Des plasmides et des gènes de résistance aux antibiotiques dans les fumiers de poulets compostés

Des gènes de résistance vis-à-vis de plusieurs familles d’antibiotiques sont détectés dans les fumiers d’élevages de poulets de chair traités ou non à la colistine, après six semaines de stockage ou de compostage.

Traitement à la colistine

Ces résultats proviennent d’une étude¹ effectuée à l’occasion du projet Decrab², mené par l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui vise à évaluer l’impact de l’utilisation des effluents d’élevages potentiellement contaminés par des antibiotiques ou leurs métabolites, des bactéries résistantes ou des gènes de résistance, sur l’environnement.

Deux lots de poulets de chair sont élevés dans deux salles de l’Anses-Laboratoire de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor), sur une litière de copeaux de bois. Un lot sert de témoin, l’autre est traité par la colistine à dose thérapeutique (75 000 UI/kg/jour durant 5 jours consécutifs) via l’eau de boisson durant la dernière semaine d’élevage (à 25 jours d’âge, les poulets étant abattus à 33 jours).

Deux andains de fumier sont constitués pour chacun des deux lots. Ils sont stockés sur une prairie recouverte préalablement d’une bâche d’ensilage afin de récupérer les jus d’écoulement, tandis qu’une autre bâche les protège des intempéries. Un andain issu d’oiseaux traités et un autre d’oiseaux non traités sont retournés après 3 semaines (fumier composté), les deux autres restent stockés sans retournement durant 6 semaines (fumier stocké).

L’impact du traitement par la colistine et du stockage ou du compostage des fumiers est mesuré par la sensibilité à cet antibiotique d’Escherichia coli, de Klebsiella pneumoniae et de Pseudomonas aeruginosa, la quantification de différents gènes de résistance et la recherche de plasmides.

Résistance et transfert de résistance

Aucune souche d’E. coli (347 isolats) ou de K. pneumoniae (36 souches) résistante n’est détectée dans les isolats issus des matières fécales et des fumiers des volailles traitées et non traitées. Sept souches de P. aeruginosa sur les 60 isolées sont résistantes à la colistine, toutefois sans différence significative entre lots.

L’analyse par polymerase chain reaction (PCR) conduite sur les échantillons de matières fécales, de litières et de fumiers met en évidence la présence de gènes de résistance à l’ampicilline, à la tétracycline, à la streptomycine et autres aminosides, aux macrolides et aux sulfamides dans la plupart des prélèvements (fonds de boîtes de transport des poussins, matières fécales avant et après traitement par la colistine, fumiers ou jus d’écoulement).

La quantification de gènes de résistance aux bêta-lactamines, aux macrolides, aux tétracyclines et aux sulfamides dans les fumiers stockés ou compostés à 3 et 6 semaines montre que le compostage pendant 6 semaines a globalement un impact limité sur les quantités de gènes présentes dans les fumiers. Le nombre de copies du gène de résistance aux tétracyclines tetM est augmenté dans les fumiers des poulets traités, probablement en raison de l’impact des résidus de colistine sur les différentes populations bactériennes des fumiers. La montée en température des fumiers compostés d’oiseaux traités (traduisant l’activité microbienne) est moins importante que celle des fumiers compostés de poulets non traités.

De plus, des transconjugants d’E. coli ayant acquis des gènes de résistance à la tétracycline, à la streptomycine, aux aminosides ou aux sulfamides sont mis en évidence dans les fumiers de poulets traités compostés après 3 semaines et dans les fumiers traités stockés après 3 et 6 semaines.

Ainsi, bien que la sensibilité à la colistine ne semble pas modifiée, des gènes de résistance vis-à-vis de différentes familles d’antibiotiques sont détectés dès l’arrivée des poussins et persistent dans les fumiers après 6 semaines de stockage ou de compostage, et certains gènes peuvent être transférés vers d’autres E. coli par conjugaison. Ces résultats mettent encore une fois en évidence l’importance du raisonnement des traitements antibiotiques et de bonnes modalités de gestion des fumiers.
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¹ Le Devendec L. et coll. Impact of colistin sulfate treatment of broilers on the presence of resistant bacteria and resistance genes in stored or composted manure. Vet. Microbiol. 2016;194:98-106.

² Financé par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, dans le cadre du plan ÉcoAntibio 2012-2017.