Les praticiens ont su anticiper - La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1667 du 25/03/2016

ANTIBIOTIQUES CRITIQUES

Actu

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Michaella Igoho

Au 1er avril, plus de 50 médicaments vétérinaires seront interdits ou restreints à la suite de la publication du décret relatif aux antibiotiques critiques. Parmi les changements : l’antibiogramme est obligatoire et l’examen clinique systématique. Dans la pratique, la profession avait pris les devants.

Le décret1 relatif aux antibiotiques critiques a été publié, alors que le programme national d’inspection de la pharmacie vétérinaire2 porte cette année sur les antibiotiques et les ordonnances. Dès le 1er avril, le praticien ne pourra plus utiliser à titre préventif des antibiotiques considérés comme critiques. Seuls les usages curatif ou métaphylaxique seront autorisés mais sous conditions. Leur prescription est soumise à la réalisation d’un examen clinique et à l’obtention de résultats de laboratoire indiquant que la souche bactérienne identifiée n’est sensible qu’à cette substance antibiotique d’importance critique. L’arrêté qui fixera la liste des antibiotiques visés n’a toujours pas été publié. Mais sans surprise, il contiendra les céphalosporines de troisième et quatrième générations, ainsi que les fluoroquinolones. À ceux-là s’ajoute une exception pour la ciprofloxacine, l’ofloxacine et la norfloxacine, qui seront encore autorisées pour un usage en ophtalmologie des animaux de compagnie et des équidés pour une administration par voie locale. La colistine n’y figure pas.

Interdit à titre préventif

Les usages curatif ou métaphylactique sont tolérés, mais à certaines conditions seulement et surtout en dernier recours. La métaphylaxie n’est permise que si le vétérinaire « suspecte une maladie présentant un taux élevé de mortalité ou de morbidité pour laquelle, en l’absence de traitement précoce, une propagation rapide à l’ensemble des animaux est inévitable ». Il doit aussi la justifier par un examen clinique obligatoire ou nécropsique (y compris en élevage), qu’il effectue lui-même ou qu’il confie à un tiers. Le praticien est aussi tenu de prélever ou de faire retirer en amont un échantillon sur un ou plusieurs animaux vivants ou morts, pour identifier la souche bactérienne responsable de l’infection. Le traitement prescrit ne pourra pas excéder une durée au plus égale à un mois, même lorsque le résumé des caractéristiques du produit (RCP) prévoit le contraire. Si la pathologie traitée nécessitait un traitement de plus d’un mois, un nouvel examen clinique de l’animal ou du lot d’animaux serait nécessaire afin de le prolonger. Et le renouvellement de l’ordonnance est interdit.

L’antibiogramme obligatoire

L’antibiogramme devient obligatoire pour tout recours à une substance considérée comme critique. Il doit être réalisé selon la norme Afnor NF U47-106 et 107, et les kits rapides ne sont pas acceptés. Mais des dérogations sont prévues si le praticien a été informé de « résultats d’examens complémentaires effectués depuis moins de trois mois pour le même animal ou des animaux du même stade physiologique présents sur le même site et pour la même affection ». Autre exception, il sera permis au vétérinaire de prescrire un antibiotique critique « avant connaissance des résultats des examens complémentaires, lorsqu’il s’agit d’un cas aigu d’infection bactérienne pour laquelle un traitement avec d’autres familles d’antibiotiques serait insuffisamment efficace ». Le praticien aura ensuite quatre jours pour adapter sa prescription en fonction des examens effectués. Autre obligation, la conservation des résultats d’examens et d’analyses pendant cinq ans.

  • 1 Pour aller plus loin : La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/3/2016, page 12.

  • 2 Pour aller plus loin : voir La Semaine Vétérinaire n° 1659 du 29/1/2016, pages 10 et 11.

  • 1 Association des vétérinaires exerçant en productions organisées.

  • 2 Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

  • 1 Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

UN CONSENSUS AVANT L’HEURE

En décembre 2011, lors du congrès de l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP), un référendum avait eu lieu pour nommer des groupes de travail sur différentes problématiques de la filière, dont la réduction du recours aux antibiotiques critiques en filière porcine. Dans ce contexte, les vétérinaires qui interviennent en production porcine, représentés par leurs différentes organisations techniques (AFMVP, AVPO1, SNGTV2), se sont mobilisés pour convenir d’un consensus de limitation et d’encadrement volontaire de la prescription des céphalosporines, et tout particulièrement de celles de troisième et quatrième générations (C3G/C4G). Aucune réglementation ne les obligeait à le faire. Il avait ainsi été décidé que les céphalosporines de dernière génération ne doivent jamais être prescrites en première intention, ni pour une utilisation systématique. Hors d’une situation d’urgence, elles pourraient être prescrites uniquement après la réalisation, sur la bactérie isolée et jugée responsable de la maladie, d’un antibiogramme. Pari gagné du consensus, puisque la prescription-délivrance des céphalosporines en production porcine a été réduite de 70 % sur quatre ans (2009/2010-2011/2012), avec un autocontrôle réalisé par un organisme indépendant, le Centre technique des productions animales et agroalimentaires (CTPA). L’objectif du plan ÉcoAntibio 2012-2017 était de réduire de 25 % les usages d’antibiotiques en cinq ans. Or, sur la période précitée, les résultats obtenus pour ces molécules dépassent déjà largement ce but.

Nathalie Devos

TROIS QUESTIONS À… JEAN-FRANÇOIS ROUSSELOT

« Les canins se sont déjà approprié la problématique de l’antibiorésistance »

Le décret sur les antibiotiques critiques va-t-il modifier la pratique des canins ?

Les praticiens n’ont pas attendu cette réglementation pour assimiler les enjeux de l’antibiorésistance et utiliser à bon escient les antibiotiques. Pour preuve, la diminution des ventes de ces molécules, en particulier des C3G, C4G et quinolones en 2014, malgré leur stockage cette année-là en raison de l’anticipation de la disparition des marges arrière. Il n’y aura donc pas de révolution au 1er avril, le processus étant déjà bien engagé.

Sera-t-il difficile à appliquer ?

Le législateur a judicieusement prévu la possibilité de pouvoir prescrire des antibiotiques critiques dans l’attente des résultats de l’antibiogramme, ce qui est en adéquation avec les réalités de la médecine canine. Le fait que leur usage soit désormais interdit en antibioprévention est une bonne chose, cette pratique n’étant pas utile et génératrice d’antibiorésistance dans la plupart des chirurgies de convenance. Il est toutefois vrai que, dans les cas où elle est nécessaire, les praticiens disposent alors de peu de molécules injectables par voie intraveineuse. L’Afvac1 a œuvré pour que soit conservée la possibilité d’utiliser trois quinolones présentes dans des collyres pour usage humain car, sans elles, l’énucléation aurait été la seule option dans certaines infections oculaires. Les confrères devront aussi être vigilants sur le choix du laboratoire qui effectuera l’isolement des germes et l’antibiogramme : ils doivent en effet répondre à certaines normes et tester des molécules appropriées à la médecine vétérinaire.

Que pensez-vous de cette mesure ?

Cette réglementation engage encore plus les vétérinaires dans leur professionnalisme. Elle permet de faire réfléchir l’ensemble de la profession aux problématiques de l’antibiorésistance, sans empêcher les traitements d’urgence. Des fiches de bonnes pratiques seront, par ailleurs, bientôt disponibles pour aider les confrères dans leur démarche.

Propos recueillis par Valentine Chamard

LES ÉLEVEURS ONT ÉTÉ SENSIBILISÉS

En pratique rurale et équine, la mise en place de contraintes d’utilisation pour les antibiotiques classés critiques a été anticipée. Les avertissements et les travaux menés dans ce sens par les organisations professionnelles, les groupements techniques vétérinaires en tête, ne datent pas d’hier et ont été largement relayés. Les éleveurs suivent le mouvement dans la plupart des cas, eux aussi ont été largement sensibilisés. Il s’agira, pour les praticiens comme pour les éleveurs, de modifier leurs habitudes, et de tenir compte de la nouvelle réglementation dans les plans sanitaires d’élevage. La crainte exprimée par les éleveurs d’une augmentation du poste “frais vétérinaires” est réelle et probablement justifiée, du moins dans un premier temps : elle sera balayée si les praticiens parviennent à leur montrer que le ratio coût/bénéfice penche en leur faveur, grâce à un diagnostic précis et à des traitements justifiés et ciblés.

Les plus grosses difficultés d’adaptation viendront de quelques adeptes du “produit miracle qui traite tout très vite”, ou qui consomment davantage de médicament que d’actes vétérinaires. Dans le cas d’affections graves, le choix de faire appel au vétérinaire, ou de traiter, sera d’autant plus étroitement lié aux chances de guérison et de poursuite de la carrière de l’animal que les frais engagés seront jugés élevés.

Stéphanie Padiolleau

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