Ce rapport qui dérange… - La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016

PRESCRIPTION HORS EXAMEN CLINIQUE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO 

Publié il y a seulement quelques jours, le rapport de l’Igas et du CGAAER crée la polémique au sein de la profession, qui y voit une mise en danger du maillage vétérinaire.

Le rapport1 sur la prescription hors examen clinique, récemment publié par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), veut notamment améliorer le suivi sanitaire permanent des élevages. La mission part d’un constat simple : les dispositions du décret de 2007 étant trop complexes pour être efficacement appliquées, il convient de les simplifier. Ainsi, elle recommande d’emblée de distinguer clairement les dispositions relatives à la prescription de celles qui concernent la délivrance. Peut-être par souci de cohérence, ses recommandations visent la prescription vétérinaire sans examen clinique et peu traitent de la délivrance. Parmi les mesures phares, plusieurs ont trait à la lutte contre l’antibiorésistance.

Un seul vétérinaire pour assurer le suivi sanitaire

La réglementation actuelle ne limite pas le nombre de vétérinaires pouvant assurer le suivi sanitaire permanent de l’élevage, ce qui donne encore la possibilité à l’éleveur de recourir à plusieurs vétérinaires. Cela risque de changer, l’une des recommandations de la mission préconisant de limiter strictement le nombre de vétérinaires désignés par un éleveur pour assurer le suivi sanitaire permanent à un par atelier. Ainsi, dans le cadre d’une prescription hors examen clinique, un seul et unique vétérinaire pourrait assurer le bilan sanitaire d’un élevage. Le rapport prévoit toutefois une exception, en permettant au vétérinaire désigné par l’éleveur d’être suppléé par des vétérinaires collaborateurs ou associés, à condition que ces derniers exercent au sein de la même clinique ou du même domicile professionnel. Dans tous les cas, le vétérinaire traitant (donc choisi et déclaré) pourrait également être dans l’obligation d’enregistrer, certainement en ligne, les informations contenues dans le bilan sanitaire d’élevage, qui seraient ensuite accessibles aux services officiels de contrôle. Cet enregistrement devrait préciser le nom du vétérinaire désigné, ce qui permettrait notamment de constater que le vétérinaire et l’éleveur respectent bien les dispositions réglementaires. Autre recommandation : le vétérinaire serait obligé de remettre une ordonnance au détenteur des animaux concomitamment à la prescription de médicaments à visée préventive dans le cadre d’un protocole de soins. En revanche, la mission n’a pas jugé opportun de toucher au tarif appliqué à la réalisation d’un bilan sanitaire d’élevage, qui resterait alors non réglementé.

Fin de l’activité maximale cumulée

Cette proposition de limiter chaque élevage à un seul vétérinaire pour assurer le suivi sanitaire permanent n’est pas la seule mesure choc du rapport. La mission préconise aussi de supprimer la fixation réglementaire d’une activité maximale cumulée pour un vétérinaire si celle-ci se fait dans le cadre d’un suivi sanitaire permanent, mais aussi si elle est liée à une prescription sans examen clinique. Cette mesure crée la polémique au sein de la profession, qui y voit une mise en danger du maillage vétérinaire. Un praticien souligne notamment qu’il s’agit d’une mauvaise mesure et que « c’est la porte ouverte à tous les abus et la fin programmée des vétos ruraux de proximité ». Un autre déplore que « cette mesure va favoriser les grossistes du médicament au détriment de nos petits cabinets de campagne. Cela ne va pas dans le sens d’une diminution de l’utilisation des antibiotiques. Ce que veulent ces gens, c’est du tonnage ».

Des responsabilités partagées

Le vétérinaire et l’éleveur tiennent encore une fois une place centrale dans la réussite du suivi sanitaire permanent. Les auteurs du rapport proposent en effet que ces acteurs signent le protocole de soins « d’une mention faisant explicitement référence à leurs responsabilités respectives » dans sa mise en œuvre.

Une impression de déjà-vu

Plusieurs mesures du rapport concernent l’antibiorésistance. Elles s’inscrivent d’ailleurs dans l’axe 3 du plan ÉcoAntibio, qui propose de renforcer la réduction des pratiques à risque. La mission s’appuie en particulier sur les mesures 28 (encadrer la prescription des antibiotiques sans examen clinique préalable) et 33 (renforcer les contrôles de la prescription, de la délivrance et de l’usage des antibiotiques) du plan, mais également sur les dispositions du nouveau Code de déontologie et de la loi d’avenir qui concernent la lutte contre l’antibiorésistance. Plusieurs mesures sont déjà mises en œuvre depuis le 1er avril dernier, à la suite de la publication du décret sur les antibiotiques critiques. C’est notamment le cas de celle qui recommande d’interdire le renouvellement de la délivrance d’un antibiotique prescrit sans examen clinique ou encore le recours à l’antibiogramme.

Un seuil pour limiter la quantité d’antibiotiques

Le rapport prévoit par ailleurs un bilan annuel de la prescription d’antibiotiques sans examen clinique ou nécropsique. Ces informations seraient à conserver cinq ans dans le registre d’élevage et au domicile professionnel du vétérinaire. L’arrêté accompagnant le décret de 2007 pourrait être modifié en ce sens, afin d’y ajouter un formulaire support du bilan annuel des antibiotiques prescrits sans examen clinique. Celui-ci pourrait aussi faciliter le suivi de la consommation de ces médicaments. La mission innove, en quelque sorte, puisqu’elle veut instaurer dans le protocole de soins un seuil limitant la quantité d’antibiotiques prescrits hors examen clinique, dont le dépassement constituerait un critère d’alerte qui déclencherait la visite du vétérinaire. S’il est constaté une augmentation de la quantité d’antibiotiques prescrits, le protocole de soins pourrait être complété par des mesures sanitaires préventives et curatives supplémentaires.

Des contrôles ciblés

Le rapport recommande de renforcer les contrôles et de modifier le Code de la santé publique afin de réprimer plus efficacement la délivrance et la prescription irrégulières faites dans le cadre d’un suivi sanitaire permanent. Il encourage également davantage de contrôles sur le terrain. En effet, la mission préconise de relancer la pratique des contrôles assurés conjointement par les pharmaciens inspecteurs et les inspecteurs de santé publique vétérinaire, qui seraient amenés à faire des contrôles ciblés définis « après une analyse de risque partagée visant principalement les antibiotiques ». Cette proposition rejoint d’ailleurs dans son objectif le programme national d’inspection 2016 de la pharmacie vétérinaire, qui prévoit déjà des contrôles ciblés, notamment sur la base de signalements, concernant les antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire.

L’accès aux données de soin favorisé

Le texte préconise également de remplacer les termes du Code de la santé publique sur « la dispensation régulière des soins, d’acte de médecine ou de chirurgie », notamment, par les termes « l’accès régulier aux données sanitaires de l’élevage lors de la dispensation de soins, d’acte de médecine ou de chirurgie ». Ce qui faciliterait, pour le vétérinaire, l’accès aux données sanitaires.

Exclure l’antibioprévention

Une autre recommandation notable concerne la prescription d’antibiotiques, que la mission préconise d’exclure du volet prévention du protocole de soins. Un délai d’application de deux ans au maximum est proposé, afin de permettre aux filières de s’adapter à ce changement important. Le rapport note que l’antibioprévention n’est plus pratiquée aujourd’hui dans la production des volailles de chair et de ponte, mais reste a contrario répandue chez les porcs à l’engraissement, les vaches en cas de traitement préventif contre les mammites ou encore les veaux élevés en batterie. La mission considère donc, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qu’il convient d’abandonner cette pratique afin de réduire les risques d’émergence d’antibiorésistance.

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Le prochain numéro de La Semaine Vétérinaire présentera un dossier sur le rapport Igas, intitulé « Réactions des acteurs clés ».

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