Le vétérinaire, la carte et le territoire au ministère de l’Agriculture - La Semaine Vétérinaire n° 1675 du 17/05/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1675 du 17/05/2016

JOURNÉE DU 12&PUNCTSPACE;MAI

ACTU

Auteur(s) : Marine Neveux

« Le vétérinaire, la carte et le territoire » était le thème du colloque organisé par le SNVEL au ministère de l’Agriculture, à Paris, le 12 mai. L’occasion de réfléchir aux solutions à adopter pour assurer la relève des praticiens en rurale et maintenir le réseau en campagne.

La journée est née d’une rencontre avec le ministre, du constat qu’un problème menace le réseau vétérinaire dans les années à venir et de l’idée de construire des solutions » : Pierre Buisson, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), plante ainsi le décor de cette journée organisée par le syndicat sous les lambris du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Une journée riche en interventions où ont été exposées plusieurs initiatives locales visant à répondre à cette problématique.

Des promesses du ministre

Le ministre de l’Agriculture n’était pas venu les mains vides, il s’est engagé sur certaines enveloppes budgétaires : 300 000 € pour soutenir les stages tutorés, 650 000 € pour le réseau de vétérinaires sanitaires. Une annonce qui traduit une reconnaissance de l’enjeu lié au tutorat. « Il faut que, chaque année, 25 élèves en école vétérinaire soient pris en charge, donc faire en sorte que l’on puisse organiser cette transmission, explique Stéphane Le Foll. Le tutorat est indispensable si l’on veut que les jeunes assurent la relève des anciens. »

L’engagement pour le réseau sanitaire de vétérinaires est également important. Un état des lieux fait apparaître des grilles tarifaires très différentes sur certaines prophylaxies… Le ministre réclame « une stratégie d’harmonisation » sur ce point et, plus largement, la création de groupes de travail sur l’ensemble du réseau vétérinaire, les productions animales et la modernisation du partenariat entre l’État et les vétérinaires sanitaires.

« Cette réunion avait pour objectif de réaffirmer l’enjeu des vétérinaires sur le territoire, reprend Stéphane Le Foll. La réflexion devra aussi porter sur le nombre de vétérinaires en France, les projets d’intercommunalités, la manière dont on intègre les vétérinaires et cette surveillance sanitaire dans les stratégies territoriales. On pourra y adjoindre les chambres d’agriculture. »

Des tarifs de prophylaxie particulièrement disparates

Les désaccords sur les tarifs de prophylaxie ont souvent généré des débats houleux ces dernières années. Une situation que le ministre tente d’apaiser. Christophe Gibon et Lionel Parle, auteurs du rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAEER) sur ce sujet, avaient reçu la lettre de commande du ministre en mars 2015 pour « proposer une réforme du dispositif avec fixation des tarifs au niveau national ». Le contexte était alors celui de la grève des vétérinaires en Mayenne, en raison des désaccords.

Les rapporteurs ont mené l’étude dans des départements à problème (Côte-d’Or, Dordogne, Mayenne et Pyrénées-Atlantiques) et dans des départements sans problème (Cantal et Indre).

La fixation des tarifs de prophylaxie est établie par des conventions conclues entre les représentants de la profession vétérinaires et des propriétaires ou détenteurs d’animaux. Le préfet convoque la commission bipartite départementale. En cas de désaccord, c’est le préfet qui fixe le tarif.

« L’état des lieux est complexe et conflictuel, explique Lionel Parle, qui relève aussi l’existence de conventions disparates. Nous avons étudié 53 conventions ou arrêts tarifaires, représentant 66 départements. La situation que nous découvrons est très surprenante. » En effet, le tarif de la visite en élevage bovin peut varier de 10,54 à 69,25 €, avec une moyenne de 26,71 €. Même constat de disparité en ovin : de 5,26 à 69,25 €.

En outre, dans 46 % des conventions, les frais de déplacement ne sont pas explicitement prévus. La prise de sang minimale est de 1,27 € et la maximale de 5,12 €. Et ce sont des tarifs inférieurs à ceux des polices sanitaires ! Bien souvent également s’appliquent des clauses de dégressivité des tarifs, et l’on ne sait pas toujours qui fournit les seringues, qui gère le transport des prélèvements et les tuberculines. « D’où la nécessité d’y voir plus clair dans cette jungle sanitaire et de mieux objectiver le coût des actes », explique Lionel Parle.

Christophe Gibon distingue plusieurs variables pour déterminer un tarif des actes : « Les charges journalières (local, véhicule, matériel), la moyenne d’actes effectués par jour, ainsi que le revenu journalier cible (selon la convention collective des vétérinaires et la publication annuelle du ministère des Finances des revenus des professions libérales) ».

Bien des prophylaxies sont ainsi effectuées en dessous d’un seuil rémunérateur. Ce problème de tarif rémunérateur a amené à poser la question d’un délitement du maillage vétérinaire territorial. Il fait peser la crainte d’un désengagement des praticiens en matière d’opérations de prophylaxie et du désintérêt des jeunes. « Ces constats débouchent sur des recommandations que nous avons classées en trois catégories : rationaliser les procédures, promouvoir une méthode comptable qui permet d’objectiver la fixation des tarifs et imaginer une nouvelle forme de commission bipartite. »

Les stages tutorés

« Les stages tutorés sont une initiative de la profession vétérinaire », rappelle Jacques Guérin, vice-président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV). L’initiative pilote a été amorcée en 2011, avec les objectifs d’une préparation renforcée à la pratique mixte, d’une immersion dans les territoires ruraux, pour aboutir à une meilleure employabilité des jeunes diplômés dans les zones rurales. « Ce stage tutoré est un cocktail vétérinaire gagnant. » Soit entre 12 et 16 semaines d’immersion en zone rurale ; l’idée étant de permettre à l’étudiant d’acquérir une autonomie suffisante.

Il s’agit d’une démarche bénévole de la part des praticiens, qui veulent faire partager leur savoir-faire, et d’une source de recrutement. Une école concentre 50 % de l’alternance : Toulouse.

Cette démarche représente 100 % d’insertions professionnelles dans les territoires ruraux. Elle est supportée par les écoles vétérinaires, la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) et la profession. « Nous avons besoin de sortir de cette phase pionnière », poursuit Jacques Guérin. « L’apprentissage des praticiens est aussi une vraie source d’enrichissement », poursuit Jean-Yves Gauchot (SNVEL et Association vétérinaire équine française, ou Avef), qui préconise une école “tête de réseau” pour les stages tutorés, la création d’une fondation à but d’intérêt général (financements privés et publics), ainsi que l’appui des conseils régionaux, clé de voûte du programme.

Attirer en rurale

L’attractivité en milieu rural est liée à de multiples facteurs, comme la nécessité d’avoir « tous les services à disposition : numériques, école, commerces, etc., explique notre confrère Éric Février, praticien et élu (Cantal). La présence vétérinaire est importante pour maintenir un élevage performant. Les collectivités locales peuvent essayer de manier les leviers financiers, de solliciter les intercommunalités, les régions. Pour l’élu, l’important, c’est d’avoir un territoire vivant, qui reste attractif ».

Stéphanie Philizot, vétérinaire à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or), a présenté le plan d’action de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV)1.

Patrick Dehaumont, directeur général de l’Alimentation, a réaffirmé l’intérêt de bénéficier d’un réseau assez dense de vétérinaires sanitaires. « Nous aurons toujours des prophylaxies à réaliser. Les missions de police sanitaire sont essentielles, nous avons besoin d’avoir une force de frappe, une capacité de réaction. Le vétérinaire sanitaire doit être un expert pour améliorer les productions animales de façon durable et les conditions de production ».

« Dépasser le constat pour des solutions »

Notre confrère Pierre Buisson souhaite « dépasser le constat pour des solutions. Le premier niveau du bien-être animal, c’est quand même l’accès aux soins ». 70 % des équivalents temps plein (ETP) se trouvent en médecine des animaux de compagnie et de sport. Le modèle économique ? : « Il n’y a pas, aujourd’hui, de médecine des ruminants qui fonctionne sans activité sous-jacente canine. Certaines activités, tels les actes en élevage, sont sous-financées », rappelle le président du SNVEL, qui précise que d’autres ne le sont pas, comme la continuité des soins. L’investissement dans le tutorat est une piste, au-delà des essais. Autre voie, la contractualisation : « La donne doit être claire entre l’éleveur et le vétérinaire ». Et de poursuivre que l’affairisme est un des fléaux dans la désertification vétérinaire.

Pierre Buisson conclut : « La page est à écrire car, pour recruter et attirer les jeunes, il faut leur donner de la visibilité. »

1 Lire en page 34 de ce numéro.

Les stages tutorés en chiffres

25 étudiants en 3 ans (dont 8 en cours),56 % de femmes et 44 % d’hommes,48 % sont issus d’un milieu urbain ou rurbain,65 % exercent dès la sortie de l’école,29 % travaillent dans la structure d’accueil,100 % restent en territoire rural.
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