Rôle du vétérinaire dans la relation homme-animal de compagnie

Respecter le bien-être animal

Pour David Fraser, professeur à l’université de la Colombie-Britannique au Canada, la dimension humaine du bien-être de l’animal de compagnie est essentielle, car celui-ci dépend de son propriétaire. Chacun d’entre nous a une vision différente du bien-être, et elle évolue avec le temps, a rappelé l’expert lors de la 14^e conférence internationale sur la relation homme-animal¹. Pour certains, l’important est que l’animal puisse manger et boire, pour d’autres, qu’il soit en bonne santé, pour d’autres encore, qu’il puisse exprimer son comportement naturel ou vivre en liberté, etc. Ainsi, le propriétaire d’un animal de compagnie ne comprend pas toujours les besoins de celui qu’il considère pourtant souvent comme un membre de la famille. Le vétérinaire est en première ligne pour détecter les complications ou les prévenir, et il ne doit pas sous-estimer son rôle. Christianne Bruschke, vétérinaire aux Pays-Bas, explique que, dans le cadrede la nouvelle réglementation sur la santé animale qui entrera en vigueur en 2021 et sera applicable à tous les États membres de l’Union européenne, il importe que la profession réfléchisse à son évolution, afin de garantir les meilleures pratiques. Toutefois, cela ne passe pas seulement par une évolution au niveau de la médecine ou de la chirurgie, mais par la prise en compte du lien existant entre l’animal et son propriétaire.

Établir des relations harmonieuses

Notre consœur écossaise Elizabeth Ormerod considère qu’il ne suffit pas de prodiguer de bons soins pour être un bon praticien : il convient d’établir des relations harmonieuses entre le propriétaire et l’animal à tous les stades de vie de ce dernier. Le vétérinaire peut donner, dès l’acquisition de l’animal, des conseils de socialisation, d’éducation, de respect des besoins alimentaires, de repos, d’activité physique, etc. Il peut également déterminer si les conditions de vie de l’animal sont adaptées et s’il reçoit les soins appropriés. Des problèmes dans la relation peuvent également être repérés, lorsque le propriétaire se plaint de comportements gênants, ou lorsque des signes de douleur ou d’anxiété sont observés chez l’animal. Une personne croyant bien faire peut cependant créer une angoisse chez un animal, car, ne parvenant pas à se mettre à sa place, elle se méprend sur ses besoins². Selon les résultats d’une étude, le vétérinaire serait, pour 42 % des sondés, le premier professionnel à pouvoir intervenir en cas de violence envers les animaux. De plus, la maltraitance est souvent révélatrice d’une violence domestique ou de difficultés que pourrait rencontrer le propriétaire. Il convient donc d’y être vigilant³.

Importance de la communication

Pour cela, notre consœur insiste sur l’importance de la communication. Une écoute attentive de la part du praticien est essentielle, en donnant du temps au propriétaire. Si d’autres clients attendent, une pièce peut être aménagée pour une discussion ultérieure, par exemple.

Il ne s’agit ni de remplacer les travailleurs sociaux ni d’être condescendant, mais d’écouter la personne démunie devant une difficulté. Le bien-être de l’animal est en effet en jeu, dans la mesure où son propriétaire ne parvient pas à s’en occuper correctement et ne voit parfois pas d’autre solution que de s’en séparer. Le praticien doit ainsi prendre en compte le désarroi d’une personne atteinte d’une maladie grave, handicapée, isolée socialement, sans abri, devant être placée en maison de retraite ou à l’hôpital, souffrant de difficultés financières ou de violence conjugale.

Maintenir le lien

« Je ne peux pas correctement soigner l’animal si je ne considère pas la personne qui s’en occupe et leur relation », déclare Alicia Kennedy, vétérinaire en Australie et créatrice de la fondation Cherished Pets. Afin de conserver le lien entre l’animal et son propriétaire, les bénévoles de son association assurent la continuité des soins des animaux de personnes en difficulté en leur administrant leur traitement, en les emmenant chez le vétérinaire, etc. L’association Our Specia l Friends, fondée par notre consœur Belinda Johnston au Royaume-Uni, rend également visite aux personnes en difficulté pour lesquelles l’animal constitue le seul lien social. Le vétérinaire peut ainsi recommander des associations (aide aux personnes en difficulté, visiteurs, aides sociales, entre autres) pour la prise en charge de l’animal, le temps de la période critique.

Prendre en compte les aspects culturels

Enfin, la communication permet également une meilleure prise en compte de la culture du propriétaire. Brinda Jegatheesan, de l’université de Washington aux États-Unis, explique que l’approche médicale en Europe ne prend pas en compte les valeurs de certaines personnes, pour lesquelles les maladies ont une étiologie liée à des croyances. Elles peuvent alors refuser d’administrer certains traitements, sans oser le dire, et ne pas revenir. Encourager le dialogue sur les aspects culturels ou religieux permettrait également d’assurer un suivi et de bons soins pour l’animal, en déterminant les pratiques ou les traitements susceptibles de choquer, tels que la stérilisation et l’euthanasie.

Réfléchir à une évolution

Ainsi, comme le suggère Christianne Bruschke, les vétérinaires peuvent réfléchir à la façon d’intervenir dans ce domaine, en tant que membres clés d’un travail multidisciplinaire (avec les travailleurs sociaux, les médecins, les hôpitaux, les maisons de retraite, la police, les juristes, etc.), pour soutenir les clients qui font face à de graves difficultés. Ils peuvent également s’impliquer pour que les services s’ouvrent aux animaux (maisons de retraite, hôpitaux, écoles, centres d’accueil de femmes victimes de violences domestiques ou de personnes sans domicile fixe, entre autres). Cela serait possible en proposant le suivi de la santé des animaux ou des conseils de bonnes pratiques d’hygiène, ou en développant des consultations pour les animaux intervenant en médiation⁴.
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¹ Organisée par l’International Association of Human-Animal Interaction Organisations (IAHAIO),en partenariat avec la Fondation Adrienne-et-Pierre-Sommer et avec le soutien de Mars Petcare.

^{2Voir La Semaine Vétérinaire n° 1686 du 9/9/2016, page 14.}

³Voir La Semaine Vétérinaire n° 1644 du 2/10/2015, page 20.

⁴Voir La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/7/2015, pages 26 à 31.