L’Afghanistan autrement

Les problèmes causés par le loup ne se limitent pas à l’Hexagone et la peur qu’inspire le prédateur s’est affranchie des siècles et des frontières. Mais l’aurait-on imaginé en Afghanistan où, comme chez nous, elle a nourri de vieilles légendes ? Celle du loup Kashmiri qui hante les villages, la nuit, dressé sur ses deux pattes arrière, dissimulant sous son enveloppe de bête… le corps d’une fée. Dans ces montagnes désertiques, ce ne sont pas les patous mais les enfants – garçons et filles, en groupes séparés – qui sont chargés de veiller à la sécurité des troupeaux ovins et caprins. Tandis que les petits gars renchérissent sur leurs conquêtes amoureuses et s’entraînent à la fronde (un jeu qui va s’avérer dangereux), les filles jouent à se marier, fument des brindilles et, comme leurs aînées, colportent des ragots. Une vie singulièrement rustique, marquée par la ségrégation des sexes, la rudesse des rapports (et la crudité du langage) dans la communauté, mais transfigurée par la beauté des paysages et la sobriété du quotidien. Une vie aussi sourdement menacée… Pour son premier long métrage, Shahrbanoo Sadat, 26 ans à peine, s’inspire de son adolescence passée dans une zone isolée du centre du pays. Avec une rare acuité, une maîtrise étonnante du cadre et des acteurs non professionnels, combinant poétiquement naturalisme et réalisme magique, la jeune réalisatrice afghane nous offre un visage âpre et tendre de son pays. Plus authentique, semble-t-il, que les images convenues des médias.
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