tableau de l’Ordre des vétérinaires et si les actes effectués relèvent de la définition de l’acte vétérinaire. « Le praticien doit être inscrit au tableau de l’Ordre dès lors qu’il exerce la médecine, la chirurgie des animaux et la pharmacie vétérinaire, soit des actes vétérinaires tels que définis à l’article L.243-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) », précise notre confrère. En revanche, si l’objet du contrat de travail est la zootechnie, les fonctions administratives ou le marketing, par exemple, l’inscription au tableau de l’Ordre n’est pas obligatoire. Rien ne s’oppose à ce qu’un vétérinaire salarié puisse travailler pour le compte de plusieurs groupements, sauf si une interdiction contractuelle le stipule.

Coexistence des statuts salarié et libéral

Depuis la transposition de la directive “services”, les vétérinaires peuvent exercer dans plusieurs sociétés, pour plusieurs employeurs, sans qu’il n’y ait d’obstacle à le faire sous différents statuts, libéral associé ou individuel, collaborateur libéral ou salarié.

Ces nouvelles possibilités d’exercer la profession vétérinaire ont fait l’objet d’études juridiques, notamment de la part de la Direction générale de l’alimentation (DGAL, note de service du 14 août 2007). Les vétérinaires jusqu’alors salariés de groupements agréés ont ainsi créé des sociétés d’exercice libéral (SEL) inscrites au tableau de l’Ordre sous la forme essentiellement de sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (Selas) ou à responsabilité limitée (SELARL), séparées juridiquement, physiquement et administrativement du groupement. Une partition de leur exercice s’est opérée entre, d’un côté, l’activité pour le compte du groupement agréé, pour laquelle ils sont salariés, dont le périmètre se superpose à la gestion opérationnelle du plan sanitaire d’élevage (PSE), à l’encadrement technique et sanitaire, et, de l’autre côté, leur activité purement libérale. Ainsi et dans un même temps, sous couvert d’en matérialiser les conclusions sous la forme de documents différenciés, ces vétérinaires sont en capacité d’établir une visite d’adaptation du PSE et un bilan sanitaire d’élevage avec ses protocoles de soins, apportant de fait aux adhérents du groupement une solution globale. Actuellement, pour les seules productions porcine et aviaire, 21 Selas et 3 SELARL (dont une société coopérative et participative, ou Scop), regroupant 58 praticiens porcins et 43 praticiens aviaires, sont inscrites au tableau de l’Ordre.

Libéral sans convention de salariat

avec le groupement

Tous les vétérinaires peuvent délivrer les médicaments vétérinaires qu’ils ont prescrits préalablement (sans tenir officine ouverte), a fortiori ceux listés dans les programmes sanitaires d’élevage des groupements agréés, lorsqu’il s’agit des animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire et les soins leur sont régulièrement confiés. Un contrat de soins est établi entre l’éleveur et le vétérinaire dont le groupement agréé est tiers extérieur. Si l’éleveur est contraint, de par son adhésion au groupement, de respecter un cahier des charges ou des chartes qualité, il est de la responsabilité du vétérinaire dûment informé, et dans l’intérêt de son client, d’intégrer les contraintes dans sa démarche clinique.

En règle générale, ces vétérinaires ne font pas partie des Selas liées par contrats aux organisations de productions animales. Ils prodiguent essentiellement du conseil (prestations de services) à leurs clients, qui peuvent être des éleveurs, des organisations de productions animales ou des entreprises privées. Les structures vétérinaires sont souvent complexes, avec de nombreux praticiens qui exercent chacun dans une production animale particulière, et elles disposent d’un plateau technique important. Les prestations sont confiées par des groupements qui externalisent une partie du conseil vétérinaire de leurs élevages. « Nous intervenons de la sélection génétique des reproducteurs jusqu’à l’abattage et la distribution des produits, explique Thierry Gavaret, président du Syndicat national des vétérinaires conseils (SNVECO). Les activités auprès des organisations professionnelles agricoles (OPA) sont le plus souvent liées à des missions contractualisées, par exemple, en suivi sanitaire, en qualité des produits ou en encadrement d’équipe technique ou de formation, tout en respectant le cahier des charges des éleveurs adhérents et en se conformant aux procédures qualité. »

Limites des statuts

« Salariés et libéraux ont le plein exercice de l’art vétérinaire au sens du CRPM, c’est-à-dire jusqu’à la prescription, dans le respect de leurs prérogatives, en particulier des valeurs éthiques et déontologiques portées par le Code de déontologie vétérinaire », rappelle Jacques Guérin. Les salariés sont contraints par les limites imposées par leur contrat de travail. Ainsi, toute mission en dehors du champ de ce contrat est réputée être exercée à titre libéral.

La seule réelle différence, conséquence du Code de la santé publique (CSP), concerne les prérogatives liées à la délivrance des médicaments que les vétérinaires prescrivent. Toutefois, pour Jean-Christophe Natorp, praticien ovin libéral indépendant et salarié de l’Agneau Soleil à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence),« ce fonctionnement à plusieurs vitesses concernant les médicaments est dommageable à la profession ». Jacques Guérin précise que « les vétérinaires ne sont pas limités dans leur capacité à prescrire, mais bien, selon le contexte de leur exercice, dans leur capacité à délivrer les médicaments qu’ils prescrivent ». La loi sur la pharmacie de 1975 autorise trois catégories d’ayants droit du médicament vétérinaire dont les contraintes sont différentes. Ni le vétérinaire ni le groupement agréé n’a le plein exercice de la pharmacie vétérinaire qui est, pour l’un, restreint aux animaux dont il assure personnellement les soins ou le suivi sanitaire permanent et, pour l’autre, réservé aux seuls adhérents pour une liste restreinte de médicaments. « L’éleveur qui adhère à un groupement, dont l’objectif est de mutualiser les schémas préventifs, doit comprendre et accepter que le législateur a souhaité limiter les prérogatives de son groupement au nom de causes d’intérêt général. » Jean-Christophe Natorp souhaiterait cependant une évolution. « Le vétérinaire est inclus dans l’économie de la filière, et le médicament fait partie des aspects de qualité des produits et de santé des consommateurs. Le praticien qui prend les deux statuts afin de trouver totalement sa place dans cette économie doit devenir un peu schizophrène : disposer d’un téléphone pour l’activité libérale et d’un autre pour l’activité salariée, et cela concerne également le bureau, l’e-mail, l’en-tête des ordonnances, etc. Devoir faire cette gymnastique tous les jours nuit à l’efficacité », constate-t-il. C’est pourquoi notre confrère suggère la mise en place d’un statut intermédiaire.

Offre différenciée plutôt que concurrence

« La concurrence existe, mais il conviendrait plutôt de parler d’offre différenciée, remarque Thierry Gavaret. Il y a de la place pour tout le monde, avec des services différents. Nous devons nous demander de quoi les producteurs ont besoin aujourd’hui, afin de nous y adapter. » Il explique que les organisations de productions animales peuvent en effet avoir la volonté d’internaliser certaines missions ou de les confier à des Selas, car cela fixe leur politique sanitaire et permet de maîtriser certains coûts. Cependant, le maintien d’un maillage de vétérinaires libéraux compétents sur ces filières reste une nécessité revendiquée par le SNVECO. Cette présence terrain sur laquelle s’appuient les OPA, les interprofessions, la DGAL en cas de crise sanitaire (exemple de l’épisode influenza aviaire) est particulièrement importante. « À trop vouloir internaliser le médicament vétérinaire, notamment pour en capter la valeur ajoutée, les OPA risquent de se priver de ce maillage. Les vétérinaires conseils apportent une vision extérieure et indépendante, multi-entreprises, à une échelle régionale ou nationale, avec des moyens d’investigations plus techniques, pour certaines missions. » De plus, certains éleveurs souhaitent travailler avec des vétérinaires indépendants pour leur suivi au quotidien, pour des interventions programmées en santé, en zootechnie ou sur la maîtrise sanitaire et pour les urgences. Jacques Guérin considère que la gestion des animaux en situation d’urgence (gardes de nuit et de jours fériés) est une réelle problématique : « Tous les vétérinaires inscrits au tableau de l’Ordre sont redevables pour leurs clients de l’obligation de continuité et de permanence des soins, y compris les vétérinaires salariés. Ce dispositif est une contrainte et il a un coût (coût humain, plateau technique disponible 24 h/24, etc.). » Un groupement agréé multi-filières doit être en mesure d’assurer à ses adhérents un tel service, espèce par espèce, sans qu’il revienne au praticien libéral de proximité d’intervenir en lieu et place des vétérinaires du groupement, ou par carence de compétences de l’un d’eux. « Comment les vétérinaires salariés pourraient-ils contribuer à la permanence des soins ? », interroge Pierre Buisson, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). « Nous menons des combats communs, mais les discussions sur le maillage territorial ravivent ce débat. » Au-delà de la concurrence entre les uns et les autres, ce sujet est incontournable sans qu’il soit exclu que des conventions s’établissent entre acteurs vétérinaires au service des éleveurs et pour le bien-être de leurs animaux.

Définir clairement les rôles

« Les différents statuts sont complémentaires, mais la question est de savoir lequel adopter pour être le plus efficace possible selon les nécessités des filières et les exigences de terrain », confirme Jean-Christophe Natorp. Pour lui, l’éleveur n’a pas à pâtir de concurrences entre les vétérinaires, qui doivent rester solidaires et professionnels. « Depuis quelque temps, il n’est pas rare d’entendre que les salariés prennent le travail des libéraux, alors qu’ils sont des éléments essentiels du maillage vétérinaire. Exercer en coopération agricole permet de profiter de la dynamique fournie par la filière et d’avoir une meilleure efficacité », explique notre confrère. Il considère que les salariés sont des moteurs pour la filière, notamment en répondant à la demande des libéraux pour améliorer leur pratique, et entretenir de bons rapports entre la filière et la profession. Toutefois, « il conviendrait de définir clairement les rôles de chacun. Par exemple, est-ce au vétérinaire salarié du groupement ou au vétérinaire sanitaire de l’élevage de déclarer un avortement ? », demande-t-il. De plus, l’État permet au vétérinaire libéral de travailler en tant que conseiller, avec le bilan sanitaire d’élevage et les visites sanitaires obligatoires, or « certains libéraux ne peuvent pas toujours y consacrer assez de temps, et l’aspect financier entre également en jeu. Certains éleveurs pensent que ces visites sont un cadeau de l’État aux vétérinaires. Nous devons donc à la fois communiquer avec eux et définir clairement les rôles de chaque statut, car en cas de réapparition d’un problème grave, comme la fièvre aphteuse, nous devons être en mesure de réagir en cohérence ».

Perspectives

« Il convient de rester positif », rassure Jacques Guérin. « La compétence vétérinaire en filières devient rare : peu de praticiens pour des enjeux économiques forts. Il est essentiel de trouver des complémentarités et une coopération intelligente », estime-t-il. « Nous sommes tous très concernés par l’approche One Health, et nos responsabilités sont à la fois économiques, pour assurer la rentabilité des élevages, et liées à la santé publique, pour assurer la qualité des produits », remarque Thierry Gavaret. « Tout cela passe par un grand contact humain, c’est passionnant, et notre métier mériterait de se développer, en dépassant le problème des statuts. » « Notre métier ne se cantonne pas au sanitaire, mais passe par des interventions au niveau de la prévention, du bâtiment, de l’alimentation, etc., confirme Jean-Christophe Natorp. Il serait bien que nous puissions proposer de nouvelles compétences aussi bien en technicité qu’en temps. Et pour cela, la profession doit encadrer et soutenir les jeunes confrères qui entrent dans les coopératives et les groupements. »

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