LES RISQUES DU MÉTIER - La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016

L’enquête du mois

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Une enquête menée par La Semaine Vétérinaire et l’annuaire Roy auprès des praticiens évalue le niveau de risque physique lié à l’exercice : nombre, nature et gravité des blessures faites par des animaux, maladies contractées, agressions, accidents de la route. Un sondage similaire avait été conduit en 1991.

Le constat n’est pas nouveau : exercer la profession vétérinaire comporte un certain nombre de risques. Le sondage mené auprès de 377 confrères le prouve : près de 80 % ont reçu au moins une blessure ayant nécessité des soins durant leur carrière, et 71,5 % au cours des 12 derniers mois. L’un d’entre eux a dû cesser d’exercer pendant plus de 730 jours. Il n’est question ici que de blessures physiques, les effets du burn-out, du syndrome d’épuisement du soignant, celles du chef d’entreprise et les conséquences du contact avec les clients n’ont pas été abordés. Il y a 25 ans, 85 % indiquaient avoir été blessés au moins une fois durant leur carrière et 53 % au cours des 12 mois précédant l’enquête (analyse de Jean Lerouvillois, voir encadré “Méthodologie”). L’évolution de la pratique doit être prise en compte dans cette comparaison : pour un nombre de répondants à peu près comparable, 377 en 2016 et 324 en 1991, la répartition des genres et de l’activité a quelque peu évolué (infographie 1). La pratique de l’automédication est toujours d’actualité, sans différence entre hommes et femmes : 100 % des répondants se font leurs soins locaux, 62 % s’autoprescrivent des antibiotiques, 20 % des antiparasitaires et 27,9 % se font leurs sutures. Les mixtes sont très significativement plus enclins à se recoudre eux-mêmes (39 %) que les canins (21 %), et les hommes (36 %) davantage que les femmes (23,8 %). C’est, en ce qui concerne les sutures, une hausse par rapport à 1991, où la proportion variait de 17 % (canins) à 21 % (mixtes), et un peu moins pour l’antibiothérapie (50 % en canine et 71 % en mixte).

La loi du tout ou rien

Au total, 295 praticiens ont indiqué avoir reçu des blessures ayant nécessité des soins au cours des douze mois précédant l’enquête (infographie 2). 76,7 % en déclarent 1 à 2. Pour 15 % d’entre eux, cela a entraîné soit une interruption temporaire de travail (ITT), soit une hospitalisation, ou les deux (la plupart des cas).

La majorité des accidents provoqués par les animaux sont sans gravité, seulement 40 confrères indiquent avoir subi des dommages sévères ayant entraîné une hospitalisation ou un arrêt de travail (infographie 3). Ces derniers ont parfois eu à faire face à de gros soucis de santé : 5 ont été hospitalisés sans arrêt de travail, 12 indiquent en moyenne 20 jours d’incapacité de travail sans hospitalisation (de 1 à 90 jours sur l’année). Pour 23 d’entre eux, jusqu’à 50 jours d’hospitalisation ont été nécessaires et en moyenne 100 jours d’arrêt de travail (toute l’année dans deux cas) (voir aussi infographie 4).

50 praticiens ont subi une ou plusieurs interventions chirurgicales, soit 17 % de ceux qui ont été blessés. Il s’agit le plus souvent de parage et de suture de plaies, ou de traitement chirurgical d’abcès, mais les lésions de quatre praticiens ont nécessité des ostéosynthèses et deux, des greffes. Les conséquences sont, selon la gravité, soit esthétiques (cicatrices), soit locomotrices, mais le plus souvent liées à des pertes de sensibilité ou de mobilité des doigts, du poignet ou de la main. Un confrère sur deux a été touché aux doigts, les deux-tiers aux mains, un tiers aux bras et autant aux jambes (infographie 5).

