Antibiotiques d’importance critique : quels changements en clientèle canine ? - La Semaine Vétérinaire n° 1687 du 14/09/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1687 du 14/09/2016

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : LAURENT MASSON  

La réglementation relative à l’utilisation des antibiotiques critiques suscite des questions concernant ses applications pratiques. Une conférence présentée par Jean-François Rousselot, en charge de cette problématique au sein de l’Afvac, a eu pour but d’y apporter des réponses. Résumé des points forts.

À la suite des nombreuses interrogations suscitées chez les praticiens par le décret portant sur les antibiotiques d’importance critique (AIC)1, le laboratoire Vétoquinol a mis à la disposition des vétérinaires un “webinaire”, le 21 juin dernier, afin de dialoguer avec notre confrère Jean-François Rousselot, vice-président de l’Afvac2 (aucun lien d’intérêt ne liait le conférencier avec le laboratoire).

La volonté de l’administration, en encadrant réglementairement la prescription des AIC, est de préserver l’efficacité de ces antibiotiques récents, de lutter contre les risques d’antibiorésistance et le transfert de résistance entre animaux et humains (et vice versa).

Avant la parution de ce décret, la profession vétérinaire avait quasiment répondu aux attentes du plan ÉcoAntibio. C’est dire sa compréhension et sa volonté de répondre à cette dynamique et aux principes du concept “une seule santé”, tout en sauvegardant néanmoins son arsenal thérapeutique actuel pour assurer le bien-être animal.

Quels sont les points fondamentaux de la réglementation ?

- Réduction maximale du recours aux AIC, sous forme générale ou locale.

- Prescription valable un mois seulement après isolement du germe responsable, identification et preuve de sa sensibilité à l’AIC (antibiogramme avec des normes strictes Afnor NF U47-107 et NF U47-106). Il est de la responsabilité du vétérinaire de vérifier la capacité du laboratoire à réaliser ces analyses selon ces normes.

- Résultats de l’antibiogramme valables pendant trois mois. Il est à renouveler lors de rechute après ce délai.

- Traitement curatif uniquement. La recherche et l’identification du germe sont indispensables.

- Traitement court encouragé : la validité de l’ordonnance est seulement d’un mois pour les AIC contre un an pour les autres antibiotiques.

- Les formes chroniques ne sont pas à traiter à l’aide d’un AIC.

Pourquoi pénaliser la médecine canine alors que les volumes d’antibiotiques et l’automédication sont beaucoup plus importants en production animale ?

Le législateur a souhaité une réglementation unique. En outre, sans être alarmiste, les Staphylococcus pseudintermedius résistants à la méticilline (SPRM) sont répandus chez le chien. Ils compromettent la réussite des traitements et constituent des réservoirs potentiellement transmissibles à l’homme. La proximité physique entre les animaux de compagnie et les hommes favorise le risque de transmission, en particulier de plasmides de résistance, et les observations des réseaux de surveillance justifient que la filière canine ait les mêmes contraintes réglementaires que les autres filières.

Peut-on utiliser les quinolones vétérinaires en dehors de tout antibiogramme ?

Pour prescrire des fluoroquinolones (ou des céphalosporines de 3e et 4e générations), deux conditions doivent être remplies : sensibilité du germe à ces quinolones et absence d’antibiotique non critique efficace. Une exception : lors d’urgence, si le praticien a la conviction que seul l’AIC aura les effets nécessaires, il peut le prescrire tout en réalisant le prélèvement pour identification du germe. L’animal est revu obligatoirement quatre jours plus tard, pour infirmer ou confirmer le traitement en fonction des résultats de l’antibiogramme.

La prescription des quinolones et des céphalosporines de 3e et 4e générations “humaines” est interdite sauf pour trois collyres “humains” contenant des fluoroquinolones et qui figurent sur une liste “dérogataire”. Pour les autres antibiotiques, la cascade reste possible.

Existe-t-il des différences entre vétérinaires spécialistes et généralistes ?

Non, le spécialiste doit observer les mêmes règles de prescription. En outre, quel que soit le médicament, le vétérinaire traitant ne peut délivrer que des médicaments qu’il a prescrits à l’issue d’une consultation. Mais il pourra s’appuyer sur les résultats d’un antibiogramme, qui reste valable réglementairement pendant trois mois.

Que faire quand une antibiothérapie critique est initiée en urgence et que l’antibiogramme revient avec une sensibilité à des antibiotiques non critiques ?

Même si l’isolement du germe a des failles et que de possibles discordances in vivo/in vitro sont connues, la réglementation dicte de prescrire un antibiotique non critique si les résultats de l’antibiogramme démontrent la sensibilité du germe à un antibiotique non critique. Le changement d’antibiothérapie au bout de seulement quatre jours entraîne bien sûr une interrogation : le risque redouté de favoriser une antibiorésistance est-il plus important en évoluant vers un autre antibiotique au bout de quatre jours seulement de traitement ou bien en continuant le traitement initial avec un AIC ? Finalement, cette question n’a pas lieu d’être puisque la réglementation impose de prescrire un antibiotique non critique… Il faut considérer l’aspect positif de pouvoir encore utiliser les AIC pendant quatre jours avant d’avoir le résultat de l’antibiogramme. Choisir un antibiotique à large spectre afin de maximiser les chances d’éliminer le germe présent est un principe révolu. L’objectif actuel est, au contraire, de prescrire l’antibiotique qui va agir uniquement sur le germe identifié responsable de la maladie. Les associations d’antibiotiques sont déconseillées, sauf preuve de leur absolue nécessité.

Peut-on privilégier l’observance effective d’un AIC à un traitement mal tenu d’un antibiotique non critique ?

La responsabilité du praticien est toujours engagée lorsqu’un AIC est prescrit. Même si une antibiothérapie mal conduite peut favoriser des antibiorésistances, la difficulté d’administration et le risque de non-observance d’un antibiotique non critique n’ont pas été considérés lors de la rédaction de la réglementation, qui ne se préoccupe pas non plus des moyens financiers du détenteur de l’animal.

Que faire en cas de prélèvement impossible ?

La réglementation précise que l’antibiogramme doit être réalisé « sous réserve que la localisation de l’infection, le type de l’infection ou l’état général de l’animal permettent le prélèvement d’échantillon ». Si le prélèvement n’est pas réalisable et bien qu’aucune confirmation de cette méthodologie ne figure dans le texte de l’arrêté, il est important de documenter sur la fiche clinique de l’animal les raisons de cette impossibilité et d’archiver cette argumentation pendant cinq ans. En cas de refus des propriétaires pour réaliser un antibiogramme, la prescription des AIC reste interdite et la responsabilité du praticien est engagée.

Y a-t-il des dispositions particulières dans le cas des élevages canins ?

Il n’existe pas de disposition particulière pour les élevages canins. Néanmoins, la prescription d’AIC est possible pour la métaphylaxie thérapeutique (traiter les animaux malades et tous les animaux non malades appartenant au même groupe en raison de la forte probabilité de contagiosité). À noter que le décret “suivi sanitaire permanent” ne concerne pas la filière canine. Enfin, le praticien devra être attentif au risque d’automédication.

Quels sont les moyens de contrôle ?

Pour le moment, les seules données de consommation d’antibiotiques reposent sur les ventes des laboratoires avec un rapport annuel rédigé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Mais il est prévu par l’administration que les délivrances (et probablement les prescriptions) de chaque vétérinaire soient transmises sur un seul et même serveur qui serait consultable par l’administration. À l’heure actuelle, les modalités de contrôle n’ont pas été détaillées.

Source : conférence de Jean-François Rousselot, organisée par Vétoquinol en juin 2016.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/3/2016, page 12 et n° 1667 du 25/3/2016, pages 10 et 11.

2 Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

la réglementation dicte de prescrire un antibiotique non critique si les résultats de l’antibiogramme
démontrent la sensibilité
du germe à un antibiotique non critique.
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