La phytothérapie chez les animaux producteurs de denrées alimentaires - La Semaine Vétérinaire n° 1708 du 24/02/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1708 du 24/02/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR LORENZA RICHARD 

La phytothérapie est de plus en plus utilisée en médecine vétérinaire. Toutefois, sa pratique est soumise à une réglementation stricte, en particulier chez les animaux de rente. Isabelle Rouault, référente nationale en pharmacie vétérinaire pour la Direction générale de l’alimentation (DGAL), en précise les points importants.

Quels produits à base de plantes sont considérés comme médicaments vétérinaires ?

Isabelle Rouault : Dès lors qu’un effet préventif ou curatif est revendiqué pour une plante, une partie de plante ou pour un produit contenant une substance active obtenue à partir d’une plante, ceux-ci répondent à la définition du médicament vétérinaire du Code de la santé publique (CSP).

La réglementation impose alors, pour pouvoir commercialiser ce produit, une autorisation de mise sur le marché (AMM), afin d’évaluer la qualité, l’efficacité et l’innocuité de celui-ci, même en topique. La particularité pour les animaux producteurs de denrées alimentaires est l’obligation de disposer d’une limite maximale de résidus (LMR) évaluée, qui sert à déterminer un temps d’attente garantissant un niveau d’exposition sans risque pour les consommateurs.

Actuellement, très peu de médicaments vétérinaires à base de plantes ont une AMM. Ceux qui sont actuellement autorisés ne sont pas soumis à prescription obligatoire, car l’évaluation réalisée dans le cadre du dossier d’AMM va dans ce sens.

Afin d’encourager les demandes d’AMM, l’État a permis le dépôt de dossier allégé par décret du 16 août 2013, et la redevance pour l’instruction de celui-ci a été minorée par le décret du 22 septembre 2015, passant de 14 000 à 5 000 € quand il s’agit d’un médicament à base de plantes. L’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) du 3 février 20161 en précise les modalités.

Comment prescrire un produit à base de plantes qui n’a pas d’AMM ?

I. R. : Sa prescription entre dans le cadre de la cascade, à condition qu’il n’y ait pas de médicament autorisé approprié (cela peut être le cas lorsque le praticien ne souhaite pas prescrire un antibiotique) et disponible. Les règles à respecter sont alors :

- la rédaction d’une ordonnance par le vétérinaire qui a examiné l’animal ou qui assure le suivi sanitaire de l’élevage ;

- la prescription d’une substance inscrite au tableau 1 du règlement LMR (seulement 120 substances végétales y figurent actuellement, pour environ 300 d’usage courant en médecine vétérinaire) ;

- l’application d’un temps d’attente forfaitaire de 28 jours pour la viande, sept pour le lait et les œufs. Ce délai est doublé en élevage biologique (arrêté ministériel du 16 octobre 2002).

L’ordonnance permet de sécuriser l’emploi de ces médicaments et de bien montrer à l’éleveur qu’on se situe également, avec la phytothérapie, dans le circuit du médicament vétérinaire, avec l’encadrement par un professionnel de santé soumis aux bonnes pratiques – le vétérinaire.

Qu’en est-il des préparations magistrales ?

I. R. : Les préparations magistrales sont réalisées dans le cadre de la cascade, dans le respect des bonnes pratiques définies par l’arrêté du 9 juin 2004 avec :

- des matières premières de qualité, disposant d’un contrôle d’identité et de conformité, ce qui est compliqué pour les plantes. Dans l’idéal, elles proviennent d’un établissement pharmaceutique (des éleveurs achètent des préparations dans des grandes surfaces, dont la qualité, voire la composition, ne peut être vérifiée) ;

- une préparation soigneuse dans un lieu adapté, avec instruments de mesure appropriés et étalonnés en métrologie (balance, etc.) ;

- une traçabilité des opérations qui nécessite, en particulier, l’enregistrement des étapes dans un cahier ;

- une étiquette indiquant les coordonnées du vétérinaire, la mention « usage vétérinaire », la posologie et le mode d’emploi, la date de validité, le temps d’attente et le numéro d’inscription à l’ordonnancier.

Quelles sont les sanctions prévues ?

I. R. : Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, l’éleveur est considéré dans le CSP comme un professionnel averti qui a des responsabilités et des devoirs. Ainsi, s’il achète sans ordonnance un produit à base de plantes soumis à prescription, il risque une sanction pénale de deux ans de prison et 150 000 € d’amende.

Le vétérinaire ou le pharmacien qui délivre des médicaments à base de plantes sans ordonnance risque également deux ans de prison et 150 000 € d’amende. Si les bonnes pratiques ne sont pas respectées (mention oubliée sur l’ordonnance, problème d’étiquetage, etc.), une contravention peut être retenue par infraction relevée.

De plus, des mesures de police administratives sont prévues par le Code rural et de la pêche maritime pour les animaux producteurs de denrées alimentaires. Par exemple, en cas de non-respect du temps d’attente ou d’administration de substance interdite (Aristolochia spp. est classée au tableau 2 des substances interdites dans le règlement LMR), alors l’abattage et la destruction des animaux, de leurs produits ou des substances en cause peuvent être ordonnés. Toutefois, ces décisions ne sont pas prises de façon disproportionnée. Elles sont réfléchies en fonction de la substance en question et sont en adéquation avec le risque pour la santé publique.

Enfin, les entreprises qui vendent sans AMM des produits à base de plantes considérés comme des médicaments risquent deux ans de prison et 30 000 € d’amende. Elles peuvent également être mises en demeure soit de déposer un dossier d’AMM, soit de corriger leur étiquetage, ou encore de fermer définitivement leur établissement, selon l’infraction relevée.

Que dire aux éleveurs qui utilisent ces médicaments hors législation ?

I. R. :« Prévenir et guérir : j’en parle à mon vétérinaire », tel est le réflexe que chaque éleveur devrait acquérir. Des colporteurs ou des sites internet présentent les produits à base de plantes comme de véritables médicaments vétérinaires censés guérir ou vermifuger les animaux et comme étant sans danger car naturels. Or, certaines substances sont classées comme vénéneuses et ces produits ne sont pas anodins. C’est pourquoi, le vétérinaire doit rappeler à l’éleveur qu’il s’agit de médicaments à part entière, qu’il ne peut les obtenir que sur ordonnance rédigée par son vétérinaire traitant, soit auprès de ce dernier, soit auprès d’un pharmacien. Le praticien doit signaler à l’éleveur que ces exigences réglementaires sont certes contraignantes, mais qu’elles sont fondées sur un objectif de sécurité pour la santé animale et celle des consommateurs. En cas de doute, il peut également signaler à l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) des allégations qui relèvent du médicament vétérinaire sur l’étiquette d’un produit qui a été vendu à l’éleveur sans ordonnance.

Quelle évolution est envisagée ?

I. R. : La France porte une position forte concernant les médicaments vétérinaires à base de plantes dans les négociations pour le futur règlement européen. Les temps d’attente forfaitaires représentant un frein à l’utilisation de ces produits chez les animaux producteurs de denrées alimentaires, nous proposons un temps d’attente de zéro jour pour toutes les substances inscrites au tableau 1 avec une mention LMR non requise. Toutefois, nous devons poursuivre cette ambition à plusieurs, c’est pourquoi nous développons des stratégies d’alliance avec d’autres États membres. La France a également demandé au Conseil européen de prévoir un cadre réglementaire adapté pour la médecine vétérinaire à base de plantes, en particulier car il importe que le vétérinaire dispose d’une palette large de solutions alternatives aux antibiotiques afin de mieux lutter contre les risques d’antibiorésistance. De plus, dans le cadre du plan ÉcoAntibio, la DGAL finance des projets de recherche sur les alternatives aux antibiotiques, car nous sommes convaincus que la phytothérapie peut représenter une alternative intéressante. Son intérêt est certain, mais nous devons nous inscrire dans le cadre sécurisé des AMM. Nous espérons donc que l’évolution sera positive dans les prochaines années.

1 Avis de l’Anses, rapport d’expertise collective. « Évaluation des demandes d’autorisation de mise sur le marché de médicaments vétérinaires à base de plantes » : bit.ly/2kWdT3Y.

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