Vers un enseignement encore plus performant - La Semaine Vétérinaire n° 1694 du 02/11/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1694 du 02/11/2016

DOSSIER

Auteur(s) : NATHALIE DEVOS 

Le renforcement de l’enseignement vétérinaire dans le monde est une des clés de voûte de l’amélioration durable des composantes des secteurs public et privé de la profession. La 4 e Conférence mondiale de l’OIE sur l’enseignement vétérinaire, qui s’est déroulée à Bangkok, en Thaïlande, cet été, a été l’occasion d’aborder les moyens de poursuivre cet effort et a mis en exergue certaines initiatives et pistes de développement.

La 4e Conférence mondiale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) sur l’enseignement vétérinaire, intitulée « Application des lignes directrices de l’OIE pour garantir l’excellence de la profession vétérinaire », s’est tenue à Bangkok (Thaïlande) du 22 au 24 juin derniers. Le renforcement de l’enseignement vétérinaire dans le monde est l’une des clés de voûte de l’amélioration durable des composantes de la profession. Un chantier sur lequel planche l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF).

Le contexte

Pour rappel, cette conférence fait suite à une autre organisée également par l’OIE sur le même thème, en 2013, à Foz do Iguaçu (Brésil). Cette dernière avait pour but de présenter l’élaboration d’un modèle de cursus de formation initiale sous forme de lignes directrices1, afin que les jeunes diplômés acquièrent les compétences minimales attendues pour exercer. Cette initiative émanait de différents constats mettant en exergue de grandes disparités concernant la qualité et la diversité de l’enseignement vétérinaire dans le monde (matières enseignées, durée de l’enseignement, etc.).

Ces lignes directrices ont intégré plusieurs composantes, et ce, dans un contexte :


d’émergence de nouvelles maladies animales (le virus de la maladie de Schmallenberg, le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, etc.) ;


de résurgence d’affections animales existantes (virus influenza, par exemple) ;


de menace croissante des maladies animales transfrontalières (telles que la peste porcine africaine) ;


de répercussions des changements environnementaux et climatiques ;


de mondialisation des échanges de marchandises et des déplacements de personnes, propices à la diffusion d’agents pathogènes ;


de nouvelles exigences sociétales en matière de sécurité alimentaire et sanitaire (les scandales de ces dernières années ont renforcé la méfiance des consommateurs), de santé publique vétérinaire (gestion des zoonoses), de bien-être animal, et celles relatives au concept de santé unique (One Health) ;


de développement de la production de certaines espèces (les nouveaux animaux de compagnie, l’aquaculture, qui prend une part croissante, etc.), impliquant d’actualiser les savoirs et la formation des vétérinaires concernant celles-ci. Par ailleurs, compte tenu du rôle important joué par la profession en matière de santé publique, il est indispensable d’approfondir la formation des confrères sur l’utilisation raisonnée et la maîtrise des médicaments et des vaccins à usage vétérinaire. Cela permettra ainsi d’éviter que des personnes qui ne sont pas vétérinaires en aient le contrôle. L’OIE souligne également que la société de l’information dans laquelle nous vivons requiert une adaptation des méthodes d’apprentissage des étudiants.

La conception de ce cursus de formation initiale repose sur plusieurs principes. Chaque étudiant qui intègre l’école vétérinaire possède une bonne maîtrise des sciences élémentaires (en particulier la physique et la chimie), ainsi que les savoirs en lettres et en sciences humaines requis par l’université de tutelle. Ces matières ne sont donc pas prises en compte dans le modèle des lignes directrices.

Les compétences minimales pour les étudiants sont ainsi définies :


les connaissances sous-tendues par les facultés cognitives (les capacités intellectuelles) ;


les qualifications, à savoir la capacité à réaliser des tâches particulières ;


les attitudes, soit les capacités affectives (les sensations et les émotions) ;


les aptitudes, c’est-à-dire les dispositions naturelles, le talent ou la capacité d’apprentissage de l’étudiant.

Les compétences dites générales désignent :


les sciences vétérinaires de base, généralement dispensées en début de cursus, qui sont obligatoires avant d’entamer la partie clinique ;


les sciences vétérinaires cliniques, qui permettent d’acquérir les savoirs nécessaires pour diagnostiquer, traiter et prévenir les maladies animales ;


la gestion sanitaire et l’économie de la production animale.

L’OIE précise que ces lignes directrices sont principalement destinées aux États en développement ou en transition, à la recherche d’outils pour accroître la qualité de l’enseignement vétérinaire, compte tenu des différences sociétales, économiques et politiques considérables qui existent au sein des différents pays membres de l’organisation.

Il s’agit donc d’un socle de base : l’OIE reconnaît l’autonomie des universités et des écoles vétérinaires des États. Chaque établissement pourra donc être amené à compléter ce modèle de cursus de formation initiale pour répondre à ses besoins spécifiques, locaux ou nationaux. Par ailleurs, la chronologie des matières à enseigner, telle qu’elle est recommandée dans le cursus de formation initiale vétérinaire, devra également être adaptée aux différents systèmes (qui prévoient un programme dispensé sur des cycles de quatre, cinq ou six ans), ainsi qu’aux prérequis à l’admission dans les établissements vétérinaires (classes préparatoires ou non).

L’OIE ajoute qu’équilibrer le nombre d’établissements d’enseignement selon l’offre et la demande intérieures sur le marché de l’emploi et diminuer leur nombre lorsque cela est compatible avec les stratégies nationales peut se révéler bénéfique pour bonifier la formation vétérinaire dans un pays.

Les constats

Cette 4e Conférence mondiale a été l’occasion d’aborder les différents moyens de poursuivre l’amélioration de la profession dans le monde par l’incitation à l’harmonisation de l’enseignement vétérinaire en s’appuyant sur les lignes directrices de l’OIE.

Depuis la dernière conférence mondiale, l’organisation a constaté que des disparités d’enseignement existent toujours d’un établissement d’enseignement vétérinaire (EEV) à l’autre, à travers le monde, au niveau de la mise en œuvre des compétences minimales attendues des jeunes diplômés et du modèle de cursus de formation vétérinaire.

De nouvelles méthodes d’enseignement axées sur les besoins des élèves et le recours à l’investigation ont été mises au point, permettant aux élèves de recevoir une éducation qui associe la théorie à des compétences pratiques. Les techniques modernes de l’information promeuvent le développement et la disponibilité de ces méthodes applicables tant à la formation initiale qu’à la formation continue, et il convient de les développer.

La conférence régionale de l’OIE sur le rôle des paraprofessionnels vétérinaires en Afrique, qui s’est déroulée en octobre 2015, a confirmé l’importance de ces derniers dans la prestation de services de santé animale dans de nombreux pays, tout en reconnaissant que ces activités ne sont pas toujours encadrées par les organismes statutaires vétérinaires. L’OIE recommande de développer des compétences minimales et un cursus de formation initiale applicables à cette catégorie de professionnels.

La Conférence mondiale de juin dernier avait aussi pour objectif d’inclure l’élaboration d’une liste d’EEV au niveau mondial, qui s’appuie sur des rapports reçus de ses pays membres en 2015 (carte).

Les recommandations

Il a ainsi été recommandé aux autorités vétérinaires des États membres de :


• veiller à ce que les EEV soient vivement encouragés à mettre en pratique les compétences minimales attendues des jeunes diplômés et le modèle de cursus de formation vétérinaire, aspect qu’ils gèrent par le biais d’une évaluation des résultats obtenus ;


• inciter les EEV à procéder régulièrement à l’actualisation du contenu des cursus de formation, y compris par une approche interdisciplinaire, afin qu’il reflète l’évolution des informations scientifiques et des développements techniques ;


• encourager les EEV à procéder à l’étude et à l’évaluation de techniques d’enseignement innovantes, y compris celles appliquées dans d’autres disciplines scientifiques, à examiner la possibilité de faire bénéficier les étudiants d’une formation commune avec d’autres professions dans le but de motiver le maintien d’une solide collaboration également dans la vie professionnelle future des étudiants ;


• s’assurer qu’il existe des mécanismes efficaces de mise à disposition, d’accès et d’évaluation de la formation continue applicables à la profession vétérinaire, y compris le matériel pédagogique utilisé dans le cadre du e-learning, sur la base d’une étroite coopération entre établissements d’enseignement, autorités, organismes statutaires et associations vétérinaires ;


• veiller à ce que les organismes statutaires vétérinaires assortissent le renouvellement du permis d’exercer la médecine et la chirurgie des animaux des vétérinaires et des paraprofessionnels vétérinaires d’une condition requérant que des exigences minimales de formation continue soient satisfaites ;


• développer ou moderniser la législation vétérinaire autant que de besoin pour que les professions de vétérinaire et de paraprofessionnel vétérinaire soient encadrées conformément aux normes de l’OIE et pour que la législation couvre leurs responsabilités.

1 bit.ly/2eeTQNU.

LA FORMATION VÉTÉRINAIRE EN LIGNE : L’EXEMPLE AMÉRICAIN

Notre confrère américain Kevan Flaming (Iowa State University, College of Veterinary Medicine) a expliqué que la formation en ligne (initiale et continue) est un vrai atout pour augmenter et atteindre un plus vaste auditoire. Aux États-Unis, les vétérinaires accrédités (plus de 60 000) doivent suivre une formation continue pour garder leur accréditation. 100 000 connexions sur les sites de cours ont ainsi été comptabilisées en 2015.
Abordant notamment les maladies animales transfrontalières et la réponse aux crises sanitaires animales, la formation en ligne, placée sous la responsabilité de vétérinaires accrédités, est également utilisée par près de 30 000 étudiants vétérinaires aux États-Unis depuis son lancement en 2011.
En 2015, 26 modules différents ont été mis en place, dédiés aux certificats de santé, aux maladies animales exotiques, aux antibiotiques, au bien-être animal, etc. Ce service s’est étendu grâce à une version en espagnol (15 modules accrédités à ce jour ; plus de 5 000 utilisateurs de plus issus de neuf pays via cette voie). 38 000 téléchargements dans cette version ont été comptabilisés en 2015.

Source : Online training for initial and continuing education, Kevan Flaming (DVM PhD), Center for Food Security and Public Health, Iowa State University.

L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION

Catherine Bertrand-Ferrandis (Organisation mondiale de la santé animale, OIE) et Oliver Stucke (Organisation mondiale de la santé, OMS) ont insisté sur la nécessité pour la profession de bien communiquer et d’intégrer ce thème dans le cursus vétérinaire.
Car le monde a changé avec la globalisation continue et les menaces biologiques grandissantes. Et toute personne a accès aujourd’hui à une somme d’informations via les nouvelles technologies, qui ne sont pas toujours fiables et ont une influence sur le comportement du grand public. Dans ce contexte, et parce qu’il est un garant majeur de la santé publique, le vétérinaire se doit de communiquer clairement, rapidement et de se montrer crédible. De telles compétences sont requises pour informer en cas de crises sanitaires, répondre à d’éventuelles fausses rumeurs, convaincre les propriétaires de faire soigner leurs animaux, etc.

Source : Risk communication : a critical building block in veterinary education, Oliver Stucke (World Health Organization), Catherine Bertrand-Ferrandis (OIE).

COMMENT ET QU’EST-CE QUE LES ÉTUDIANTS VEULENT APPRENDRE ?

L’International Veterinary Students’ Association (IVSA), qui regroupe environ 30 000 étudiants vétérinaires de quelque 60 pays différents, a investigué les desiderata de ces derniers concernant leur idéal de formation (que veulent-ils approfondir dans leur formation et comment) et les a questionnés sur leurs motivations pour ce métier. Cette enquête révèle notamment que les enseignements pratiques sont plébiscités, de même que les séminaires interactifs, la pratique et les petits groupes de travail. Quant aux thèmes qui recueillent le plus de suffrages et qui mériteraient, selon les sondés, d’être davantage développés figurent en tête la connaissance approfondie des pathologies, les compétences cliniques, l’anatomie et la gestion des urgences. Notons que 85 % des étudiants interrogés sont fortement intéressés par le concept One Health.
Pour ce qui est de leur vocation professionnelle ultérieure, ils indiquent en premier – que ce soit avant d’entrer à l’école ou après – la pratique vétérinaire (90 % d’entre eux). En revanche, une fois à l’école vétérinaire, ils citent, outre cet aspect, la santé publique vétérinaire (environ 20 % après être entrés à l’école/faculté, contre 8 % avant) et en troisième position la recherche (21 % versus 7 %).

Source : What and how students want to learn, Anil Türer & Bhavisha Patel, International Veterinary Students’ Association.
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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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