Antibiothérapie en odontostomatologie - La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 11/03/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 11/03/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON 

L’antibiothérapie peut être affectée par le décret1 relatif aux antibiotiques d’importance critique, mais cela correspond néanmoins à une utilisation logique : « Les antibiotiques sont surutilisés en odontostomatologie, généralement par méconnaissance des affections dentaires », souligne Philippe Hennet.

La présence d’une importante population bactérienne dans la gueule impose-t-elle une antibiothérapie ?

Non, car même si un petit prélèvement de plaque dentaire révèle fréquemment de nombreuses bactéries appartenant à près de 10 à 30 espèces différentes (notamment Porphyromonas sp.), le système de défense buccal protège les animaux non débilités. En outre, l’action des antibiotiques est perturbée par le biofilm : les bactéries sont organisées entre elles dans la gueule, formant un réseau complexe de microcolonies bactériennes réunies par une matrice intermicrobienne et avec des bactéries de surface sur l’émail. Une désorganisation du biofilm est donc indispensable à l’action antibiotique.

Quand réaliser une antibioprophylaxie ?

La chirurgie en odontostomatologie est généralement une chirurgie propre contaminée (taux d’infection de 5 à 15 % sans antibiotique et < 7 % avec antibiotique). L’antibioprophylaxie est nécessaire chez un sujet à risque : animal sous corticothérapie ou chimiothérapie, chats positifs au FeLV/FIV1, leucopénie, sujet débilité et/ou âgé fragilisé. En revanche, chez un animal immunocompétent, la bactériémie transitoire est naturellement éliminée. Une antibiothérapie n’est donc pas nécessaire lors d’extractions dentaires, d’exérèse de tumeur bénigne de la gencive ou de la muqueuse, de chirurgie du palais ou des glandes salivaires. Elle est uniquement recommandée lors de chirurgie osseuse (dent incluse, kyste, tumeur osseuse bénigne), de chirurgie ou traumatisme maxillo-faciaux, et de plaie contaminée. Un animal présentant un souffle cardiaque ne mérite pas davantage une antibioprévention. Le risque d’endocardite bactérienne n’est réel que chez les sujets porteurs de prothèse valvulaire, ceux ayant un antécédent d’endocardite bactérienne ou atteints d’une malformation cardiaque cyanogène.

Comment bien réaliser une antibioprophylaxie ?

Une injection intramusculaire est réalisée 30 à 45 minutes avant l’acte chirurgical en doublant la posologie habituelle. Avec l’amoxicilline-acide clavulanique, une seconde injection à dose normale est réalisée en cas d’intervention dépassant 2 heures. Commencer l’antibioprophylaxie les jours précédents n’a aucun intérêt.

Quand prescrire une antibiothérapie en odontostomatologie ?

Les antibiotiques ne constituent jamais le traitement principal des affections buccodentaires. Des traitements antibiotiques réguliers sont générateurs de résistance bactérienne et ne doivent pas être prescrits à la place de soins dentaires et/ou d’hygiène buccodentaire. L’antibiothérapie n’est justifiée que lors d’une extension de l’infection odontogène vers les tissus environnants (phlegmon maxillofacial), chez un animal à risque présentant de larges plages ulcéreuses gingivales ou linguales (notamment lors de gingivostomatite féline), lors de parodontite grave ulcéronécrotique, d’ostéomyélite. Les plaies infectées profondes, les fractures ouvertes de la mâchoire justifient une antibiothérapie. La durée du traitement est comprise entre 5 et 10, voire 15 jours lors de stomatite ulcéreuse.

La prise d’antibiotiques est-elle nécessaire lors d’abcès sous-orbitaire ?

Non, car le traitement de la dent incriminée (extraction dentaire ou traitement canalaire) résout le problème infectieux. Le drainage spontané de l’infection s’effectue par la fistule. Seule l’association d’un syndrome fébrile constitue une indication à l’antibiothérapie. En l’absence de recouvrement gingival avec une tuméfaction maxillaire persistante après extraction, il convient de réaliser une radiographie (recherche d’une alvéolite, d’une ostéomyélite ou d’un carcinome épidermoïde).

Faut-il prescrire des antibiotiques lors de détartrage ou de gingivite ?

Une antibiothérapie n’est pas nécessaire lors de détartrage, de gingivite ou de parodontite. Aucun antibiotique ne permet en effet de diminuer la charge bactérienne autant que les soins dentaires conservateurs ou non. Néanmoins, une antibiothérapie courte peut être prescrite secondairement en présence de parodontite ulcéreuse, de plaies buccales ou chez un patient immuno-incompétent.

Quels antibiotiques choisir ?

Il est indispensable d’opter pour un antibiotique actif sur les bactéries anaérobies, en particulier contre les bacilles à Gram -. Les antibiotiques de première intention sont l’amoxicilline, la clindamycine et la doxycycline. En seconde intention, le praticien choisira entre les associations amoxicilline-acide clavulanique et métronidazole-spiramycine. La céfovécine et la pradofloxacine ont une très bonne efficacité, mais pas supérieure aux autres antibiotiques. Leur prescription n’est donc pas justifiée.

Peut-on se fier aux résultats d’un antibiogramme ?

Les prélèvements microbiologiques ne sont pas intéressants en pratique courante, en raison des faibles chances de mettre en évidence les germes réellement pathogènes. Il est donc difficile de pouvoir justifier l’utilisation d’un antibiotique critique.

Quels soins buccodentaires proposer après des soins dentaires ?

Il convient de conseiller un massage buccodentaire à l’aide d’un gel antiseptique à la chlorhexidine (Elugel®) au cours de la première semaine postopératoire ; un gel anesthésique local ne semble pas efficace. Puis des mesures d’hygiène buccodentaire sont réalisées, idéalement quotidiennement, avec une brosse souple. Enfin, si l’objectif est de diminuer l’halitose, l’application locale de chlorhexidine suffit.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/3/2016, page 12.

2 Virus de la leucose féline/de l’immunodéficience féline.

Philippe Hennet Diplomate EVDC, praticien à la clinique Advetia (Paris). Article rédigé d’après une webconférence organisée par Vétoquinol en octobre 2016.

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