Laboratoires départementaux, la tendance est au regroupement - La Semaine Vétérinaire n° 1690 du 05/10/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1690 du 05/10/2016

DOSSIER

Auteur(s) : DOSSIER RÉALISÉ PAR STÉPHANIE PADIOLLEAU 

Les évolutions réglementaires ont placé les laboratoires publics d’analyses au centre de la politique sanitaire. Leurs missions sont fixées par décret depuis décembre 2015. Après leur séparation des directions des services vétérinaires, le paysage a connu plusieurs restructurations, avec une tendance nette au regroupement de laboratoires entre départements, débutée dans la moitié ouest et qui se déplace maintenant au centre et vers l’est.

Mai 2016, la nouvelle tombe : le département d’Indre-et-Loire met en vente son laboratoire d’analyses (vétérinaire et des eaux) dont le budget est « équivalent à celui de 14 collèges », dira en interview le président du conseil général. Si la raison invoquée n’est pas le seul motif expliquant la décision du Département, la conséquence met en lumière la tendance au regroupement des laboratoires publics d’analyses. Celui de Touraine va rejoindre le groupement d’intérêt public (GIP) Inovalys, qui rayonne déjà sur trois départements voisins. Plusieurs Départements ont ainsi uni leurs laboratoires, sous des formules juridiques diverses, essentiellement dans la moitié ouest de la France.

Mission de service public et d’intérêt général ballottée par les réformes territoriales

Les laboratoires des services vétérinaires ont été créés dans les années 1960, mais une première loi de décentralisation a, à partir de 1983, séparé les laboratoires vétérinaires des directions des services vétérinaires. Il y a désormais, d’un côté, les services vétérinaires, versés depuis dans les directions départementales des populations et, de l’autre, les laboratoires départementaux d’analyses, qui s’occupent de santé animale, mais aussi, selon les départements, de l’eau, de l’hygiène alimentaire, du végétal (vin), de l’environnement, etc.

Le maillage des laboratoires départementaux suit, dans son activité santé animale, celui de l’élevage et des vétérinaires. Il a commencé à enregistrer les premières fusions à partir de 2006. L’ouverture des marchés relatifs aux analyses de l’eau à partir de 2008 a entraîné, directement ou indirectement, la fermeture de certaines entités, comme le laboratoire de l’Oise, fermé en 2009, ou l’arrêt des activités de biologie animale en Seine-et-Marne.

Depuis, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République française (Notre) du 7 août 2015 sanctuarisent le rôle des laboratoires départementaux d’analyses, mais le cadre de leur intervention n’a été véritablement défini que par le décret du 30 décembre 2015, relatif aux conditions d’exécution des missions de service public, dont sont chargés les laboratoires départementaux d’analyses. Le décret relatif aux antibiotiques critiques met en lumière un point fort des laboratoires : leur activité répond à des normes techniques et de qualité (Cofrac1, bonnes pratiques de laboratoires, certification Mase2, parmi d’autres), qui concernent les méthodes d’analyses, la formation du personnel, le matériel, les locaux, etc., et garantissent la valeur biologique des résultats qu’ils fournissent.

Une accélération des regroupements

En 2006, les laboratoires départementaux des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques ont été les premiers à fusionner formant les Laboratoires des Pyrénées. Depuis, ils ont ajouté le Lot-et-Garonne (2008) et les Landes (2013) dans une structure désormais nommée Laboratoire des Pyrénées et des Landes. Le laboratoire d’analyses Sèvres Atlantique (Lasat) naît en 2008 de la fusion des laboratoires des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Le département de la Vienne n’est devenu adhérent du Lasat qu’en 2014, mais ses activités de biologie animale étaient déjà confiées au laboratoire des Deux-Sèvres par convention depuis 1998. La réforme des GIP (loi du 17 mai 2011) a fourni un outil supplémentaire aux Départements pour soutenir leurs laboratoires d’analyses. En Aveyron, le laboratoire dépend d’un GIP constitué entre le conseil départemental (membre principal) et des acteurs locaux, tels que la Fédération des organismes de défense sanitaire de l’Aveyron (Fodsa), la chambre d’agriculture, etc. En 2013 et 2014, quatre autres regroupements de laboratoires ont vu le jour : Labocea, Labéo, Inovalys et Public Labos. Le plus récent, le GIP Terana, est né le 2 janvier 2016, entre quatre départements qui vont mutualiser achats et matériel tout en conservant chacun l’activité propre de son laboratoire. Chaque regroupement possède son organisation particulière et sa forme juridique : il peut s’agir de GIP, de convention d’entente interdépartementale, de syndicat mixte. Certains ont conservé des activités identiques en plusieurs sites pour garder la proximité départementale, d’autres ont préféré spécialiser leurs sites et ont mis en place des solutions d’acheminement des échantillons.

1 Comité français d’accréditation.

2 Manuel d’amélioration sécurité santé environnement des entreprises.

Les laboratoires publics d’analyses constituent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire.

CADRE RÉGLEMENTAIRE


• Code général des collectivités territoriales modifié par la loi du 7 août 2015
- Article L.2215-8. Les laboratoires publics d’analyses gérés par des collectivités territoriales constituent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire ; ces laboratoires font partie intégrante du dispositif de prévention des risques et de gestion des crises sanitaires. Ils interviennent dans les domaines de la santé publique vétérinaire, de la santé végétale et dans la surveillance de la qualité de l’alimentation, des eaux potables et de l’environnement.


• Décret n° 2015-1902 du 30 décembre 2015 relatif aux conditions d’exécution des missions de service public dont sont chargés les laboratoires départementaux d’analyses
- Article 1. Les laboratoires départementaux d’analyses sont chargés, dans le respect des dispositions de l’article L.202-1 du Code rural et de la pêche maritime, de la réalisation des analyses officielles mentionnées à l’article R.200-1 du même code pour la réalisation desquelles ils bénéficient d’un agrément, notamment dans les domaines de la santé animale, de l’hygiène alimentaire, de la santé des végétaux et de la surveillance sanitaire des produits de la mer.
- Article 2. (…) Les laboratoires s’engagent à maintenir les compétences opérationnelles, en termes de locaux, matériels, formations ou accréditations, qui ont conditionné la délivrance de leur agrément, quel que soit le volume d’analyses confié, notamment pour la participation aux plans de surveillance et de contrôle ordonnés par le ministre chargé de l’agriculture et aux enquêtes d’investigation des foyers de toxi-infections alimentaires collectives.
- Article 3. Les laboratoires départementaux d’analyses participent à la surveillance épidémiologique, à la détection précoce de foyers et de situations sanitaires à risques par leur connaissance du contexte épidémiologique local. Par leur expertise technique adaptée aux problématiques de terrain, ils assurent la prise en charge rapide des échantillons et la réalisation d’analyses en lien avec leurs agréments (…).
Ils participent à l’épidémiosurveillance des élevages et de la faune sauvage, en particulier grâce aux moyens de diagnostic dont ils disposent, ainsi qu’aux salles d’autopsies qu’ils maintiennent et entretiennent au sein de leurs établissements.
Ils contribuent à la conception des dispositifs de surveillance par leur participation aux conseils régionaux d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale prévus à l’article D.200-5 du Code rural et de la pêche maritime. À ce titre, ils peuvent contribuer aux programmes collectifs volontaires et à l’exploitation épidémiologique des données analytiques (…).

CINQ QUESTIONS À PHILIPPE NICOLLET 

« LES LABORATOIRES SONT AU SERVICE DES POLITIQUES PUBLIQUES DES DÉPARTEMENTS »

Les laboratoires départementaux d’analyses évoluent-ils dans un milieu concurrentiel ?
C’est moins le cas depuis que les notions d’agréments pour les analyses officielles et de reconnaissance pour les autocontrôles ont clarifié les rôles des structures privées et publiques. Aucun texte n’impose réellement à un Département de faire appel à son laboratoire départemental, mais la proximité est généralement privilégiée, cela facilite notamment la gestion des crises, et le maillage fonctionne plutôt bien. En ce qui concerne les analyses non officielles, le marché est un peu plus concurrentiel, laboratoires privés et publics évoluent sur un terrain d’action commun, mais les autorités sanitaires et les collectivités territoriales ont besoin des structures de proximité que constituent les laboratoires départementaux, qui sont avant tout au service des politiques publiques des départements.

La loi portant nouvelle organisation territoriale aura-t-elle un impact sur la concurrence ou le maillage des laboratoires publics ?
Cela ne devrait pas accentuer la concurrence. Par contre, cela pourrait modifier les rapports entre les Départements et les différents acteurs du sanitaire. Aujourd’hui, par exemple, il existe souvent des contributions départementales au fonctionnement du groupement de défense sanitaire (GDS) local et à la mise en œuvre de plans sanitaires, auxquels le laboratoire participe pour les élevages du département. Avec la loi Notre1, il se peut que la gestion sanitaire en santé animale soit gérée au niveau de la Région, mais celle-ci peut déléguer par convention des compétences aux Départements afin qu’ils puissent poursuivre leur soutien à la maîtrise du sanitaire, comme c’est le cas depuis plusieurs dizaines d’années. Parallèlement, on observe un mouvement de fond vers la régionalisation, avec la mise en place des agences régionales de santé (ARS), des organismes à vocation sanitaire régionaux (OVS) souvent constitués par les fédérations régionales des GDS.

Un certain nombre de laboratoires se sont regroupés dans la moitié ouest de la France, quid du reste de la France ?
Les regroupements se sont produits dans des régions, en particulier en Bretagne, où les acteurs locaux se sont organisés de manière régionale plus tôt qu’ailleurs. Des réflexions sont toutefois en cours dans le Centre, le Nord et l’Est, avec des projets de regroupements à l’étude. Quelques départements sont aujourd’hui dépourvus de laboratoires publics d’analyses pour la santé animale, soit parce qu’il n’y en a jamais eu historiquement, soit parce qu’ils ont cessé cette activité. Il est toutefois intéressant d’observer que la perte de certaines compétences départementales (comme l’économie) a stimulé l’intérêt des élus départementaux pour leurs laboratoires d’analyses, ce qui ne peut être que positif d’autant que les missions et rôles de chacun sont désormais clairement définis par la loi d’avenir agricole et le décret du 30 décembre 2015.
Gros = rentable, petit = en danger, caricature ou réalité ?
Ce n’est pas si simple ! Les grosses structures peuvent souffrir des mêmes faiblesses que les petites. Lorsque des Départements regroupent leurs laboratoires, avec une logique d’optimisation et de valorisation des outils, une harmonisation peut s’avérer nécessaire, engendrer des frais de fonctionnement (au niveau informatique et pour le transport des échantillons, la modification des locaux, la formation du personnel, etc.). Les grosses structures ne sont donc pas forcément immédiatement plus économes, ou plus rentables, que les plus petites, du moins à court ou à moyen terme. Les économies d’échelle peuvent n’être constatées qu’à plus long terme. La force des regroupements n’est pas que financière, mais réside dans leur représentativité et leur donne du poids face aux acteurs locaux et régionaux.

La réglementation relative à l’usage des antibiotiques impose désormais certaines contraintes aux vétérinaires : quels sont les atouts des laboratoires publics ?
Le décret relatif aux antibiotiques critiques est plutôt sain, il permet de faire la distinction entre les tests rapides d’orientation diagnostique mis en œuvre par les praticiens et les antibiogrammes effectués selon des normes précises utilisées dans la gestion des enjeux de santé publique. La valeur biologique n’est pas la même. L’Adilva2a mené une enquête en avril 2016 auprès de ses adhérents. 58 % ont répondu : tous effectuent des antibiogrammes sur les bovins et les carnivores domestiques, et 80 % d’entre eux sur les chevaux. 85 % sont adhérents au Resapath3 (ce qui est une garantie d’exécution des antibiogrammes conformément aux recommandations), participent à des essais interlaboratoires d’aptitude, et transmettent les souches bactériennes d’intérêt et le résultat des antibiogrammes au réseau : ils participent activement au suivi de l’antibiorésistance chez l’animal.



1 Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République française.
2 Association française des directeurs et cadres de laboratoires vétérinaires publics d’analyses.
3Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales.
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