La grâce fragile d’un pas de deux

Elle fut la voix inoubliable des mots de Marguerite Duras dans Hiroshima mon amour (1959) d’Alain Resnais. Décédée en janvier à 89 ans, Emmanuelle Riva occupait une place discrète dans le cinéma français. Mystérieuse, exigeante, l’actrice n’a pourtant jamais cessé de tourner, même après la reconnaissance tardive que lui valut en 2013 son rôle poignant dans Amour de Michael Haneke. Elle nous surprend encore ici dans un rôle à contre-emploi pétri de fantaisie et de vitalité.

Paris Pieds nus est le quatrième long métrage de Dominique Abel et Fiona Gordon. À leurs côtés, Emmanuelle Riva incarne Martha, une octogénaire excentrique dont la nièce – une grande tige à lunettes un peu gauche – débarque à Paris du Canada pour lui venir en aide. Ne la trouvant pas, elle la cherche, sac au dos, sur les quais de la Seine, dans laquelle elle ne tarde pas à tomber. Sous la statue de la Liberté de l’île aux Cygnes, elle croisera alors la route d’un SDF qui ne la lâchera plus. Comme dans leurs films précédents (L’Iceberg, Rumba, La Fée), la mince trame narrative n’est là que pour permettre au duo de déployer un comique visuel et gestuel, tout en douceur burlesque, héritage léger de Jacques Tati et Pierre Étaix. L’innocence et les maladresses chantent un Paris intemporel, dansent la liberté des corps et opposent un contrepoint poétique à la brutalité du réel. Le film touche aussi par sa modestie et son élégance d’avoir permis à Emmanuelle Riva, au soir de sa vie, de s’amuser comme une enfant.
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Paris Pieds nus d’Abel et Gordon avec Dominique Abel, Fiona Gordon, Emmanuelle Riva, Pierre Richard, France-Belgique, 1 h 23, sortie le 8 mars.