QUEL RÉSEAU DE CLINIQUES POUR LES ACTIVITÉS CANINE ET RURALE - La Semaine Vétérinaire n° 1670 du 15/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1670 du 15/04/2016

Dossier

Auteur(s) : Lucie Lemonnier

Très développés à l’étranger, les réseaux de cliniques vétérinaires n’en sont qu’à leurs balbutiements sur le marché français. Tour d’horizon des opportunités offertes par ces réseaux et des contraintes actuelles des structures canines et rurales.

Loin d’être un long fleuve tranquille, le marché vétérinaire est en perpétuelle évolution. Les réseaux de cliniques, très présents dans les pays anglo-saxons, commencent à se développer sur le marché vétérinaire français1. Toutefois, offre-t-on dans l’Hexagone le terreau nécessaire à leur essor ? Dans le contexte socio-économique actuel, les besoins des structures canines et mixtes diffèrent. Le développement possible des réseaux, qui dépend de leur champ d’action, des attentes et des exigences de la clientèle, ne peut être envisagé de la même manière en canine et en rurale.

Un marché canin en pleine mutation

Le nombre de Français possédant un animal de compagnie ne cesse de décroître. Ainsi, si en 1999, 54  % des foyers français détenaient un animal de compagnie, ils n’étaient plus que 48  % en 20102,3. Cette décroissance est principalement due à une diminution de la population canine. Les Français partant de plus en plus fréquemment en week-end ou en vacances, le chien est bien souvent perçu comme une contrainte. Il est donc délaissé au profit du chat ou des nouveaux animaux de compagnie (NAC), jugés bien moins contraignants. Or, ces nouvelles populations sont aussi beaucoup moins médicalisées. À titre d’exemple, le taux de médicalisation de la clientèle canine est de 75  % contre seulement 50  % pour la clientèle féline4. Ces populations constituent un challenge pour le praticien canin qui voit peu à peu sa clientèle s’éroder et qui ne comprend pas toujours les attentes de ces nouveaux propriétaires.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces attentes sont pourtant relativement peu nombreuses et assez bien définies. Une enquête réalisée par Taylor Nelson en 2007 a en effet révélé que les attentes des propriétaires reposaient sur six axes majeurs, à savoir : l’accès à des consultations spécialisées, un plateau technique élaboré et moderne, une disponibilité 24 h/24, un service rapide sans attente, des salles d’attentes séparées et un personnel nombreux5. Cependant, bien qu’en nombre limité, il est souvent difficile pour le praticien de satisfaire pleinement l’ensemble de ces exigences.

En effet, les structures canines sont encore de taille réduite, souvent en dessous des 2,2 équivalents temps plein (ETP) décrits en moyenne pour la profession6. Pour ces petites unités, proposer des consultations spécialisées, un plateau technique de pointe, un personnel nombreux et même des salles d’attente est actuellement impossible. De plus, les jeunes vétérinaires appartenant à la génération Y diffèrent de leurs aînés dans la façon d’envisager leur travail. Ils ne recherchent plus une reconnaissance à travers leur métier, mais aspirent plutôt à un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La profession se trouve donc confrontée à un véritable dilemme : comment répondre aux attentes exprimées par les clients dans des structures de petite taille où le vétérinaire n’a pas nécessairement le temps de se spécialiser, tout en étant disponible 24 h/24 et en préservant sa vie de famille.

Les réseaux canins, des relais de développement

Ce dilemme se rapproche de celui posé aux vétérinaires ruraux il y a quelques années. Ces derniers ont choisi de se regrouper localement afin de mutualiser leurs frais fixes et de limiter les contraintes inhérentes aux gardes. Pour les vétérinaires canins, deux schémas d’évolution sont dès lors envisageables : suivre le modèle proposé par leurs confrères ruraux ou externaliser certains domaines de compétences. Le développement des réseaux s’inscrit dans cette seconde option. En effet, contrairement aux régions rurales où les cabinets se voient dans l’obligation de proposer l’ensemble des services à leur clientèle, certaines grandes agglomérations ont une densité de population telle qu’elle permet l’émergence de structures spécialisées dans tel ou tel domaine de compétence. Ces réseaux en étoile avec une structure centrale autour de laquelle gravitent des cabinets indépendants permettent aux entreprises d’externaliser deux domaines de compétences : l’activité de garde et les consultations spécialisées.

Les réseaux de garde répondent à une des six attentes stratégiques évoquées par les propriétaires, ainsi qu’à une demande des praticiens puisque 72  % des vétérinaires se disent stressés par la continuité des soins et 77  % déclarent qu’elle détériore leur qualité de vie personnelle7. En ce qui concerne leur évolution, la densité de population est le critère principal à prendre en compte afin de définir le type de structure le plus adapté à une région donnée. En zone rurale et pour les petites agglomérations, l’activité liée à la prise en charge des situations d’urgence n’est pas suffisante pour justifier la création d’une structure centrale spécialisée dans ce domaine. Les réseaux se développent donc sur un mode multipolaire, avec différentes entreprises assurant, à tour de rôle, cette tâche dans ces régions. La population suffisante requise pour un réseau centré autour d’une structure de référence est de 150 000 habitants. Il y a donc fort à parier que la formation de ces réseaux restera relativement confidentielle puisque seules 18 agglomérations seraient concernées en France. Cependant, l’exemple de Vets Now, un réseau de garde anglo-saxon, démontre qu’un réel marché existe et que, même s’il reste de niche, il serait dommage de le délaisser. En effet, ce réseau anglais, qui maille l’ensemble du territoire, a permis l’émergence de véritables centres de compétences dans le domaine des urgences, ainsi que la création de banques de sang et d’assistances téléphoniques accessibles par tous les praticiens, 24 h/24.

Les réseaux de spécialistes répondent, eux aussi, à un souhait conjoint des propriétaires et des vétérinaires. L’accès à des consultations spécialisées, ainsi qu’un plateau technique de pointe font partie des six attentes évoquées par les propriétaires. En parallèle, la petite taille des structures canines ne permet pas aux vétérinaires de pouvoir proposer l’ensemble de ces services. Pour répondre à ces demandes, des réseaux s’organisent peu à peu autour de centres spécialisés. En général, ils restent à l’échelle de réseaux régionaux. Il est peu probable que ceux-ci prennent plus d’ampleur. En effet, il n’existe que peu de réseaux de centres spécialisés purs à l’étranger : ils sont, pour la plupart, soit indépendants, soit intégrés en tant que centres de référés internes à des réseaux à intégration financière.

Au-delà des réseaux de compétences médicales, des réseaux de compétences managériales se développent peu à peu. Leur objectif est de décharger le vétérinaire praticien d’une partie, voire de la totalité des tâches liées à la gestion d’entreprise. En effet, les vétérinaires praticiens n’ont reçu aucune formation commerciale lors de leur cursus et, lorsqu’ils sont interrogés sur ce qui les a poussés à choisir cette profession, ils sont 80  % à évoquer en premier lieu « le désir de soigner », largement en tête par rapport aux autres aspects de la profession. Des réseaux de compétences managériales se sont donc développés afin de répondre à cette demande de la profession. Souvent confondus avec des “chaînes de cliniques vétérinaires”, ces réseaux ne s’accompagnent pas nécessairement d’une intégration financière totale. Ainsi, si on se penche sur les modèles de réseaux développés à l’étranger, trois types de structures apparaissent :

– les réseaux de type joint-venture, où une société apporte des compétences commerciales, managériales et financières aux cabinets. Cette société se rémunère alors sur une partie des dividendes proportionnels à sa participation dans la société ;

– les réseaux de franchisés, où une société apporte le droit d’utiliser une marque forte en contrepartie d’un droit d’entrée et d’un pourcentage des ventes du franchisé ;

– les réseaux à intégration financière totale, où une société mère possède l’ensemble des cabinets. Les vétérinaires ont un statut de salarié ou de collaborateur libéral.

Si certains réseaux se sont, dans un premier temps, développés sous un modèle de type joint-venture, seuls les réseaux à intégration financière totale sont encore présents sur le territoire français. Ceci peut en partie s’expliquer par le fait que les réseaux de type joint-venture étrangers se développent sur l’apport d’une marque et un pouvoir de communication fort, notamment via les médias. Le Code de déontologie français, bien qu’assoupli, n’autorise pas une communication comparable en France. Dès lors, réussir à maintenir une cohésion pérenne au sein du groupe semble plus délicat. En effet, si le réseau permet une réelle augmentation de la marge bénéficiaire nette dans les premières années, sans marque conjointe, il semble difficile, à terme, de faire perdurer dans l’esprit des membres la plus-value apportée par le réseau.

– Suivant le même courant, mais de façon plus limitée, des réseaux de référencement se sont aussi développés. Leur objectif est de diminuer le coût des achats en les mutualisant et en faisant appel à des spécialistes pour les négociations. Ils ont principalement pour cible les petits cabinets. En effet, si, en moyenne, les vétérinaires considèrent leurs négociations correctes sans pour autant les juger totalement satisfaisantes, il existe une différence entre les petites et les grosses structures. Les cabinets dont le chiffre d’affaires (CA) est inférieur à 200 000 € par an ont une opinion beaucoup plus négative de leur capacité de négociation que la moyenne et sont davantage attirés par ces réseaux. À l’inverse, ce type d’association ne présente aucun intérêt pour les cabinets dont le CA dépasse 1 million d’euros.

Le marché rural, des évolutions sous dépendance géographique

De façon générale, le nombre de vaches laitières et nourricières est en chute constante et devrait continuer à diminuer. Entre 2010 et 2018, l’effectif total des vaches laitières et allaitantes en France pourrait baisser de 6,7  %. En parallèle, l’arrivée sur le marché du travail d’une nouvelle génération de vétérinaires, plus attachés à un mode de vie citadin, devrait conduire à une diminution de 5,2  % des effectifs vétérinaires sur la même période8. Néanmoins, de grandes variations sont à noter selon les régions. Il convient donc de distinguer différents schémas prévisionnels selon l’évolution des productions animales, d’une part, et l’évolution démographique de la population générale et vétérinaire, d’autre part :

– les bassins allaitants regroupent actuellement 20 % des vétérinaires ruraux pour 10 % de la production animale. La faible croissance démographique de ces régions devrait compenser leur maigre dynamisme dans le domaine des productions animales et la couverture vétérinaire devrait continuer à être satisfaisante ;

– les zones d’agriculture spécialisée concentrent aujourd’hui la moitié des vétérinaires mixtes et ruraux pour 44 % des productions animales. Dans ces zones à haut potentiel économique et démographique, les productions animales et la population vétérinaire pourraient subir une évolution similaire. Les services devraient donc se maintenir à leur niveau actuel ;

– les zones à dominante céréalière totalisent 20 % des productions animales pour 15 % des vétérinaires ruraux et mixtes. Elles risquent une pénurie de vétérinaires mixtes à terme ;

– les zones rurbaines connaissent une forte croissance démographique qui s’accompagne d’une croissance du marché canin au détriment du marché rural8.

Un développement plus limité en rurale

Contrairement aux canins, les cabinets ruraux et mixtes se sont regroupés depuis de nombreuses années. Les besoins en matière de réseau sont donc tout autre. Si les réseaux de référencement peuvent, dans certains cas, avoir un intérêt, ceux de garde ou de spécialistes ne peuvent être envisagés de façon similaire aux réseaux canins. En effet, les réseaux de garde sont déjà présents au niveau local depuis longtemps et un passage à l’échelle supérieure n’aurait aucun intérêt. Quant aux réseaux de spécialistes, leur but n’est pas de se centrer sur un plateau technique, mais plutôt sur un partage des connaissances. En se regroupant, l’objectif des praticiens est de créer de véritables pôles d’expertise propres à répondre aux questions spécifiques d’éleveurs de plus en plus techniques, comme en témoigne le réseau Cristal ou le groupement d’intérêt économique Zone Verte.

La barrière principale au déploiement des réseaux demeure donc les réticences des vétérinaires vis-à-vis de ces structures. Le vétérinaire praticien a longtemps exercé seul. Il était habitué à réaliser lui-même l’ensemble des tâches du cabinet. Face aux contraintes économiques et humaines, ces professionnels se sont associés. Peu à peu, le praticien a appris à déléguer et à établir des partenariats avec ses confrères. L’entrée dans un réseau lui fait franchir un nouveau cap. Il doit accepter de ne plus décider seul, de composer pour établir des relations “gagnant-gagnant” avec les acteurs de son environnement. Parions qu’à la vue des opportunités offertes par les réseaux et les regroupements, ce changement de mentalité, déjà amorcé, devrait se poursuivre.

  • 1 Ce dossier a été réalisé par Lucie Lemonnier à partir de sa thèse sur “Le développement de réseaux de cliniques vétérinaires en France”, soutenue à l’école d’Alfort en 2014.

  • 2 Ahouissoussi M. Importance de l’activité NAC dans le département du Rhône : étude expérimentale. Thèse méd. vét., Alfort. 2003, 91 pages.

  • 3 Enquête Facco/TNS Sofres 2010 sur le parc des animaux familiers français. http://www.facco.fr/-Populationanimale.html.

  • 4 Les journées de l’installation et de l’association. Alcyon. 2011. http://jdlia.com.

  • 5 Duhautois B. Vétérinaire aujourd’hui et demain. Bulletin de l’Académie vétérinaire de France. 2010;3:213-222.

  • 6 Duhautois B. L’entreprise vétérinaire réinventée, du cabinet au réseau. Med’Com. 2009, 110 pages.

  • 7 Livre blanc sur la continuité des soins en France. Vétos-entraide. 2006, 274 pages.

  • 8 Le Bail P., Lebourdais G., Repiquet D. et coll. Rapport sur la profession vétérinaire et l’exercice en milieu rural. Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. 2010, 101 pages.

UN RÉSEAU DE TYPE MULTICENTRIQUE

La première clinique du groupe Familyvets est apparue en 2006 dans le 8e arrondissement de Paris. Dix ans plus tard, le groupe regroupe actuellement une dizaine de cliniques en région parisienne. Ce réseau de type multicentrique s’est, dans un premier temps, développé sur un modèle de type joint-venture, inspiré librement du réseau anglo-saxon Vets4Pets, avant de se réorienter vers un développement à intégration financière totale. Cependant, si le statut des praticiens a évolué, l’esprit des débuts à, quant à lui, perduré. L’objectif de ce réseau est, d’une part, d’apporter au praticien la possibilité d’exercer son métier sans se préoccuper des aspects autres que l’exercice de son art. La société mère prend en charge toutes les fonctions liées à la gestion du cabinet. D’autre part, les vétérinaires y trouvent une possibilité d’échanger facilement avec les autres membres du réseau et de se former en interne, au cours de week-ends ou de soirées. Du côté des propriétaires, la complémentarité des plateaux techniques permet au groupe de proposer un panel complet de services, tout en maintenant un esprit de convivialité et de proximité grâce à des équipes vétérinaires stables.

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