Le bénéfice de la pleine conscience bienveillante en entreprise - La Semaine Vétérinaire n° 1665 du 11/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1665 du 11/03/2016

MANAGEMENT

Éco

GESTION

Auteur(s) : Anne-Claire Gagnon

La pratique de la méditation ou de la pleine conscience bienveillante au travail transforme positivement les entreprises. Tour d’horizon des entreprises de divers secteurs d’activité qui, l’ayant testée, l’ont adoptée.

La méditation permet de développer une façon d’être et de se comporter radicalement différente, et de rendre à l’humain sa place dans l’entreprise. C’est une technique issue de la rencontre entre les traditions contemplatives et les neurosciences. Ces thèmes ont été abordés le 15 octobre 2015, lors d’une matinée d’échanges organisée à Paris par l’association Akayogi, avec la participation du moine bouddhiste et docteur en génétique cellulaire Matthieu Ricard, de la psychiatre Christine Barois et les témoignages de nombreux chefs d’entreprise et directeurs des ressources humaines (DRH).

Les termes de méditation en sanscrit ou en tibétain le disent, il s’agit de cultiver nos qualités personnelles, de se familiariser. Pour Matthieu Ricard, cette clé pour s’ouvrir à la bienveillance demande du travail, s’agissant d’un exercice continu de transformation intérieure. Comme l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture, la méditation demande une pratique quotidienne, répétée, ne serait-ce que quelques minutes par jour.

Toutes les études en neurobiologie montrent que la neuroplasticité du cerveau autorise des changements et que la méditation modifie durablement la morphologie de l’hippocampe gauche. L’empathie et la compassion (amour altruiste) n’activent pas les mêmes circuits cérébraux, c’est pourquoi l’empathie fatigue, alors que la compassion donne de la force, du courage.

La réduction du stress par la pleine conscience ou mindfulness-based stress reduction (MBSR)1 est une discipline fondée sur des preuves scientifiques solides, mise en place à partir de 1979 par Jon Kabat-Zinn, aux États-Unis, pour traiter la souffrance et le stress des patients et des soignants en milieu hospitalier. La méditation n’efface pas la douleur, mais elle la rend plus supportable.

Nos humeurs nous façonnent, mais la pratique de la méditation permet de les contrôler. « Dans la pratique de la pleine conscience, on entre en résistance avec la force de l’habitude et on travaille les muscles du calme, de la clarté mentale et du discernement », développe Jon Kabat-Zinn.

Les maladies du “digital age”

La pratique de la pleine conscience bienveillante au travail transforme les entreprises, où il fait alors bon travailler. La DRH de la société Google permet ainsi à ses salariés de consacrer 25 % de leur temps de travail à des projets personnels, ce qui développe leur créativité, la confiance mutuelle, et se révèle très profitable à l’entreprise.

Selon les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la dépression sera, en 2020, la première cause d’arrêt maladie et de handicap. Au rythme où nous vivons, notre cerveau intègre en deux mois ce que le cerveau d’un homme du paléolithique mettait une vie entière à emmagasiner. Le tout avec la pression économique, le management parfois tyrannique, la contagion des émotions négatives du patron ou des collaborateurs, et la fausse idée selon laquelle il existe du bon stress. Christine Barois s’est farouchement opposée à cette idée, soulignant tout l’intérêt d’augmenter son attention et sa créativité par des pratiques de méditation, pour réguler le brouhaha ou le babillage mental qui nous empêche « d’être en lien avec le meilleur de nous-mêmes ». D’ailleurs, les mutuelles santé ne s’y trompent pas, qui accordent des primes aux salariés des entreprises dont l’ambiance de travail est jugée positive. Les publications scientifiques sont en effet formelles : les changements cérébraux induits par la pratique quotidienne de la méditation sont pérennes, augmentant les défenses immunitaires, ralentissant le vieillissement.

Le bien-être en entreprise, oxymore ou graal ?

