Litiges, qu’en est-il ? - La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016

DOSSIER

Auteur(s) : PAR STÉPHANIE PADIOLLEAU ET NATHALIE DEVOS 

Les prud’hommes, les chambres de discipline ordinales, les tribunaux, tant de motifs de stress pour les vétérinaires ! La Semaine Vétérinaire et l’annuaire Roy ont sondé les praticiens afin d’évaluer la fréquence des litiges, des procédures ordinales ou prud’homales, ainsi que leurs conséquences. Un moyen également de recueillir l’expérience de ceux qui y ont été confrontés.

Notre profession, au quotidien, n’est pas épargnée par les litiges, que ce soit entre confrères ou avec les clients. En témoignent les répondants à notre enquête exclusive : 40,7 % d’entre eux ont déclaré avoir déjà eu à résoudre un ou des litiges avec un client, un salarié ou un confrère auprès des prud’hommes, d’une chambre disciplinaire, d’un tribunal, etc. Les résultats présentés à partir de notre enquête (encadré Méthodologie) sont des moyennes, toutes régions confondues (sauf mention contraire), les effectifs n’ayant pas permis de faire des comparaisons entre régions. Des différences, non significatives compte tenu des effectifs, sont notées entre hommes et femmes.

Les raisons des litiges avec les clients sont généralement « des soins ou une prescription jugés inadaptés », suivis « d’un défaut d’information », sans oublier parfois une petite dose de « mauvaise foi » (« Un client avait demandé par écrit l’euthanasie de son chien et ensuite l’a contestée et voulait faire valoir un préjudice au tribunal civil ») et le fait d’être « jugé responsable du décès d’un chien soigné ultérieurement par des confrères ».

Quant aux litiges entre confrères (salariés, collaborateurs), les faits majeurs les plus évoqués concernent, en premier lieu, le droit du travail (licenciement, rupture du contrat, non-paiement des salaires ou des heures supplémentaires), puis l’absence de confraternité ou des pratiques jugées non conformes au Code de déontologie.

Les procédures aux prud’hommes sont citées le plus fréquemment (37,1 %) par les confrères ayant été confrontés à un litige. Les chambres de discipline ordinale sont mentionnées par 23,8 %, que cela concerne les rapports avec les clients ou les confrères, et, pour 19,9 %, l’affaire a été portée devant le tribunal civil ou administratif. Des médiations ont été effectuées par 29,8 % des sondés, dont plus de la moitié font intervenir un conseiller ordinal. La médiation peut être demandée avant toute autre action, mais peut aussi être tentée pendant une procédure administrative ou ordinale.

Notons qu’une procédure disciplinaire dure en moyenne 17 mois, un peu moins que devant le conseil des prud’hommes (20 mois) et beaucoup plus qu’une médiation (6 mois). S’agissant des prud’hommes, dans la moitié des cas, une issue a été trouvée au bout de 10 à 30 mois, et pour 35,2 % des affaires, il a fallu seulement entre un et neuf mois. Ces résultats sont à considérer avec précaution : certains répondants ont indiqué la durée totale de leur litige sans distinguer la part d’une procédure par rapport à l’autre lorsque plusieurs se sont succédé.

Les indemnités reçues ou payées par les confrères après un jugement aux prud’hommes varient de 0 à 70 000 €. Les montants les plus élevés concernent des affaires qui ont opposé employeurs et salariés (non-respect du temps de travail et non-paiement des heures supplémentaires, licenciement), mais aussi des litiges liés aux clauses de non-concurrence. Parmi les 39 vétérinaires ayant renseigné le montant des indemnités, 23 % ont payé ou perçu 20 000 € ou davantage, et 41 % moins de 5 000 €, dont 25 % rien du tout. Lorsque les salariés gagnent contre leur employeur aux prud’hommes, ils indiquent tous avoir rencontré des difficultés à trouver un emploi salarié ensuite, malgré un jugement rendu en leur faveur. Les employeurs sont unanimes pour souligner l’importance de l’écrit afin de se préserver des conflits : bien rédiger les contrats, faire attention aux clauses particulières, noter les heures effectuées, conserver tous les documents. En ce qui concerne les réclamations des clients, à moins de « changer de métier », comme le suggèrent certains sondés, il est difficile d’éviter tout litige. Là aussi, les traces écrites sont importantes : faire signer un devis au propriétaire, le plus précis possible, conserver des preuves de ce qui est fait ou pas, signifier par écrit les décisions, faire signer les demandes d’euthanasie et de crémation, indiquer clairement des délais en cas de paiement différé, les pénalités, etc. Cela représente une somme de travail administrative, mais fait gagner du temps – de l’argent – et un peu de sérénité en cas de procédure.

Les hommes et les femmes,

pas tout à fait égaux

Seules 25,8 % des vétérinaires de sexe féminin qui ont répondu à notre enquête ont déclaré avoir déjà connu des litiges ayant entraîné une procédure (versus 50, 5 % chez les hommes), que ce soit avec la clientèle ou les confrères.

Les femmes sont près de la moitié à déclarer que les litiges ne concernaient pas un client, contre 21,8 % pour les hommes.

Les procédures en chambre de discipline ont été deux fois plus nombreuses pour les confrères que pour les consœurs.

Dans le cadre d’une médiation, une différence est également notée entre les femmes et les hommes, sondés avec notre enquête.Chez les premières, la durée de ce processus est en moyenne de neuf mois, mais avec 73 % des cas réglés en trois mois ou moins. Pour les hommes, celle-ci est en moyenne de six mois, ce qui reste la durée totale dans un quart des cas, la moitié des traitements nécessitant jusqu’à quatre mois et un quart plus de 10 mois. Les affaires portées en chambre de discipline s’étendent en moyenne sur 18,5 mois (entre 2 et 44 mois) pour les femmes et 16,7 mois pour les hommes (de un à 96 mois). 64 % des hommes restent en procédure de six à 24 mois, et 44 % six mois ou moins. Devant les prud’hommes, la durée moyenne est de 22,5 mois pour les femmes, contre 18,5 mois pour les hommes. Pour les deux catégories, 17 % des procédures durent plus de deux ans. 55 % des vétérinaires interrogées de sexe féminin indiquent avoir réglé leur litige en un à deux ans, versus 41 % des personnes du sexe opposé.

Enfin, il apparaît que le jugement en faveur des répondants était plus fréquent pour les femmes (50 %) que pour les hommes (32 %) aux prud’hommes. Les indemnités payées ou perçues par les premières sont en moyenne de 10 000 € (de 0 à 36 000 €), contre 18 102 € pour les hommes (de 0 à 70 000 €). Elles dépassent 35 000 € pour 26 % des hommes (autant de plaignants que d’accusés) et pour une seule femme (plaignante ; jugement en sa faveur dans un cas de non-paiement des heures supplémentaires), et sont nulles pour 30 % des messieurs.

Le sondage mené par La Semaine Vétérinaireet l’annuaire Roy a été réalisé auprès de 8 814 vétérinaires (salariés, libéraux et collaborateurs libéraux exerçant au sein d’une clinique ou d’un cabinet vétérinaire), par e-mailing, en septembre 2016.
516 consœurs et confrères ont répondu :
- les femmes sont représentées à 54,4 % ;
- la moyenne d’âge des répondants est de 43 ans (25 à 70 ans) ;
- la majorité des répondants (71,8 %) sont des libéraux, 25,2 % des salariés et 3,1 % des collaborateurs libéraux ;
- le plus grand nombre de réponses provient d’Auvergne-Rhône-Alpes (13,1 %), d’Île-de-France (12,7 %), d’Occitanie-Pyrénées-Méditerranée (12,1 %) et de la Nouvelle-Aquitaine (11,9 %).

