repenser la place de l’animal en société - La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016

ACTU

Durant cette législature, dans le cadre des travaux du groupe d’études parlementaire Protection des animaux que j’ai créé en 2002 et que je préside depuis, j’ai contribué à une réflexion renouvelée sur la place de l’animal en société. Nous avons notamment, à ce titre, réussi à impulser une action commune de 26 associations de protection animale françaises, qui a abouti à la publication du manifeste AnimalPolitique, le 22 novembre dernier, et qui animera les campagnes des prochaines législatives et présidentielles de 2017, un ensemble d’attentes et de revendications sur notre rapport à l’animal qui servira de base d’interpellation des différents candidats.

Mais un autre dossier m’a particulièrement mobilisée, celui des conditions d’abattage des animaux de rente, et ce, bien avant l’intervention des scandales révélés par l’association L214.

C’est en juin 1982 qu’entrait en vigueur la Convention européenne sur la protection des animaux d’abattage, dont l’objectif principal est de contribuer à l’humanisation et à l’harmonisation des méthodes d’abattage. La France a été signataire de cette convention dès 1979.

Notre société est de plus en plus soucieuse du bien-être des animaux, non seulement des animaux de compagnie, mais aussi, et de plus en plus, des animaux dits de rente, ce tout au long de leur vie et jusqu’à leur mort programmée pour satisfaire nos besoins alimentaires.

Parallèlement, le monde scientifique a accompagné ce mouvement sociétal, son expertise étant sollicitée quant au ressenti des animaux, à leurs capacités cognitives, proprioceptives, neurologiques et éthologiques, à leurs facultés d’adaptation comportementale et d’attachement.

Les avis multiples rendus par les experts sont unanimes pour conclure qu’il est donc nécessaire de les priver préalablement de conscience et ainsi de sensibilité, de telle sorte que l’animal ne se réveille pas avant l’exsanguination complète.

La profession vétérinaire, dont la mission consiste notamment à veiller à la bonne santé des animaux de rente et à leur bientraitance, en accompagnant leurs propriétaires et leurs éleveurs depuis la naissance jusqu’à la mort des bêtes, a apporté sur ces questions son expertise scientifique et technique.

Dans un rapport de 2006, l’Académie vétérinaire de France explique que l’étourdissement préalable à la saignée permet d’épargner aux animaux des souffrances évitables. Elle montre que certains procédés d’étourdissement sont réversibles et insiste sur l’importance de ne pas laisser les animaux étourdis en attente sur la chaîne d’abattage.

Cette même année, la Fédération vétérinaire européenne déclare qu’« abattre les animaux sans étourdissement préalable est inacceptable, quelles que soient les circonstances ».

Le 24 novembre 2015, l’Ordre national des Vétérinaires français déclare : « Tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace, préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle-ci. »

Plusieurs textes européens ont établi successivement le principe fondamental de l’interdiction de l’abattage d’animaux conscients. Le législateur français, transposant et appliquant ces textes, a mis en place un cadre visant à améliorer le traitement subi par les animaux au moment de leur mise à mort et prescrivant un certain nombre d’obligations incombant aux abattoirs.

L’étourdissement préalable à l’abattage participe de ces mesures destinées à épargner toute excitation, douleur ou souffrance évitables aux animaux et a été érigé en obligation à l’article R.214-70 du Code rural et de la pêche maritime.

Si l’évolution générale de la réglementation semble aller dans le sens du respect du bien-être animal, les conditions actuelles de l’abattage des animaux en France sont cependant loin d’être satisfaisantes.

Le rapport de l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne, après un audit réalisé dans un certain nombre d’abattoirs en France, souligne plusieurs non-conformités aux textes.

À côté du non-respect des textes en vigueur dans le domaine de la protection animale, on constate que la dérogation à l’obligation d’étourdissement préalable, prévue réglementairement, autorise que les animaux puissent être abattus sans avoir été préalablement privés de conscience. C’est le cas lors d’abattage rituel sans étourdissement, au cours duquel l’animal est égorgé conscient.

De plus, les cadences imposées au personnel des abattoirs ne permettent pas toujours un contrôle de la perte de conscience effective de l’animal avant de le libérer du box de contention. L’inobservation de ce contrôle risque d’amener à suspendre des animaux encore conscients, leur causant traumatismes et souffrances inacceptables.

Mais bien au-delà de la pratique elle-même, l’abattage sans étourdissement suscite de vives polémiques parce qu’il serait à l’origine de nombreuses dérives pour des motifs purement économiques. Ainsi, en dépit des mesures prises pour prévenir tout détournement des règles en vigueur, il s’avère que le nombre d’animaux abattus sans étourdissement est largement supérieur aux besoins des consommateurs de viandes consacrées et que ce surplus est réintroduit dans la filière conventionnelle.

Il convient d’agir rapidement pour empêcher l’apparition, à l’aune de ces scandales, d’un amalgame entre consommation de viande et cruauté envers les animaux, voire d’un amalgame entre élevage d’animaux et maltraitance inacceptable. L’avenir de l’élevage français et de la filière viande et, plus généralement, de toutes les filières élaborant des produits d’origine animale en dépend.

Renforcer la protection des animaux dans le cadre de tout abattage constitue donc une priorité.

Concernant l’abattage rituel, nombreux sont ceux de nos voisins européens qui ont étendu l’obligation d’étourdissement de l’animal. Ailleurs dans le monde, la Nouvelle-Zélande interdit l’abattage rituel sur son territoire et l’Australie prohibe tout abattage sans étourdissement préalable.

Mais l’exemple à suivre, permettant de concilier l’ensemble des objectifs recherchés, y compris l’exportation des viandes vers les pays musulmans, vient sans doute d’Asie, et plus particulièrement de Malaisie. Dans ce pays de tradition musulmane, une certification halal, dite norme Jakim, a été édictée. Elle avalise le recours à l’étourdissement de l’animal par électronarcose ainsi que l’usage du pistolet mécanique non perforant. Reconnue au Moyen-Orient et en Asie, cette norme a permis à la Malaisie de conquérir ces marchés d’exportation de la viande.

J’ai donc rédigé et déposé une proposition de loi (PPL) avec mon collègue et confrère Jacques Lamblin, qui propose d’imposer, dans tout abattage, un étourdissement préalable à la saignée, réversible ou non. Concernant plus généralement tout abattage, en dehors de la question de l’étourdissement préalable, il convient d’améliorer la condition des animaux dans les abattoirs, lesquels sont, parfois encore, des lieux de souffrance animale inacceptable. Cet objectif pourra être atteint en renforçant les contrôles dans les abattoirs, à toutes les étapes de la prise en charge des animaux. C’est pourquoi nous sommes les premiers à avoir proposé, dans notre proposition de loi, l’installation d’une surveillance par caméras de vidéosurveillance, au poste de saignée, sur le modèle de celles qui équipent les établissements sensibles, en complément d’une procédure de rotation des opérateurs sur les différents postes. Les enregistrements consultables par les responsables protection animale (RPA) et par les agents des services vétérinaires peuvent permettre de s’assurer de la conformité des protocoles d’abattage. De plus, ce système peut apporter une contribution à la formation pratique des opérateurs et à leur sensibilisation aux règles de sécurité.

Parallèlement, la connaissance du comportement animal par les opérateurs, leur aptitude à appréhender la souffrance des bêtes, leur maîtrise des gestes techniques d’abattage requièrent des compétences particulières et donc une formation appropriée.

Nous avons proposé d’imposer une formation professionnelle initiale et continue à toutes les personnes réalisant des opérations d’abattage ou annexes, d’instituer une évaluation périodique des opérateurs en charge de l’abattage, et de responsabiliser clairement les exploitants d’abattoirs sur ce point.

Nous étions membres, Jacques Lamblin et moi-même, de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie. Notre travail étant antérieur, et ayant débouché concrètement sur cette proposition de loi avant la fin des travaux de la commission, nous avons proposé ce texte à la signature de l’ensemble de ses membres, et de fait certains l’ont cosigné.

Depuis, le président de la commission, Olivier Falorni, dans le prolongement de son rapport jugé trop consensuel, a lui-même déposé une PPL qui reprend, entre autres, notre proposition de vidéosurveillance. J’ai donc décidé de la cosigner, espérant que nos deux textes puissent s’autoenrichir et véritablement déboucher sur le renforcement indispensable de la réglementation applicable. La PPL Falorni pourrait être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du 12 janvier 2017.

GENEVIÈVE GAILLARD (T 72)

est députée des Deux-Sèvres et présidente du groupe d’études sur la protection des animaux à l’Assemblée nationale. Membre de la commission d’enquête parlementaire sur l’abattage des animaux de boucherie, elle a déposé, en juillet 2016, une proposition de loi destinée à éviter toute souffrance aux animaux lors de leur abattage. Elle a par ailleurs contribué à la rédaction et à la publication, en novembre 2016, du manifeste AnimalPolitique, dont 26 associations de protection animale sont signataires et qui animera les campagnes des élections présidentielles et législatives de 2017.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr