Quoi de neuf en médecine canine ? - La Semaine Vétérinaire n° 1695 du 09/11/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1695 du 09/11/2016

DOSSIER

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX 

La maladie rénale ne serait plus d’origine fibrotique et l’acromégalie féline plus si rare. La médecine vétérinaire rattraperait son retard sur la médecine humaine avec le développement du dosage des marqueurs de l’inflammation, l’arrivée de l’immunothérapie en cancérologie et l’étude du microbiote. Quelles sont les tendances de la médecine ces dernières années ?

La médecine est ainsi faite que des savoirs supposés acquis deviennent obsolètes. Focus sur les avancées les plus marquantes dans plusieurs domaines de médecine interne, applicables en pratique quotidienne. Nouvelles molécules, moyens diagnostics innovants, affinement des connaissances sur la pathogénie et donc meilleure prise en charge : focus sur les avancées les plus marquantes dans plusieurs domaines de médecine interne, applicables en pratique quotidienne.

Insuffisance rénale du chat : penser à la lithiase du haut appareil urinaire

Jusqu’à présent, il était admis que, dans la plupart des cas, la maladierénale chronique du chat était due à une dégénérescence fibrotique des reins. Or Christelle Maurey-Guenec, maître de conférences en médecine interne à Alfort, modère cette hypothèse. « De plus en plus de cas de lithiase du haut appareil urinaire, avec un tableau clinique “petit rein, gros rein” sont observés, note-t-elle. L’apparition de ces calculs a une composante génétique, avec une prédisposition chez le sacré de Birmanie. Un rôle de l’environnement et de l’alimentation est soupçonné, mais la cause précise n’est pas encore connue. » Le calcul, dans la majorité des cas un oxalate de calcium, obstruant un uretère, provoque une dégénérescence du rein de ce côté-là, qui va devenir petit et fibreux. Le tableau clinique ne comportant de la douleur que dans 7 à 17 % des cas, cet épisode peut passer inaperçu. C’est lors de l’obstruction de l’autre côté que le débit de filtration rénale devient suffisamment altéré pour provoquer une augmentation de l’azotémie et un tableau d’insuffisance rénale.

Face à tout chat présentant une insuffisance rénale, il convient alors d’effectuer des examens d’imagerie pour rechercher la présence d’un calcul. L’idéal est de réaliser une radiographie de profil et une échographie. Si un calcul urétéral est repéré, une gestion médicale est tout d’abord mise en place avec une fluidothérapie, un traitement spasmolytique et myorelaxant, et une prise en charge de la douleur si elle est présente. En cas d’échec, une intervention chirurgicale peut être proposée. La dérivation pyélovésicale extra-urétérale (subcutaneous ureteral bypass ou SUB), qui consiste à poser une chambre de dérivation, est actuellement la technique de référence, mais elle n’est pas dénuée de risque, notamment infectieux. Malgré le développement des techniques mini-invasives, la lithotritie laser n’est pas utilisable dans les uretères des chats à cause de leur diamètre trop réduit (0,4 mm).

Cancérologie : les thérapies ciblées, alliées des traitements classiques sans les remplacer

Après les inhibiteurs des tyrosine-kinases, c’est maintenant l’immunothérapie qui vient enrichir le domaine des thérapies ciblées en cancérologie. Oncept® IL-2 (interleukine 2) est ainsi disponible en France pour le traitement des fibrosarcomes du chat et Oncept® Melanoma pour celui du mélanome oral canin aux États-Unis. Prochainement, ce sont les anticorps monoclonaux qui devraient devenir disponibles. Ces thérapies ciblées peuvent simplifier les traitements habituels et notamment alléger la chimiothérapie. L’utilisation des anticorps monoclonaux dans le lymphome B du chien pourrait permettre d’employer uniquement de la doxorubicine en monochimiothérapie, par exemple. Mais si elles contribuent à augmenter la survie ou à diminuer les effets secondaires et le coût du traitement, ces thérapies ciblées ne sont pas suffisantes pour se passer des traitements conventionnels que sont la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie (notamment dans le cas des fibrosarcomes ou des mélanomes). « Ce sont des “plus” à utiliser dans les indications précises pour lesquelles elles ont été développées et que nous attendons avec impatience pour mieux prendre en charge nos patients », estime Didier Lanore, président du groupe d’étude en oncologie del’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

Maladies inflammatoires : le dosage des CRP et SAA prometteur

Il est aujourd’hui possible d’évaluer l’inflammation en clinique en dosant la protéine C réactive (C-reactive protein ou CRP) chez le chien et la protéine amyloïde sérique A(serum amyloid A ou SAA) chez le chat. Ces marqueurs permettent le suivi de l’inflammation au long cours. Ils détectent toute réaction de la part de l’organisme : inflammation, infection mais aussi nécrose tissulaire ou brûlure. « Chez l’homme, la normalisation du dosage de la CRP est souvent ce qui permet de décider une sortie d’hospitalisation », indique Laurent Guilbaud, praticien à Villefranche-sur-Saône (Rhône). Chez le chien, elle est utile dans les affections aiguës (pyomètre, prostatite, leptospirose, parvovirose) dans lesquelles la persistance d’une CRP élevée deux jours de suite est de mauvais pronostic. « Chez le chat, la SAA augmente dans 90 % des cas lors de phénomène inflammatoire ou infectieux, alors qu’on observera une leucocytose dans seulement 70 à 75 % des cas, ajoute-t-il. Le suivi de la SAA chez le chat est un moyen très sensible de diagnostiquer une récidive de pancréatite, par exemple ». En effet, pour le suivi des pancréatites, le dosage de la lipase pancréatique n’a pas d’intérêt, il peut servir pour le diagnostic, mais sa faible sensibilité (40 %) permettra surtout d’exclure l’hypothèse de pancréatite en cas de négativité. Le suivi de l’inflammation systémique est aussi très intéressant pour les bronchopneumonies. En effet, « il était jusqu’à présent recommandé de poursuivre le traitement une semaine à dix jours après la guérison radiographique, mais la guérison biologique avec normalisation des marqueurs inflammatoires prend en fait trois à quatre mois ! Il conviendrait donc de traiter beaucoup plus long temps ». Si ces marqueurs s’avèrent intéressants, ils ont cependant des limites : par exemple, ils n’augmentent pas lors d’une hernie discale (en revanche, cela se produit pour une discospondylite).

Endocrinologie : l’acromégalie féline sous-estimée

L’acromégalie est une affection due à une tumeur hypophysaire sécrétant de l’hormone de croissance de manière dérégulée. « Pendant des années, elle a été considérée comme exceptionnelle, alors qu’elle était juste recherchée trop tard, quand les chats étaient très résistants à l’insuline ou très modifiés sur le plan morphologique », observe Dan Rosenberg, ancien président de la Société européenne d’endocrinologie vétérinaire et praticien à Micen Vet (Créteil, Val-de-Marne). Depuis quelques années, des publications font état d’une forme plus fruste, avec un diabète sucré contrôlable grâce à des doses d’insuline parfois usuelles et un chat présentant une morphologie normale. Un diabète sucré apparaissant en particulier chez un chat mâle âgé de plus de 10 ans doit éveiller des soupçons d’acromégalie. Une mesure de concentration sérique en IGF-1 (insulin-like growth factor) sur sérum constitue un bon test de dépistage. Des résultats compatibles doivent conduire à un examen d’imagerie de l’encéphale (idéalement par résonance magnétique ou IRM).

Un chat atteint d’acromégalie présente généralement, sans traitement étiologique, un diabète de plus en plus difficile à équilibrer. Il peut développer plus précocement une maladie rénale ou de l’arthrose due à l’imprégnation de l’organisme en hormone de croissance. Des signes peuvent aussi apparaître en lien avec le développement de la tumeur hypophysaire. Le traitement repose actuellement sur la radiothérapie, visant à atteindre un double objectif de contrôle de la croissance tumorale et de baisse des besoins en insuline. À défaut, en cas de microadénome, effectuer une “sur-insulinothérapie” palliative est possible, avec généralement une réponse clinique au prix de doses d’insuline très élevées (coût de traitement parfois prohibitif compte tenu des doses employées). Des stratégies alternatives sont en cours d’évaluation, notamment l’hypophysectomie et l’utilisation d’analogues de la somatostatine.

Gastroentérologie : les modifications du microbiote, causes ou conséquences des maladies ?

Les connaissances relatives au microbiote digestif du chien et du chat sont récentes, mais se multiplient depuis quatre ans. Sa composition évolue avec le temps (la colonisation a lieu à la naissance) selon l’alimentation, l’environnement et le capital génétique de l’hôte. Il joue un rôle métabolique et nutritionnel et est aussi impliqué dans la maturation du système immunitaire et la protection contre les agents pathogènes. Il établit un “dialogue” avec son hôte par l’intermédiaire des métabolites qu’il produit et via des molécules de surface se fixant sur des récepteurs toll-like. Une anomalie de ces récepteurs est mise en cause chez des animaux présentant une maladie inflammatoire digestive chronique ou une diarrhée répondant à l’administration d’antibiotiques. Dans un contexte de susceptibilité génétique, une altération du microbiote participerait à une dysrégulation immunitaire qui serait en cause dans l’expression des maladies inflammatoires. De plus, les métabolites nutritionnels fournis par le microbiote interagissent avec la muqueuse digestive de l’hôte et fournissent des signaux qui ont des actions bien au-delà du tractus digestif, par exemple en stimulant le système neurovégétatif. Ainsi, il a été montré que la flore intestinale est impliquée dans de nombreux états pathologiques inflammatoires, auto-immuns (lupus, diabète de type I, anémie hémolytique), cancéreux et même psychiatriques (comme dans l’autisme ou la dépression chez l’homme). Cependant, les avancées ne permettent pas encore de savoir si la dysbiose observée dans ces affections est à l’origine de celles-ci ou en est une conséquence.

Il est possible d’agir sur le microbiote via des pré- ou probiotiques, ou une modification de l’alimentation. Si l’utilisation des probiotiques semble dénuée de risques, « il existe cependant peu d’études basées sur les preuves de l’efficacité des probiotiques chez le chien », prévient Valérie Freiche, spécialiste en médecine interne au Centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Alfort (Chuva). Une seule spécialité contient des probiotiques dont l’effet a été démontré dans l’espèce cible. « D’autres produits présentent des associations de différentes souches bénéfiques, mais des questions restent en suspens : quelles sont les interactions entre ces souches ? Survivent-elles à l’hyperacidité ? Quelle est leur viabilité à la suite de la production et du stockage ? Quelles sont leurs capacités d’adhésion et de colonisation de l’intestin ? Quelles sont leur durée d’action et leur inertie après la fin du traitement ? », ajoute Valérie Freiche.

Par ailleurs, pour éviter toute action délétère sur le microbiote, il convient d’utiliser de façon raisonnée des antibiotiques, « qui sont beaucoup trop souvent prescrits sans justification en gastroentérologie ». À noter que la transplantation fécale est le traitement de choix dans le cas de bactéries résistantes, par exemple chez l’homme lors d’infection à Clostridium difficile.

SUIVI DE LA SDMA ET ADAPTATION ALIMENTAIRE PRÉCOCE

« Il est maintenant recommandé de modifier l’alimentation du chat atteint de maladie rénale chronique dès le stade 1 de la classification Iris1 en prescrivant une alimentation de soutien rénal à teneur réduite en phosphore », indique Christelle Maurey-Guenec. Le diagnostic précoce de cette maladie permis par le développement récent de la SDMA2, biomarqueur de la fonction rénale qui augmente dès 40 % d’atteinte rénale, révèle alors tout son intérêt.

1 International Renal Interest Society.
2  Symmetric dimethylarginine. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/2/2016, page 20.

LE MICROBIOTE DES VOIES RESPIRATOIRES IMPLIQUÉ DANS L’ASTHME DU CHAT

Les voies respiratoires ne sont pas stériles, elles contiennent des agents bactériens, même très profondément. « C’est pourquoi l’analyse des lavages bronchoalvéolaires présente un seuil de détection car sinon ils seraient tous positifs », précise Juan Hernandez, diplomate ACVIM1, praticien au centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne). Pour le moment, le rôle de cette flore respiratoire n’est pas connu. Il est cependant noté que les chats atteints d’une bronchite chronique asthmatiforme souffriraient d’une déviance du microbiote respiratoire. Celle-ci pourrait être à l’origine de l’hypersensibilité à un allergène responsable de l’asthme.

1 American College of Veterinary Internal Medicine.
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