Un cas de polyglobulie - La Semaine Vétérinaire n° 1702 du 13/01/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1702 du 13/01/2017

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Motif de consultation et examen clinique

Un chat européen, mâle castré, de 5 ans est présenté en consultation pour des troubles nerveux d’apparition soudaine. Il est en décubitus latéral, avec déficit proprioceptif des quatre membres, incapable de se relever et ataxique. Une crise similaire en 2013 avait laissé des séquelles d’origine nerveuse (déficit proprioceptif d’un membre antérieur), mais aucune investigation n’avait été réalisée. L’examen clinique général montre une hyperhémie des conjonctives, ainsi que de tous les vaisseaux superficiels cutanés. L’animal vit en intérieur, avec une dizaine de congénères et est correctement vacciné.

Examens complémentaires

La prise de sang est difficile car celui-ci est particulièrement épais, faisant suspecter une hémoconcentration majeure. Aucun signe de déshydratation n’est toutefois noté. La numération et formule sanguines met en évidence une érythrocytose marquée sans altération des autres lignées (hématies [GR] = 17,23 x 106/ml ; hématocrite [Ht] = 75,2 % ; hémoglobine [Hb] = 24,2 g/dl).

Le diagnostic différentiel pour l’érythrocytose inclut une polycythémie primaire (polycythemia vera) ou secondaire.

Les échographies abdominale et cardiaque ne présentent aucune anomalie.

Le dosage de l’érythropoïétine (EPO) s’avère anormalement bas (2 mUI/ml normes : 5 à 25 mUI/ml). L’hypothèse à considérer en premier lieu est donc une polycythémie primaire.

Traitement

Une saignée est réalisée en urgence sous tranquillisation, acte difficile compte tenu de l’épaississement du sang. En parallèle, le chat est mis sous perfusion. Deux saignées successives permettent d’atteindre un hématocrite de 56,2 % et la résolution des symptômes nerveux (et même des séquelles antérieures) en 1 semaine. À la réception des résultats du dosage de l’EPO, un traitement à base d’hydroxyurée est mis en place. Il s’agit d’un antimétabolite myélotoxique qui permet de lutter contre le processus myéloprolifératif.

Suivi

Des crises d’origine nerveuse (tourner en rond, ataxie, etc.) surviennent encore dans les situations de stress (trajets en voiture, modifications dans le milieu de vie, etc.) durant les premières semaines de suivi, puis s’estompent pour finir par disparaître sous traitement. Des numérations et formules de contrôle (tableau) sont réalisées toutes les 4 à 8 semaines pour un éventuel ajustement du traitement.

Discussion

Diagnostic

La polyglobulie ou polycythémie est une affection rare, qui correspond à l’augmentation anormale de l’hématocrite(> 45 % chez le chat), de la concentration enhémoglobine(> 15g/dl) et du nombre d’hématies(> 10 x 106/ml). L’hématocrite peut parfois atteindre 85 %.

Les signes cliniques de la polyglobulie sont ceux de l’hyperviscosité sanguine : abattement, léthargie, troubles du système nerveux, troubles digestifs ou cardiaques. Des muqueuses rouges brique (sauf en cas d’hypoxie chronique) et une dilatation des vaisseaux périphériques peuvent être observées.

La numération et formule sanguines est l’examen de choix pour confirmer la polyglobulie. Une biochimie sanguine permet aussi d’aiguiller le diagnostic. Ainsi, une augmentation de l’hématocrite modérée sans élévation du nombre d’hématies, couplée avec une hausse des protéines totales, évoque une polyglobulie relative. Celle-ci est secondaire à une déshydration ou à un état de stress (contraction splénique). Une augmentation de l’hématocrite associée à une hausse du nombre d’hématies confirme la polyglobulie absolue. La fonction cardiorespiratoire de l’animal doit ensuite être évaluée. La présence de muqueuses cyanosées ou d’une dyspnée oriente le diagnostic vers une polyglobulie absolue appropriée. Des radiographies thoraciques et/ou une échographie du thorax permettent d’en déterminer la cause (cardiopathie, insuffisance respiratoire chronique, etc.). Une échographie abdominale, des tests endocriniens et le dosage de l’EPO complètent la liste des examens complémentaires à réaliser avant de conclure à une polyglobulie primaire. En effet, des polyglobulies absolues inappropriées peuvent être secondaires à une affection rénale (tumeur, amyloïdose, pyélonéphrite, etc.) ou encore à un hypercorticisme. Un dosage de l’EPO anormalement bas, couplé à l’absence des autres anomalies signalées ci-dessus, oriente le diagnostic vers une polyglobulie primaire. Celle-ci est définie comme un processus myéloprolifératif : prolifération monoclonale de la lignée érythroïde ou de précurseurs des lignées myéloïdes. Cette affection est indépendante de l’EPO. D’ailleurs, la valeur de l’EPO est fréquemment anormalement basse en cas de polyglobulie primaire en raison d’un rétrocontrôle négatif. Habituellement, les autres lignées (plaquettes et granulocytes) sont normales.

Traitement

Une phlébotomie (ou saignée) est le traitement d’urgence d’une polyglobulie primaire. Il est conseillé de prélever 15 à 20 ml/kg de sang, avec pour objectif d’obtenir un hématocrite de l’animal inférieur à 60 %. Des phlébotomies répétées peuvent être nécessaires et permettre d’atteindre un hématocrite de 50 %. Une fluidothérapie concomitante est conseillée pour compenser la perde de fluide. Le contrôle à long terme de la polycythémie absolue peut être atteint avec des saignées périodiques (toutes les 3 à 4 semaines), mais le traitement de choix reste la chimiothérapie avec de l’hydroxyurée (10-25 mg/kg deux fois par jour). Les animaux traités avec la chimiothérapie doivent être surveillés : non seulement un suivi de l’hématocrite, mais aussi une surveillance des différentes lignées pour déceler une éventuelle cytopénie induite par le traitement. Le pronostic de la polyglobulie primaire reste réservé. Toutefois, des animaux polycythémiques peuvent demeurer asymptomatiques pendant des années et être pris en charge avec succès sur le long terme.

Aurore Lafargue Praticienne à Rouffach (Haut-Rhin).

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