Simuler les urgences et la réanimation avec des mannequins - La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1671 du 22/04/2016

PÉDAGOGIE INNOVANTE

Actu

Auteur(s) : Pierre Saï*, Françoise Roux**

Compléter la formation clinique dans les écoles nationales vétérinaires grâce à des mannequins de simulation, c’était le pari d’Oniris en 2012. Cet enseignement éprouvé devrait être décliné dans d’autres disciplines.

La démarche initiée à Oniris, à Nantes, renforce la formation par la clinique classique au sein des centres hospitaliers universitaires vétérinaires (CHUV), mais elle a une limite, car la rareté des cas et le respect du bien-être animal ne sont pas propices à la répétition des situations, paramètre essentiel de l’apprentissage.

En 2012, pour la première fois dans les écoles nationales vétérinaires (ENV), la direction a pris la décision de compléter la formation clinique par une pédagogie innovante, fondée sur des simulations, et a fait décliner dans différentes disciplines ce dispositif, baptisé Virtual Vet. Ainsi, une salle, dénommée Virtual Critical Care, permet aux étudiants de tester leurs réactions face à des situations d’urgence-réanimation, grâce à un mannequin électronique.

Les atouts du mannequin de simulation

Celui-ci présente plusieurs avantages pour la formation :

- chaque étudiant peut reproduire ses réactions face à une situation, de façon à ce qu’elles deviennent automatiques et sûres, et être confronté à des événements différents, même rares. Cela contribue à élever et à homogénéiser le niveau de compétences ;

- couplée à un enseignement à distance, l’utilisation de mannequins permet une mutualisation entre ENV françaises et internationales ;

- par rapport à une situation réelle imprévisible, la programmation d’une situation clinique à un moment déterminé permet à toute une équipe soignante d’acquérir des réactions de groupe et d’améliorer les compétences ;

- l’utilisation de mannequins répond au devoir de former des vétérinaires exemplaires en matière de bien-être animal. Dans le cursus, la prise en compte de ce bien-être devrait être inscrite sous forme d’un parcours de compétences obligatoire et validé, dont le dispositif Virtual Vet fait partie ;

- malgré un coût initial, ces installations permettent plusieurs gains lors de l’arrivée des étudiants dans l’hôpital : économie de temps, augmentation du nombre d’animaux traités, fidélisation du client satisfait, réduction des essais infructueux utilisant du consommable.

Début 2013, Pierre Saï1 (A 78) a décidé de créer le premier enseignement vétérinaire européen grâce à des mannequins “haute-fidélité” et a missionné Françoise Roux2 pour concevoir la plateforme Virtual Critical Care d’enseignement virtuel d’urgence-réanimation.

Simdog®, à haute-fidélité

Le mannequin est placé dans la première salle de simulation, doté du même équipement que les salles d’urgences : table, chariot de réanimation équipé (médicaments, seringues, aiguilles, cathéters, perfusions, injectables, sondes d’intubation), moniteur d’anesthésie-réanimation, défibrillateur, respirateur, caméra d’intubation. Ce mannequin, issu de la médecine humaine (Simbaby®, Laerdal), a été repensé à Oniris pour avoir l’aspect d’un chien : Simdog®. Il est de haute-fidélité, car il possède un cœur qui bat, un pouls radial, brachial et fémoral, des poumons et une respiration, des bruits auscultatoires, une langue mobile qui s’œdématie et mime un laryngospasme. La bouche se cyanose lors d’hypoxie. Il possède des veines et un site d’injection intraosseuse qui peuvent être connectés à des poches et permettre la perfusion de liquides et la prise de sang. Il est relié à un moniteur de réanimation : électrocardiogramme (ECG), saturation, capnographe, température corporelle, fréquences cardiaque et respiratoire, pression artérielle.

La situation du mannequin et ses réactions entre les mains des étudiants sont pilotées depuis un ordinateur par l’enseignant qui doit ajuster, à la dizaine de secondes près, les réactions de l’animal. Pour permettre aux étudiants de s’affranchir de la perception d’être jugés et du stress, l’enseignant pilote le mannequin derrière une glace sans tain.

Cette salle est munie de trois caméras et d’un micro qui permettent de filmer et d’enregistrer la scène.

Une seconde salle, de débriefing, comprend un vidéoprojecteur interactif avec grand écran et écran LCD pour projeter cette séquence pédagogique. Les étudiants assis dans cette salle peuvent l’analyser et réfléchir en temps réel aux actions qu’ils auraient mises en œuvre, s’ils étaient à la place de leurs collègues.

Des scénarios conçus par les enseignants

Le coût du mannequin Simdog® est de 50 000 €, les équipements audio-vidéo de 50 000 € et les travaux d’aménagement et équipement des deux salles de 50 000 €.

Virtual Critical Care peut améliorer l’enseignement des gestes de base et avancés en urgences et soins intensifs des animaux de compagnie, car celui-ci est difficile sur des animaux vivants. En effet, le contexte d’urgence ne laisse pas le temps d’explication et l’animal peut pâtir de l’inexpérience des étudiants.

À l’aide de scénarios imaginés par les enseignants, l’apprenant fait face à des situations réelles : arrêt cardiaque, accident d’anesthésie, décompensation d’un état de choc, pneumothorax, hémorragie, etc. L’étudiant propose et met en œuvre des actions sur le mannequin : massage cardiaque, administration de médicaments, perfusion, ponction thoracique, pose de cathéter périphérique et central, ventilation mécanique ou encore transfusion sanguine. Tout est réalisé dans les conditions du réel : l’étudiant est en tenue, stérile quand c’est nécessaire, il casse les ampoules des médicaments, injecte dans le cathéter, intube, ventile, etc. Le mannequin réagit et l’étudiant apprécie la pertinence de ses manœuvres. Les mannequins sont connectés aux appareils de monitorage (pression artérielle, capnographie, oxymétrie, ECG, etc.) et à un ventilateur de réanimation, ce qui permet d’acquérir des connaissances de l’interprétation des données fournies par les appareils utilisés et de la ventilation artificielle.

Un enseignement en 3e année

Ces travaux dirigés ont lieu, pour l’instant, en 3e année, par groupes de 16 divisés en quatre équipes de quatre : quatre étudiants en salle de simulation et 12 autres en salle de débriefing pour suivre les actions sur écran. À la fin d’une séquence de 10 minutes, les quatre étudiants rejoignent la salle de débriefing et le film est commenté par l’enseignant, en soulignant les actions correctes et incorrectes. Puis, un autre groupe de quatre étudiants se rend en salle de simulation, tandis que les 12 autres restent en salle de débriefing. À la fin de la séance, chacun a ainsi été confronté à une des quatre simulations et l’ensemble des étudiants a bénéficié de leur apport. Ainsi, dans une séquence pédagogique sur la gestion des troubles du rythme et de l’arrêt cardiorespiratoire, l’étudiant travaille chez lui, reçoit un polycopié, assiste ensuite à un cours magistral interactif dans lequel il teste ses connaissances et les points importants, puis passe en salle de simulation, avec quatre séquences pédagogiques de gestion des bradycardies sévères, des troubles du rythme ventriculaire, de la fibrillation ventriculaire, de l’asystolie.

Un CHUV virtuel à terme ?

Ce type d’enseignement devrait s’étendre dans le cursus et se décliner à plusieurs disciplines. Des séquences simples doivent être offertes à tous les étudiants, puis d’autres, plus complexes, être réservées aux formations de spécialisation et continue. Les enseignants des quatre ENV devraient recevoir une formation à ces techniques de simulation. Oniris dispose du plateau qui permettrait de la développer, sous forme d’un diplôme d’école comparable aux diplômes d’université déjà existants sur ces thèmes.

Cette innovation s’inscrit dans la stratégie plus large décidée à la même époque. Outre Virtual Critical Care, ont également été mis en place : en 2012, le premier enseignement à la communication clinique dans le cadre de la première chaire d’entreprise des ENV françaises avec la société Hill’s ; en 2013, une salle Virtual Vet, dédiée à l’autoapprentissage de gestes de base cliniques et biologiques, ainsi qu’un dispositif numérique de formation en histopathologie ; en 2014, des mannequins de simulation pour palpations internes chez le cheval et chez la vache ; et en 2015, un équipement pour formation chirurgicale robotique simulée. L’ambition affichée alors par le directeur général était qu’en soutien au fonctionnement du CHUV coexiste, à terme, un “CHUV virtuel” quasi-complet.

  • 1 Inspecteur général de la santé publique vétérinaire, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), ancien directeur général d’Oniris.

  • 2 Spécialiste américain et européen en urgences et soins intensifs, maître de conférences à Oniris.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr