Diagnostic et traitement de l’insuffisance rénale aiguë - La Semaine Vétérinaire n° 1669 du 08/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1669 du 08/04/2016

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Maeva Coulet*, Isabelle Goy-Thollot**, Karl Jandrey***, Guillaume Hoareau****

Fonctions :
*Diplomates ACVECC, praticiens à l’université de Davis, Californie (États-Unis)
**Diplomates ACVECC, praticiens à l’université de Davis, Californie (États-Unis)

Il n’existe pas, à proprement parler, de définition de l’insuffisance rénale aiguë (IRA), du fait notamment de l’absence de marqueur précoce de la maladie, la créatinine restant un marqueur assez tardif. Deux principaux systèmes de score de l’affection existent en médecine humaine, RIFLE et AKIN, qui reposent sur la créatininémie, la diurèse mais aussi la mesure du débit de filtration glomérulaire (DFG). En médecine vétérinaire, le groupe d’experts de l’International Renal Interest Society (Iris) a établi un système de score similaire, fondé uniquement sur les deux premiers paramètres, le débit de filtration glomérulaire étant difficilement mesurable (tableau). En médecine humaine, l’IRA se développe le plus souvent pendant l’hospitalisation. Elle est dite “hospital-acquired” et concerne 25 à 35 % des patients hospitalisés en soins intensifs. En médecine vétérinaire, l’IRA est, en général, présente avant l’hospitalisation.

Signes cliniques

Les signes cliniques de l’insuffisance rénale sont peu spécifiques. Les conférenciers insistent sur l’importance de garder en tête la possibilité d’une telle affection, quelle que soit la présentation clinique. Abattement, vomissements, diarrhée, anorexie, déshydratation, oligo-anurie, polyurie et anomalies neurologiques sont des signes cliniques observés. L’anamnèse reste importante car elle permet d’orienter le diagnostic : un chien vivant dans un garage peut avoir ingéré de l’éthylène glycol, tandis qu’une leptospirose est plutôt suspectée s’il s’agit d’un chien de chasse.

Étiologie

L’IRA se classe selon son origine prérénale, rénale ou postrénale. L’IRA prérénale correspond à un défaut de perfusion des reins, qui peut être dû à un état de choc ou à une déshydratation sévère. Pour définir un état de choc, six paramètres cliniques permettent d’évaluer la volémie : le temps de recoloration capillaire, le pouls (ou la fréquence cardiaque), la qualité du pouls, la couleur des muqueuses, le statut mental et la température des extrémités. En cas d’hypovolémie, le temps de recoloration capillaire est supérieur à 2 secondes, une tachycardie est observée chez le chien ou une bradycardie chez le chat, ainsi qu’un pouls faible, des muqueuses pâles, une baisse de vigilance et des extrémités froides. Un état de déshydratation sévère se caractérise par des muqueuses sèches, une élasticité cutanée diminuée, une énophtalmie, voire des troubles neurologiques.

L’IRA rénale correspond à une dysfonction glomérulaire et/ou tubulaire. Les signes cliniques sont ici frustes et le diagnostic différentiel plus long. Une IRA d’origine intrinsèque peut être ischémique, consécutive à une maladie rénale primaire ou secondaire, ou due à une néphrotoxine (encadré).

L’IRA postrénale correspond à une obstruction des voies urinaires. Les reins peuvent être de taille augmentée ou asymétriques dans le cas d’une obstruction urétérale et un globe vésical est palpable dans le cas d’une obstruction urétrale. La palpation abdominale peut également être douloureuse. Le diagnostic différentiel se divise alors en une obstruction haute (lithiase ou sténose urétérale) ou une obstruction basse (maladie du bas appareil urinaire félin, sténose urétrale ou uro-abdomen).

Traitement

Les conférenciers insistent sur la nécessité d’un examen clinique et paraclinique complet afin d’apprécier l’ensemble des conséquences de l’IRA. Si le traitement de la cause est indispensable, il ne suffit pas car l’animal meurt souvent des conséquences de l’IRA (choc hypovolémique, surcharge volémique, déséquilibres acido-basiques ou électrolytiques, etc.).

Étiologique

En cas de maladies infectieuses, et notamment la leptospirose, une antibiothérapie précoce est mise en place. Les conférenciers recommandent l’administration de l’association amoxicilline-acide clavulanique par voie intraveineuse (IV), avant de pouvoir administrer de la doxycycline per os.

En cas d’obstruction du haut ou du bas appareil urinaire, la levée de l’obstacle est essentielle, tout en gardant à l’esprit l’importance de stabiliser l’animal avant toute anesthésie.

De l’hypovolémie

L’appréciation de la volémie est indispensable : une IRA d’origine rénale peut se compliquer d’une IRA prérénale. Si l’animal présente une hypovolémie, une fluidothérapie agressive permet de la corriger. Cependant, il convient de prendre garde à la surcharge volémique, trop fréquemment observée dans le cas des IRA oligo-anuriques. La surcharge volémique est un facteur pronostique négatif de par la présence d’œdème, mais aussi à cause de la modification de la pharmacocinétique des médicaments due à l’augmentation de leur volume de distribution. Toute déshydratation doit être corrigée, sur 4 à 6 heures, avec un cristalloïde isotonique.

Des désordres électrolytiques et acido-basiques

L’IRA s’accompagne de nombreux désordres électrolytiques et acido-basiques, le rein permettant l’excrétion et la réabsorption de nombreux ions. La première urgence à traiter est, en général, l’hyperkaliémie, qui entraîne notamment des troubles cardiaques. En cas d’anomalie de l’électrocardiogramme (ECG), il est nécessaire d’administrer du gluconate de calcium (0,5 à 1 ml/kg IV), qui permet de limiter ces troubles. Le gluconate de calcium n’agit pas sur l’hyperkaliémie. Afin de diminuer la kaliémie, un bolus de cristalloïde isotonique doit être administré, ainsi qu’un puff de salbutamol. La mise en place du protocole insuline/glucose peut être une alternative thérapeutique. L’acidose métabolique est le second désordre le plus fréquent. Elle se traite par une perfusion de bicarbonate (0,3 x poids vif x défaut de base). D’autres troubles ioniques sont également retrouvés lors d’IRA, notamment des dysnatrémies ou une hyperphosphatémie.

Des signes digestifs

La mise en place de gastroprotecteurs (inhibiteur de la pompe à protons, sucralfate) et d’antiémétiques (citrate de maropitant, métoclopramide ou ondansétron) fait partie intégrante du traitement de l’IRA.

Quid des diurétiques ?

Aucune étude ne prouve l’intérêt des diurétiques dans le cadre des IRA oligo-anuriques et certaines études en médecine humaine prouvent même un effet délétère. Cependant, dans le cas d’IRA d’origine rénale et si la dialyse n’est pas possible, ils sont parfois la seule option thérapeutique. Le furosémide (1 à 2 mg/kg IV) ou encore le mannitol (1 g/kg IV) sont alors utilisés.

Dialyse

La dialyse permet une gestion bien plus rapide et efficace de l’IRA et de ses complications hydroélectriques. Elle doit être mise en place dès que le traitement médical s’avère inefficace : un animal en oligo-anurie qui commence à présenter des signes de surcharge volémique consécutifs à une fluidothérapie agressive doit être dialysé.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

L’IRA rénale peut être due à :

• une ischémie ;

• une maladie rénale primaire : infectieuse (pyélonéphrite), immune (amyloïdose, glomérulonéphrite), tumorale (lymphome rénal, par exemple) ;

• une maladie rénale secondaire : infectieuse, syndrome de réponse inflammatoire systémique, sepsis, syndrome de défaillance multiorganique, syndrome hépatorénal, hypertension ;

– une néphrotoxine : toxiques (éthylène glycol, raisin, métaux lourds, envenimation), médicaments (AINS1, IECA2, antibiotiques tels que les aminosides, molécules de chimiothérapie comme le cisplatine, diurétiques, produits de contraste), composés organiques (myoglobinurie, hémoglobinurie).

1 Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

2 Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

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