Les entreprises issues de secteurs d’activité aussi divers que Ford, Starbuck, Sodexo, la MAIF ou Nexans ont adopté ces bonnes pratiques, prenant soin des cerveaux de leurs salariés. C’est souvent le burn-out d’un membre du comité de direction qui éveille les consciences, comme en a témoigné Christopher Guérin, vice-président de Nexans, qui a expérimenté la méditation avant de la mettre en pratique, sur la base du volontariat, au sein de son groupe. Même démarche chez Sodexo, à la MAIF, avec d’impressionnants témoignages de managers, de DRH ou de salariés qui font part de leur transformation intérieure devant la caméra bienveillante de Gilles Vernet (Tout s’accélère, sortie le 20 avril). Christopher Guérin a décrit « l’effet Jacuzzi® » du cerveau en ébullition du cadre, du salarié ou du praticien surmené, avec la nécessité de calmer le flux pour retrouver la tempérance, de savoir laisser mûrir les projets, noyés par le flot permanent de mails, entre autres nuisances mentales.

La méditation profite à celui qui la pratique comme à son entourage, en limitant la contagion des émotions négatives. Les objectifs sont de porter moins de jugements, d’être plus patient et bienveillant avec autrui, de moins ressentir la peur – une émotion qui entraîne d’autres comportements néfastes –, d’avoir donc une meilleure vision de soi et de son travail, et de prendre les bonnes décisions.

La pleine conscience en entreprise

Même dans les grandes entreprises du CAC 40, où la culture de “la gagne” est légion, la pratique de la méditation progresse parfois en silence et sous le manteau, certains dirigeants refusant de l’évoquer.

Armelle Carminati-Rabasse2 a témoigné de la nécessité de soutenir cette pratique sur le temps de travail, en valorisant cette parenthèse essentielle, bien que jugée inutile par certains. La transformation intérieure de chacun participe à celle de l’entreprise et de la société. La notion de “caring economics” fait son chemin, la coopération permettant une économie harmonieuse durable. Matthieu Ricard a conclu cette matinée stimulante en proposant un exercice de méditation minimaliste : dix secondes d’amour altruiste par heure, voire six fois par jour, que chacun peut faire, afin de devenir meilleur. « Cet exercice consiste à penser à ceux qui nous sont chers, en leur souhaitant, avec un amour inconditionnel, d’être heureux, de s’épanouir dans l’existence, d’être délivrés de leurs souffrances. Il ne s’agit ni d’un gadget, ni le niveau zéro de la spiritualité, mais d’un premier pas. »

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1662 du 19/2/2016, page 49.

  • 2 Ex-directrice générale fonctions centrales du groupe Unibail-Rodamco et présidente de la commission innovation sociale et managériale du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Pour en savoir plus :

– http://www.caring-economics.org ;

– “Se changer, changer le monde” de Christophe André, Jon Kabat-Zinn, Pierre Rabhi, Matthieu Ricard, éditions de L’Iconoclaste ;

– “Ces décideurs qui méditent et s’engagent” de Sébastien Henry, éditions Dunod ;

– “Les Transformations silencieuses” de François Jullien, éditions Grasset ;

– Conférence “Reinventing organizations”, de Frédéric Laloux : http://bit.ly/1uXUGug.

POUR AUGMENTER LA RÉSILIENCE

L’empathie se distingue de l’amour altruiste, qui donne une force et un courage permettant de désamorcer des conflits. L’empathie est une résonance affective avec autrui : « Tu souffres, je souffre ; tu es heureux, je suis heureux. » Il s’agit donc d’une émotion qui fatigue (d’où le burn-out des soignants) et se fatigue. Les circuits neuro-cérébraux utilisés par les deux émotions ne sont pas les mêmes.

L’empathie mobilise une partie du cortex insulaire (insula antérieure) et le cortex cingulaire antérieur, également impliqués dans la douleur et son cortège d’émotions négatives, alors que la compassion les efface, et active également le striatum ventral, le cortex cingulaire antérieur (impliqué dans la dépression) et le cortex médial orbito-frontal, l’ensemble augmentant la résilience, en surmontant la détresse empathique.

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