Un cas de myasthénie grave congénitale sur un chiot - La Semaine Vétérinaire n° 1685 du 31/08/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1685 du 31/08/2016

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : ALEXIS LECOINDRE 

Présentation du cas

Commémoratifs et examen clinique

Un chiot mâle labrador croisé caniche de 3 mois, correctement vacciné et vermifugé, est présenté en consultation référée pour des crises d’ataxie-parésie. Lors de son adoption à 6 semaines, il était en bonne santé. Ces épisodes surviennent une dizaine de fois par jour et ne semblent pas être en lien avec les repas. Lors de sa présentation, l’examen clinique montre un statut mental normal (le chien est alerte et curieux), mais une faiblesse généralisée est perceptible. Le chiot se lève et effectue quelques pas avec une démarche légèrement parétique avant de tomber. Une ventroflexion cervicale est notée. Le tonus musculaire est diminué sur l’ensemble des membres. L’examen des nerfs crâniens ne présente pas d’anomalie, hormis un faible et fatigable réflexe palpébral lors de stimulations répétées. Le reste de l’examen neurologique est normal.

Hypothèses diagnostiques

Les hypothèses diagnostiques envisagées devant ce syndrome de fatigabilité́, d’intolé́rance à̀ l’effort et de faiblesse sont une affection neuromusculaire : myopathie, neuropathie ou jonctionopathie (dont la myasthénie grave et l’intoxication aux organophosphorés) ; une affection mé́tabolique ou endocrinienne (shunt porto-systémique, hypocalcé́mie, hypokaliémie, hypothyroïdie, maladie d’Addison, hypoglycé́mie) ; une affection cardiovasculaire et moins probablement une affection respiratoire.

Examens complémentaires

Les valeurs de la calcémie ionisée, de la kaliémie, du dosage des acides biliaires pré- et postprandiaux, ainsi que la mesure de la créatinine kinase (enzyme associée au métabolisme énergétique musculaire) sont dans les normes. L’échographie abdominale ne montre pas d’images compatibles avec un shunt porto-systémique. Un test à l’édrophonium, un anticholinestérasique à courte durée d’action, est réalisé pour explorer l’hypothèse de myasthénie. Après la stimulation du chiot durant quelques minutes jusqu’à la phase de fatigue, une injection intraveineuse de 0,5 mg de chlorure d’édrophonium est réalisée. L’effet est rapide et pratiquement complet : le chien se lève, adopte une stature normale et se remet à jouer durant toute la durée d’action de la molécule (quelques minutes). La méthode de choix (spécifique et sensible) pour diagnostiquer une myasthénie grave dans sa forme acquise est la démonstration de la présence d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine par immunoprécipitation. Le test, envoyé au laboratoire Diane Shelton à San Diego (États-Unis)1,se révèle négatif. La radiographie thoracique exclut la présence d’un mégaœsophage et d’une éventuelle pneumonie par fausse déglutition. Un examen électromyographique met en évidence un décrément d’amplitude du potentiel d’unité motrice lors de la stimulation répétée du nerf, laissant suspecter une myasthénie.

Diagnostic et pronostic

Les signes cliniques, le résultat positif du test à l’édrophonium et la réponse à la stimulation répétée du nerf sont fortement suggestifs d’une jonctionopathie, en particulier d’une myasthénie grave congénitale ou acquise. La recherche du nombre de récepteurs à l’acétylcholine au niveau du muscle intercostal externe n’a pu être réalisée. Cet examen peut prouver un défaut postsynaptique de la jonction neuromusculaire. L’absence d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine et l’âge du chien peuvent suggérer une forme congénitale, avec une diminution du nombre de récepteurs à l’acétylcholine. Cela reste cependant possible également sur les formesacquises, avec un phénomène auto-immun à l’encontre de ces récepteurs. Il est difficile d’évaluer le pronostic de cette affection, étant donné le faible nombre de cas de forme suspectée congénitale décrits dans les études publiées. Le pronostic est toutefois réservé et s’appuie essentiellement sur la réponse à la thérapie.

Traitement et suivi

Un traitement à base de pyridostigmine (Mestinon®2, 0,2 mg/kg deux fois par jour) est initié. Une amélioration significative est constatée dès le début, avec le retour à une activité pratiquement normale. Seule une légère faiblesse musculaire est présente lors d’activités intenses et prolongées. Deux paramètres sont à évaluer pour ajuster le traitement : la réponse clinique et la prise de poids. Le chien étant en phase de croissance, une réévaluation hebdomadaire est jugée nécessaire. L’état clinique de l’animal n’a pas nécessité d’augmentation de la dose durant les 3 mois qui ont suivi le diagnostic. À l’âge de 6 mois, une diminution à 0,2 mg/kg/j est initiée puis un arrêt du traitement à l’âge de 7 mois. Le chien, aujourd’hui âgé de 18 mois, est à ce jour cliniquement normal.

Discussion

Épidémiologie

La myasthénie grave congénitale est un trouble postsynaptique de la jonction neuromusculaire caractérisée par une déficience en récepteurs à l’acétylcholine en l’absence de mise en évidence d’un phénomène auto-immun. Une forme congénitale familiale à transmission autosomale récessive est décrite chez le jack russel terrier et le springer spaniel. Dans cette forme, le traitement aux anticholinestérasiques n’a aucun effet sur la faiblesse musculaire, et la survie est limitée. Cette affection est de même décrite chez le teckel miniature, avec l’apparition d’une faiblesse musculaire à l’âge de 5 à 6 semaines, répondant au traitement et se résolvant avec l’âge. Le mégaœsophage, présent chez près de 90 % des cas dans la forme acquise, est généralement absent dans la forme congénitale, sauf dans la description relative au jack russel terrier.

Diagnostic

Étant donné la propension de la myasthénie grave à mimer les atteintes neurologiques ou musculaires, elle doit être suspectée chez tous les jeunes chiens lors de l’apparition d’une faiblesse musculaire focale ou généralisée induite par l’exercice. Une forme acquise a été rapportée sur un chiot de 3 mois, ainsi l’âge ne permet en aucun cas de prouver une forme congénitale. Il est important d’exclure tous les toxiques ou les médicaments connus pouvant avoir un impact sur la fonction neuromusculaire. Le diagnostic est souvent difficile et se fait généralement sur la base de l’observation des signes cliniques typiques (faiblesse musculaire induite par l’exercice), la réponse positive au test d’un anticholinestérasique de courte durée d’action ainsi que sur les résultats de l’électromyographie. La recherche d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine est négative dans la forme congénitale et ne semble pas nécessaire. Une biopsie musculaire avec recherche d’une diminution du nombre de récepteurs à l’acétylcholine ou de l’absence d’anticorps complexés aux récepteurs permet d’augmenter la suspicion diagnostique d’une forme congénitale.

Pathogénie

La physiopathologie n’est encore que partiellement comprise en médecine vétérinaire. La forme congénitale se définit comme un trouble héréditaire où la transmission neuromusculaire est affectée par un ou plusieurs mécanismes pouvant toucher la jonction neuromusculaire au niveau présynaptique, synaptique ou, plus fréquemment, postsynaptique. Une atteinte présynaptique est décrite chez le pointer danois, la transmission se faisant sur un mode autosomal récessif. En médecine humaine, une forme acquise néonatale causée par le transfert d’anticorps maternels à l’encontre des récepteurs de l’enfant est rapportée. De même, une forme congénitale secondaire à une mutation du gène de la choline acétyltransférase est décrite, avec une amélioration clinique significative apparaissant avec le temps. Le mode de transmission est inconnu dans le cas présent, et aucun autre chien n’était affecté dans la portée.

Pronostic

Une rémission spontanée rencontrée à l’âge de 4 à 6 mois a seulement été rapportée chez le teckel. Dans la majorité des cas, la faiblesse musculaire est progressive et réfractaire aux anticholinestérasiques, conduisant souvent à l’euthanasie des animaux.

1 vetneuromuscular.ucsd.edu.

2 Pharmacopée humaine.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur www.bit.ly/2bOZVyl.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr