Les chambres de discipline ordinales - La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR SERGE TROUILLET 

La profession vétérinaire est une profession libérale et réglementée. Elle est dotée de chambres de discipline destinées à gérer des conflits auxquels peuvent être confrontés les confrères.

L’Ordre vétérinaire s’est vu confier par l’État une mission disciplinaire qu’il remplit grâce à ses chambres de discipline. L’objectif est de veiller au respect du Code de déontologie pour garantir la qualité du service rendu par les vétérinaires aux usagers, et donc de fonder la confiance que le public a dans la profession. Décryptage avec Ghislaine Jançon, secrétaire générale de la Chambre supérieure de discipline au Conseil national de l’Ordre des vétérinaires.

Combien y a-t-il de chambres de discipline en France ?

Ghislaine Jançon : Nous sommes encore sous le régime des anciennes régions. Il existe actuellement 20 chambres régionales de discipline. Cependant, nous préparons une réforme qui intégrera la réforme administrative, c’est-à-dire qui tiendra compte du regroupement des régions, l’Ordre calquant son découpage sur celui de l’État, hormis la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), qui comprendra encore la Corse.

Cette réforme débouchera sur la création de seulement cinq circonscriptions disciplinaires. Il s’agit de donner du reculà la chambre de discipline en renforçant son impartialité. Un vétérinaire pourra ainsi être jugé par des élus ordinaux domiciliés hors de sa région d’exercice, sans avoir toutefois à trop se déplacer. Les textes sont actuellement au service des affaires juridiques de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Ils devraient être bientôt transmis au Conseil d’État pour une mise en œuvre attendue en 2017.

Renforcer l’impartialité des décisions, dites-vous ?

G. J. : Nous avons une procédure qui s’appuie sur des fondements législatifs et réglementaires, qu’il s’agisse du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) ou de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui a beaucoup impacté la procédure disciplinaire. Celle-ci se conforme aux grands principes du droit que sont la légalité, le respect du contradictoire, celui des droits de la défense et l’impartialité. Ce dernier principe devient en effet de plus en plus crucial dans les procédures aujourd’hui, ce qui a motivé en grande partie la réforme en cours. Avec la montée du droit de la défense, cette nécessité de l’impartialité devient prégnante. Outre la mise en place de circonscriptions disciplinaires, nous avons dissocié les missions du secrétariat disciplinaire, en charge du greffe des chambres régionales de discipline, de celles du secrétariat général de l’Ordre, afin de lever toute équivoque pouvant provenir de leur confusion.

Comment ces chambres sont-elles organisées ?

G. J. : D’une manière générale, la justice est organisée en deux ordres : un ordre judiciaire et un ordre administratif. L’ordre judiciaire a pour objectif de traiter les conflits entre les personnes (ce qui porte sur la responsabilité civile), ainsi que les infractions à la loi pénale (ce qui touche à la responsabilité pénale). À côté de cet ordre judiciaire, l’ordre administratif traite les litiges entre les particuliers et l’Administration, ou entre différentes administrations elles-mêmes (ce qui concerne la responsabilité administrative).

L’ordre administratif est organisé en trois niveaux : le tribunal administratif, la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. Les ordres professionnels appartiennent généralement à cet ordre et sont organisés pareillement. Il en est ainsi de la justice vétérinaire avec un premier niveau : la chambre régionale de discipline ; puis un niveau d’appel qui est la Chambre supérieure de discipline, laquelle s’appellera la Chambre nationale de discipline ; enfin, au troisième niveau, le Conseil d’État.

Avec une particularité pour l’Ordre vétérinaire…

G. J. : En effet. Les chambres sont constituées d’élus ordinaux et, bien qu’appartenant à l’ordre administratif, sont présidées par des magistrats issus de l’ordre judiciaire. En général, ce sont des magistrats de l’ordre administratif qui président les chambres disciplinaires. C’est une originalité tant dans leur composition que dans leur fonctionnement, ces magistrats étant habitués aux problématiques humaines. Au niveau régional, ce sont des conseillers honoraires de cour d’appel ; au niveau national, notre magistrat est un conseiller à la Cour de cassation.

Quels sont les motifs de consultation de ces chambres ?

G. J. : D’abord, nous n’agissons qu’à l’encontre de vétérinaires ou de sociétés d’exercice vétérinaire inscrits à l’Ordre, et celui-ci a à connaître strictement des infractions au Code de déontologie (articles R.242-33 et suivants du CRPM), qui peuvent être des manquements à l’honneur, à la probité, à la moralité, à la discipline de la profession. Il n’intervient pas dans les litiges financiers.

Quelles peuvent en être les sanctions ?

G. J. : Elles sont essentiellement d’ordre moral. Le premier niveau de sanction est l’avertissement ; le deuxième la réprimande, qui peut s’accompagner d’une décision d’inéligibilité pour une durée maximale de dix ans ; le troisième est la suspension temporaire d’activité dans le ressort de la chambre ; le quatrième est la suspension temporaire sur tout le territoire, pour dix ans au maximum. Il n’y a pas de sanctions financières, mais, depuis l’ordonnance du 31 juillet 2015, la chambre peut imputer les dépens à toute partie perdante, que ce soit le vétérinaire ou l’usager. C’est un élément propre à modérer les procédures abusives.

Comment les sollicite-t-on ?

G. J. : Il faut porter plainte auprès du conseil régional de l’Ordre où est inscrit le vétérinaire. Cette plainte peut émaner de différentes personnes. Cela peut être le préfet, le directeur de la DD(CS)PP1, le président d’un conseil de l’Ordre régional ou national, tout intéressé, c’est-à-dire toute personne ayant un intérêt légitime, direct, à l’affaire. Pour les vétérinaires en charge d’établissements pharmaceutiques, ou qui fabriquent ou distribuent des aliments médicamenteux, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a également la possibilité de porter plainte contre eux. Le procureur peut requérir et, en dernier lieu, le président du conseil régional de l’Ordre où est inscrit le vétérinaire peut engager une action d’office. S’il a connaissance de faits nécessitant une enquête, il est habilité à demander l’ouverture d’une enquête disciplinaire.

Comment se passe la procédure ?

G. J. : Après l’ouverture des poursuites, un rapporteur est nommé, une enquête est menée, un rapport est remis au président du conseil régional qui le transmet au magistrat. Celui-ci prend alors une ordonnance de rejet s’il considère que la plainte n’est pas fondée ou non recevable ; sinon les parties sont convoquées à une audience devant la chambre régionale. Une décision est alors prise à l’issue du délibéré et notifiée à l’ensemble des parties. Elle peut faire d’objet d’un appel, voire être de nouveau contestée, ensuite, devant le Conseil d’État.

Un chiffre ?

G. J. : Nous traitons plus de 50 affaires par an au niveau national, et donc en appel, avec un recours de plus en plus fréquent en Conseil d’État, malgré le coût de la procédure.

1 Direction départementale (de la cohésion sociale et) de la protection des populations.

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