Les morsures, fréquentes et parfois graves

Les confrères citent généralement les morsures de chats, de chiens et les coups de pieds de bovins comme étant la source des dommages les plus importants (infographie 6). Plus de la moitié ont été mordus par un chat, un tiers par un chien, et presque autant se font griffer par un chat ou botter par une vache. Les morsures de félins s’accompagnent souvent d’infections (pasteurellose). Les hommes sont très significativement moins mordus par ces derniers (47,7 %) que les femmes (66,4 %), mais ils reçoivent significativement plus de coups de pieds de bovins et de chevaux (39,2 % versus 15,8 %). D’un premier abord, un raccourci serait vite fait avec la proportion d’hommes et de femmes exerçant en rurale, mais il convient aussi de relever que les femmes se sentent mieux sensibilisées (infographie 7) aux risques et prennent peut-être plus de précautions. Davantage de blessures à la tête, au buste, aux jambes et aux pieds sont signalées par les mixtes que par les canins. Des confrères citent aussi des blessures liées au fait d’éviter une morsure ou un coup de pied (chutes, hernies discales, fractures) ou liées au matériel.

MÉTHODOLOGIE

– L’enquête a été menée en février-mars 2016, conjointement par La Semaine Vétérinaire et l’annuaire Roy.

– 377 questionnaires ont été exploitables sur les 5 656 courriels adressés aux vétérinaires libéraux, toutes activités confondues.

– Les hommes constituent 48 % des répondants.

– 62,3 % exercent à temps plein, avec gardes et/ou astreintes, 16,4 % à temps plein sans gardes ni astreintes, 11,4 % à temps partiel, la moitié effectuant des gardes ou des astreintes.

– 50,7 % exercent une activité canine exclusive et 2,9 % rurale exclusive, 19,1 % mixte à dominante canine, 15,6 % mixte à dominante rurale et 2,1 % mixte à dominante équine.

– Les résultats de l’enquête menée en 1991 ont été analysés en 2006 par Jean Lerouvillois, auteur de la thèse de doctorat vétérinaire « Les risques professionnels des vétérinaires praticiens » (ENVA, 2006).

CE QU’IL LEUR EST ARRIVÉ

Désinfection et parage de la morsure, puis ténosynovite de l’extensor carpi ulnaris (ECU) du poignet gauche avec luxation et névrome. J’ai subi une synovectomie de l’ECU, peigne du tendon, avec reconstruction de la poulie et enfouissement du névrome ! Conséquences : des douleurs dans tout le bras, des doigts aux cervicales, avec une restriction des mouvements et une perte de force.

Morsure de chat, abcès infecté par une pasteurellose : parage puis greffes (six en tout), 100 jours d’incapacité de travail et six jours d’hospitalisation. Un doigt reste handicapé.

Morsure de chien : plaie, infection, nécrose, raclage et nettoyage, deux interventions sous anesthésie générale, 70 jours d’arrêt de travail, cinq mois d’antibiothérapie pour aboutir à une allergie à tous les antibiotiques, et ce n’est pas fini depuis 10 mois !

Pas d’autre choix que de continuer à travailler. Tout comme pas de passage aux urgences mais automédication et poursuite de l’activité tant bien que mal. Tous les avantages du travailleur indépendant !

Fermeture partielle du cabinet avec des conséquences financières, car en libéral, perte d activité signifie perte de revenu ; impossibilité d’opérer pendant plusieurs jours, refus de consultations de gros chiens ; accentuation du surmenage, fatigue.

Pas vraiment de conséquences mais des douleurs résiduelles et une diminution dans la capacité et la force de préhension.

Morsure de chien, 30 jours d’arrêt et cinq d’hospitalisation avec une synovectomie de l’articulation métacarpo-phalangienne du troisième doigt de la main gauche. Conséquence : moins de précision, moins de force dans la réalisation des gestes chirugicaux.

Morsure de chien au bras : un an et demi d’arrêt de travail, toujours en cours ; 50 jours d’hospitalisation, quatre interventions chirurgicales, dont deux ostéosynthèses (hôpital spécialisé), ostéite suivie par sept mois d’antibiothérapie

Douleurs costales et abdominales lors de la contention d’animaux, lors de transport de gros chiens et dans l’exercice rural.

Épaule “fragile” : je dois limiter les fouilles rectales de bovins en nombre (faites à la fois) et en fréquence (deux fois par semaine au maximum si elles sont nombreuses). L’entorse du genou par coup de pied bovin semble guérie.

Deux fois plus d’hommes que de femmes affirment n’avoir pas été du tout sensibilisés aux risques physiques pendant leur formation. Les vétérinaires qui exercent à temps partiel se considèrent significativement mieux sensibilisés que ceux qui travaillent à temps plein

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