1986-2016 : 30 ans d’ESB - La Semaine Vétérinaire n° 1669 du 08/04/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1669 du 08/04/2016

Décryptage

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Un cas d’encéphalopathie spongiforme bovine a été détecté dans les Ardennes, faisant ressurgir le spectre de la vache folle.

L’encéphalopathie spongiforme bovine a été décrite en 1986, chez un bovin dans le Surrey (Royaume-Uni). Il s’agit d’une maladie chronique dégénérative du système nerveux central qui entraîne des troubles du comportement et locomoteurs. La phase clinique dure six à huit semaines pour une incubation de deux à cinq ans. Elle touche des animaux adultes, âgés de 3 à 6 ans en moyenne. Sur le plan lésionnel, elle se caractérise par une spongiose (vacuolisation des neurones).

Elle est à l’origine de la crise de la vache folle, entre 1986 et le début des années 2000 : un très grand nombre d’animaux ont été atteints au Royaume-Uni (figure), puis dans d’autres pays, parce qu’ils ont importé soit des bovins, soit des farines animales venant du Royaume-Uni. En France, le premier cas a été détecté en 1991.

À l’époque, l’hypothèse d’une origine alimentaire est rapidement jugée la plus probable, liée à l’ajout de protéines animales dans la ration des bovins, les farines de viande et d’os. L’utilisation des farines animales dans l’alimentation des bovins est interdite dès 1988 au Royaume-Uni et en 1990 en France. Des exemples de contamination d’autres espèces de mammifères sont aussi décrits, pour lesquels l’hypothèse privilégiée est la consommation de produits d’origine bovine : chats (dès 1990) et animaux de zoos. Le caractère zoonotique de l’ESB est confirmé en 1996, mais suspecté depuis 1993.

Des mesures de décontamination des farines sont appliquées à partir d’avril 1997, visant à détruire les prions, et leur interdiction totale dans l’alimentation animale est appliquée en Europe à compter de 2001. La protection du consommateur se fait via la surveillance des animaux et grâce au retrait de la chaîne alimentaire de matières jugées à risque (crâne et encéphale, moelle épinière et colonne vertébrale, amygdales, intestins, mésentère), associés à une modification des techniques de découpe pour éviter toute contamination.

Les mesures de surveillance sont fondées sur un suivi clinique, mais, surtout, sur un contrôle des bovins (tronc cérébral) à l’abattoir et, à l’équarrissage, de tous les bovins morts ou euthanasiés de plus de 4 ans. Un test sur animal vivant a été développé, mais il n’est actuellement utilisé qu’à des fins de recherche.

Étiologie

La présence d’une protéine anormale, ou prion, dans l’encéphale des animaux atteints est identifiée dès 1986. La théorie selon laquelle le prion constitue l’agent causal est désormais admise, bien qu’il demeure une part d’ombre sur le mécanisme de contamination. La séquence primaire en acide aminé du prion est identique à une protéine présente dans l’organisme des mammifères (PrP), mais sa conformation est différente.

Depuis 2003, des formes atypiques sont décrites, l’ESB-H et l’ESB-L, qui diffèrent de la forme dite classique (ESB-C, responsable de l’anazootie des années 1990-2000) sur les plans moléculaire et épidémiologique. L’ESB-C atteint des animaux adultes âgés, en général, de 4 à 8 ans et souvent plusieurs sujets exposés à la même source de contamination. Les formes atypiques sont sporadiques, touchent des animaux plus âgés (12,5 ans en moyenne) et leur fréquence est stable (moins de un cas par million d’animaux) dans le temps, quel que soit le pays ou le continent. Elles sont majoritaires dans des pays n’ayant pas été atteints au moment de l’anazootie. Le poids moléculaire est plus faible (ESB-L) ou plus élevé (ESB-H) que celui de la forme classique. L’ESB-L est aussi appelée encéphalopathie spongiforme amyloïdique bovine.

Origine des cas hyper Naif

Il est admis que l’origine de l’anazootie d’ESB de la fin des années 1990 et du début des années 2000 est alimentaire. Plusieurs hypothèses sont émises concernant l’origine des cas nés après l’interdiction partielle des farines en 1997 (cas dits Naif) ou après leur interdiction totale en 2001 (hyper Naif) :

– une contamination alimentaire, liée à une exposition des animaux à des farines animales datant d’avant leur interdiction (dépôts dans les silos, les tuyauteries, ou des sacs oubliés au fond d’un hangar). Cette hypothèse avait été retenue par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) pour expliquer l’origine du cas d’ESB-C de 2010 ;

– une transmission verticale est évoquée mais n’a pas été démontrée ;

– une origine génétique, par mutation ;

– une forme sporadique, comme décrit dans le cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).

Les enquêtes menées en Irlande et au pays de Galles après la découverte de cas hyper Naif en 2015 n’en ont pas identifié l’origine. Dans le cas de l’ESB, seule l’hypothèse d’une contamination alimentaire a été retenue pour expliquer l’anazootie de vache folle. Le prion de l’ESB ne semble présent que dans le système nerveux central, ce qui est décrit aussi pour les cas de tremblante atypique du mouton. D’autres encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) ont une distribution plus large, comme la tremblante classique du mouton (la rate, les plaques de Peyer et les nœuds lymphatiques du tube digestif figurent parmi les matières virulentes) ou la MCJ, pour laquelle d’autres voies de pénétration sont décrites (voie transcutanée ou intraveineuse accidentelle de matière virulente, contamination iatrogène par les instruments de chirurgie).

Dans le cas de la maladie du dépérissement chronique des cervidés, une autre ESST, il a été montré que la contamination des animaux peut se faire par consommation de végétaux situés dans l’environnement immédiat des carcasses.

Nombre de cas d’ESB (C, H et L) enregistrés au Royaume-Uni et en France entre 1986 et 2015

ASPECTS RÉGLEMENTAIRES

Les statuts officiels des pays sont attribués par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Le plus avantageux est celui de “pays à risque négligeable”. Il est accordé aux pays n’ayant jamais eu de cas sur leur sol ou, pour les autres, 11 ans après l’année de naissance du dernier cas d’ESB classique. La France a perdu ce statut en mars 2016 et ne pourra le retrouver qu’à partir de 2022. Elle est de nouveau un “pays à risque maîtrisé”, ce qui entraîne un renforcement des mesures de prévention de cette maladie, dont le retrait des matériels à risque spécifié, et l’impossibilité de valoriser certains produits d’origine bovine (intestins). Dans les foyers, l’abattage des animaux de la cohorte (nés d’un an avant à un an après l’animal atteint) et des veaux de moins de 2 ans nés de l’animal atteint est effectué.

L’ESB chez les bovins, les caprins et les ovins est classée dans les dangers sanitaires de 1re catégorie. Pour les autres espèces (chats, félidés de zoos, ruminants sauvages, primates non humains), elle fait partie des dangers sanitaires de 2e catégorie.

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