La difficile rentabilité des nouveaux services - La Semaine Vétérinaire n° 1701 du 06/01/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1701 du 06/01/2017

FINANCES

ÉCO GESTION

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL 

Consultation pour la douleur, séances de physiothérapie, création d’une banque de transfusion sanguine. Les structures vétérinaires cherchent à se différencier. Entre bonne idée et tiroir-caisse, l’adéquation est complexe.

Est-il nécessaire d’investir dans de nouveaux services ? S’ils sont plus ou moins rentables, leur mise en œuvre contribue à la valorisation de l’image de la clinique, à l’amélioration de la relation client, voire de la gestion des équipes. À Nantes (Loire-Atlantique), le centre hospitalier vétérinaire Atlantia (CHVA) a fait le choix, en 2013, d’implanter sur son site un espace dédié à la physiothérapie. « Parce que l’activité générée par les trois vétérinaires spécialisés en orthopédie et les cas de neurologie le justifiaient, explique Didier Schmidt-Morand, vétérinaire ophtalmologue au CHVA. Nous avons choisi d’investir lourdement. Avec une surface dédiée, du matériel spécifique, comme un tapis, un aquarium, un laser, de l’électrostimulation, etc., un partenariat avec le fournisseur Mikan et le recours à une collaboratrice libérale, spécialisée en physiothérapie. Nous avons voulu un outil à la hauteur du plateau technique déployé au CHVA. »

Un service de physiothérapie

Conçu pour le suivi des chirurgies (interventions orthopédiques ou neurologiques), le centre accueille des cas de référés. Quatre ans plus tard, Didier Schmidt-Morand et Sandrine Charles, physiothérapeute, reconnaissent un manque de rentabilité. Pourtant, l’espace effectue une centaine de soins par mois. « La fréquentation est en progression constante. Mais, dépendante des chirurgies, l’activité est très fluctuante. La physiothérapie demeure, malgré tout, une discipline assez méconnue. Il faudrait trouver le temps de mieux sensibiliser les vétérinaires », constate Sandrine Charles. Le retour sur investissement des actes de physiothérapie (près d’une heure, facturée de 35 à 50 €) est insuffisant.

« Contrairement aux kinésithérapeutes, nous ne pouvons pas suivre cinq patients à la fois, observe la physiothérapeute, qui veut réévaluer les tarifs et mettre en place la formation d’un auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV), afin de multiplier les actes. « Un CHV sans service de physiothérapie, c’est aberrant, estime Sandrine Charles, qui capte une clientèle assez éloignée de la clinique. La distance peut constituer un frein. La physiothérapie intervient souvent à la suite d’une hospitalisation et nécessite donc plusieurs déplacements, qui finissent par être coûteux pour les propriétaires. » Pour l’ophtalmologue, créer des services fait partie de la vie d’un CHV. « Tous les projets n’ont pas le même impact financier, ni la même stratégie », confie-t-il. Le recrutement récent de l’anesthésiste Maud-Aline Chesnel – l’une des rares vétérinaires françaises à détenir le diplôme de spécialiste européen d’anesthésie et d’analgésie vétérinaire – a permis de proposer des consultations “antidouleur”. « C’est un plus pour le centre. Et là, à l’exception du coût salarial inhérent au choix fait par le CHV, ce service n’a pas nécessité d’investissement particulier », indique Didier Schmidt-Morand. Enfin, des activités liées à l’institut d’histopathologie voisin et un espace dédié à la structure itinérante FauneVet, spécialisée en faune sauvage et zoologique (créée par les vétérinaires Emmanuel Risi et Romain Potier), sont prévus.

Une banque de sang à Bordeaux

À Bordeaux (Gironde), la clinique vétérinaire Alliance a, quant à elle, fait le choix de créer une banque de sang pour améliorer la disponibilité, la qualité et l’éventail de produits sanguins. « Les transfusions interviennent dans un contexte d’urgence. Il est compliqué d’avoir un donneur sain au moment où l’on en a besoin. La pratique était toujours chaotique, c’est pourquoi nous avons décidé de l’encadrer », explique Mathieu Faucher, initiateur et coordonnateur de cette opération inédite. La clinique a constitué une cohorte de donneurs connus : une douzaine de chiens et cinq ou six chats suivis, dépistés, donnant jusqu’à quatre fois par an. La clinique s’est dotée d’une capacité de stockage, avec les moyens de travailler sur des dérivés sanguins. « Ce que nous n’avions pas la possibilité de faire jusque-là », affirme le vétérinaire. Entre l’acquisition d’une centrifugeuse et d’un frigo, l’investissement n’aura guère dépassé les 10 000 €. Mathieu Faucher, gestionnaire de l’activité, a aussi formé ses confrères et les ASV pour qu’ils disposent à bon escient de la banque de sang. « C’est une opération exclusivement vouée à l’interne. Même avec de petits débits, c’est très chronophage », déplore-t-il. Malgré le relativement faible investissement, le prix de revient de la poche de sang et de plasma reste très élevé, ne générant pas de bénéfices. Au mieux, le vétérinaire espère un peu plus de référé. « Ce n’est pas un nouveau service qui vise à être rentable, mais qui est conçu pour améliorer la qualité des soins, pour nous faciliter la vie et valoriser notre image. C’est sans doute pour cela que les banques commerciales de sang ne se sont pas développées en France. Le pays est très en retard dans ce domaine. Cela fait partie des choses qui manquaient. »

L’émergence d’un “réseau douleur”

Sur l’île de Ré, après l’obtention d’un diplôme interuniversitaire (DIU) douleur à la faculté de médecine de Rennes (Ille-et-Vilaine), Thierry Poitte a, il y a six ans, calqué les techniques de la médecine humaine sur le monde vétérinaire et a développé des consultations douleur. Et non antidouleur, un qualificatif qu’il trouve un peu présomptueux. « On ne supprime jamais totalement la douleur. On est plutôt dans l’accompagnement et l’amélioration de la qualité de vie », explique-t-il. L’activité représente aujourd’hui 75 % de son temps. Pour cela, il a dû former une ASV référente douleur capable de prendre le relais auprès des clients et de suivre les dossiers avec compétence et empathie. « Il est inconcevable que quelqu’un ne soit pas au courant du dossier. Il existe vraiment une culture de la relation client. Il faut prendre son temps, montrer de la compassion. Au final, cela répond vraiment à une demande des propriétaires d’animaux. C’est un service différenciant qui plaît. Nous sommes aussi beaucoup dans la médecine narrative : faire parler les gens, les écouter, leur donner un rôle dans la prise en charge de la douleur. Les mots qu’ils utilisent nous livrent en effet de nombreux repères. Le propriétaire vit 24 h/24 avec l’animal et peut détecter des douleurs spontanées les douleurs chroniques que nous ne verrons pas forcément à la clinique. Nous obtenons des résultats très intéressants », souligne Thierry Poitte. Les consultations, d’une durée moyenne de 30 minutes, sont facturées 58 €. « Certains peuvent dire qu’en rentabilité immédiate, cela ne vaut pas le coup, mais c’est une erreur grossière. Derrière, nous fidélisons le client en créant une véritable alliance thérapeutique. » Il voit ainsi les chiens arthrosiques 5 à 10 fois par an. Les propriétaires viennent pour faire de la médecine préventive, qui constitue un véritable levier de développement économique.

Un investissement plus moral que financier

Fort de son expérience, notre confrère a, au fil des années, dispensé des formations auprès de 700 vétérinaires dans l’Hexagone. Signe de l’intérêt grandissant pour la profession, « il m’est demandé d’intervenir en formation directement dans des cliniques pour former plusieurs professionnels », se félicite Thierry Poitte, qui a récemment créé le réseau CAP douleur, accessible sur une plateforme en ligne, véritable mine d’informations pour particuliers et professionnels. « L’objectif est de garder un lien avec les vétérinaires ayant suivi la formation et de créer une communauté. En échange, les cliniques peuvent afficher leur appartenance au réseau CAP douleur », conclut notre confrère.

Un plus technique

En équine, à la clinique vétérinaire du Grand-Renaud, à Saint-Saturnin (Sarthe), Christian Bussy, après avoir lancé il y a quatre ans un service de dentisterie qui fonctionne bien, vient de s’équiper d’un Lameness Locator®, un dispositif localisant précisément, chez le cheval, les causes des boiteries de faible amplitude. « Le résultat est immédiat. Il n’y a pas besoin d’attendre un développement. En France, seule l’École vétérinaire de Lyon et nous sommes capables de proposer ce service. C’est une activité faiblement rémunératrice, mais qui contribue à la renommée et au savoir-faire de la clinique. C’est tout l’enjeu de ces nouveaux services. Il faut savoir amener un plus technique que l’on ne trouve pas à chaque coin de rue, comme l’ostéopathie », indique Christian Bussy, qui réfléchit à la création d’un nouveau service, dont la réussite dépendra aussi d’une certaine confidentialité.

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