Le vétérinaire doit être un conseiller en matière d’entretien des canalisations d’eau

Les éleveurs de porcs sont moins sensibilisés à la qualité de l’eau que les éleveurs de volailles et méconnaissent souvent les pratiques d’entretien des canalisations. C’est le résultat d’une enquête réalisée auprès d’éleveurs de porcs et de volailles pour comparer leur sensibilité et leurs pratiques vis-à-vis de la qualité de l’eau de boisson¹.

Des éleveurs peu sensibilisés

Un trouble de santé récurrent qui peut être lié à une qualité inadaptée de l’eau est retrouvé dans 68 % des élevages de porcs (il s’agit des troubles digestifs en postsevrage pour 82 %) et 76 % des élevages de poulets de chair (boiteries dans 90 % des cas).

L’ensemble des éleveurs déclare être préoccupé par la qualité de l’eau distribuée aux animaux. Le critère de qualité s’appuie sur les paramètres bactériologiques et chimiques chez 80 % des éleveurs de porcs et chez 84 % de ceux de volailles, sans différence significative. Toutefois, ces derniers veillent davantage à cette qualité. En effet, aucun éleveur de porcs ne pratique de purge des canalisations d’eau en cours de lot, contrairement à 72 % des éleveurs de volailles, qui le font toutes les semaines ou tous les 15 jours. De plus, un seul élevage porcin pratique un protocole de nettoyage-désinfection durant le vide sanitaire, considéré comme lourd, alors qu’il est réalisé systématiquement par tous ceux de volailles entre chaque lot et de façon complète (vidange, purge, base, acide, désinfectant) pour 44 % d’entre eux. Pourtant, l’efficacité des traitements administrés via l’eau de boisson dépend de la qualité de celle-ci. Il s’agit essentiellement de la distribution de vermifuge pour les porcs, et de facteurs nutritionnels ou de vaccins pour les volailles.

Un entretien des canalisations nécessaire

En effet, d’autres travaux en élevages de porcs montrent que l’eau s’enrichit en flore bactérienne lors de son trajet jusqu’aux abreuvoirs. Des protocoles de nettoyage-désinfection des canalisations ont été effectués la veille de l’entrée des porcelets dans les salles. Chaque protocole consiste en une purge du circuit d’eau, puis en l’injection dans l’eau traitée, via la pompe doseuse, soit d’une base chimique (hydroxyde de potassium), soit d’un détergent neutre enzymatique. Le circuit d’eau est de nouveau purgé, puis un acide est ajouté, et enfin une nouvelle purge est réalisée. L’état des canalisations a été montré à l’éleveur grâce à un endoscope. Après le protocole, l’eau récoltée présente un floculat de biofilm, montrant l’importance du dépôt de celui-ci. Il est désagrégé par l’effet mécanique de la purge, mais celle-ci est insuffisante : elle augmente la surface d’action des détergents. La flore totale bactérienne est fortement réduite aux abreuvoirs après les deux protocoles, et notamment avec celui qui comporte le détergent enzymatique.

Au cours de l’opération, le pH de l’eau est globalement stable, et les valeurs du potentiel d’oxydoréduction sont très variables. Ces paramètres doivent ainsi être interprétés avec prudence lors de l’évaluation de la qualité de l’eau.

Ainsi, la transposition des protocoles utilisés en élevages de volailles est réalisable et efficace en salles de postsevrage, avec un investissement modéré (installation de vannes de purge), dans le cadre de mesures de prévention et de biosécurité. Les éleveurs de porcs devraient être davantage sensibilisés à la nécessité d’un entretien systématique des canalisations d’eau, souvent méconnu dans cette production. Cela passe également par la sensibilisation des praticiens porcins à ces pratiques, surtout dans le contexte actuel de diminution du recours à l’utilisation d’antibiotiques.

• 1 Les travaux ont été menés par Sophie Brilland dans le cadre de sa soutenance de thèse à Oniris, à Nantes (Loire-Atlantique). Ils ont été récompensés par le prix Jules-Tournut décerné par l’Association française de médecine vétérinaire porcine (AFMVP), le 3 décembre dernier à Paris.