CONSEILS DE CONFRÈRES POUR SE PRÉMUNIR DE TOUTES CES PROCÉDURES

- Les paroles volent, les écrits restent… Même dans le cadre d’une parfaite entente, il est important de laisser des écrits. La communication est essentielle au sein d’une équipe et avec le client. Toujours entendre la position de l’autre et y répondre.
- Toujours connaître et respecter les règles. Tout expliquer au propriétaire (être clair et concis) pour éviter tout litige. Avoir un bon avocat sous son aile qui connaît mieux les lois que nous, pauvres vétérinaires !
- Ne rien faire selon le bon sens, mais toujours demander la marche à suivre à un avocat. La logique prud’homale est très différente de la nôtre.
- Souscrire une protection juridique professionnelle, contacter systématiquement les précédents employeurs de tout nouveau salarié, prendre un avocat pour les chambres de discipline.
- Connaître précisément le Code de déontologie !
- Anticiper : contrat de soins, consentement éclairé, acompte, etc.
- La règle la plus importante est de tout prévoir dans des contrats entre associés. L’absence de contrat est la porte ouverte à toutes les dérives et à toutes les procédures.
- Toujours passer par l’écrit pour tout litige que ce soit avec un client ou un salarié ; demander le plus rapidement possible à votre fournisseur téléphonique les fadettes, qui ne sont conservées qu’un an (elles constituent une preuve factuelle recevable) ; prendre immédiatement les conseils d’un avocat : il maîtrise la forme, si nous sommes censés maîtriser le fond !
- Soyez correct avec vos salariés, écoutez-les. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’un salarié va jusqu’à une procédure prud’homale. C’est juste qu’il n’y a plus rien à faire pour se faire entendre.
- Faire signer des décharges pour tous les examens complémentaires ou actes refusés par les clients.
- Être sincère avec les clients, rigoureux, suivre les procédures cliniques, faire signer un contrat de soins, informer et essayer de savoir si vous êtes compris.
- Faire vérifier les contrats par un conseil en droit du travail, faire attention aux contrats à temps partiel et aux contrats de collaboration. Pour les clients : faire signer un contrat de soins, ainsi que les devis.
- Toujours recourir à un tiers expert (confrère de l’Ordre, expert en droit du travail) et commencer par rédiger une déclaration à votre assureur dès qu’un conflit éclate.
- Avoir conservé et archivé tous les documents nécessaires ; avoir au préalable de bons conseils : expert-comptable, notaire et avocat ; être informé de la législation et du droit.
- Commencer par respecter le Code du travail, communiquer avec ses salariés, établir par écrit des procédures à suivre, des objectifs à atteindre.
- Pour les salariés : leur faire signer toutes leurs demandes, leur faire noter leurs heures de garde et d’astreinte tous les mois. Ne pas hésiter à donner des avertissements avant toute sanction effective.
- Avoir une bonne responsabilité civile professionnelle.
- Souscrire à une assistance juridique pour limiter les frais de procédures.
- Bien rédiger le règlement intérieur et le faire signer par chaque salarié. Être patron ce n’est pas être ami !
- Avoir un avocat compétent (oxymore ?), préparer le licenciement très en amont, négocier si possible.
- Pour éviter un litige avec un futur salarié, j’ai pris l’habitude de contacter les anciens employeurs du postulant afin de m’assurer du bon état d’esprit (j’entends par là : travailleur, non procédurier et humainement honnête).
- La première règle, c’est, bien sûr, de ne pas laisser de faille tant vis-à-vis du respect du droit du travail que de la sécurité (diplôme, radioprotection, médecine du travail, etc.), ou encore des règlements intérieurs de l’entreprise. En cas de litige toute faille sera exploitée. Dès que l’entreprise prend de l’ampleur, un conseiller en droit social et/ou en ressources humaines est incontournable.

CONSEILS DE CONFRÈRES POUR SE PRÉMUNIR DE TOUTES CES PROCÉDURES

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr