Vétérinaires, leur vie en direct - La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1664 du 04/03/2016

SÉRIE DOCUMENTAIRE

Actu

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Serge Trouillet

Depuis la mi-février, le dimanche à 16 heures, TF1 diffuse une série documentaire sur le quotidien des personnels soignants de trois grandes structures vétérinaires : le CHV Nordvet de La Madeleine, le CHV Frégis d’Arcueil et le Zooparc de Beauval. Un record d’audience pour cette plage horaire.

Durant tout le mois de juillet 2015, le centre hospitalier vétérinaire (CHV) Nordvet de La Madeleine, dans la banlieue lilloise (Nord) s’est transformé en studio de télévision. Le tournage, effectué en parallèle au CHV Frégis d’Arcueil (Val-de-Marne) et au Zooparc de Beauval (Loir-et-Cher), a donné lieu à la série documentaire Vétérinaires, leur vie en direct, diffusée depuis le 14 février, le dimanche à 16 heures, sur TF1, qui se félicite de l’engouement des téléspectateurs.

Une quinzaine de journalistes et de techniciens se sont ainsi installés dans les nouveaux locaux du CHV Nordvet et se sont intégrés à l’équipe pour la filmer dans son quotidien. « En réalité, leur présence nous est apparue bien moins pesante que nous ne le redoutions. Nous avions affaire à des professionnels caméléons, que nous finissions par ne plus voir : leurs caméras, disposées dans les plafonds, étaient très discrètes ; leurs interventions étaient réduites au strict nécessaire et leur sens du relationnel a rapidement permis à tout le personnel soignant et à la clientèle de se sentir à l’aise, du moins le moins perturbés possible », souligne Clémence Ruet (Liège 06), praticienne consultante en imagerie médicale et médecine interne.

Toute l’équipe ou presque s’est ainsi prêtée à l’exercice, jonglant avec plus ou moins d’aisance entre les consultations, les interventions au bloc opératoire et les interviews dans une salle dédiée. Une régie a même été aménagée inside.

Des retours positifs

Le ressenti, après la diffusion des deux premiers épisodes, s’avère extrêmement positif. « Ce que nous avons découvert sur notre écran reflète assez fidèlement l’activité dans notre clinique. Cela traduit bien la réalité de notre métier, avec son lot d’émotions, de tragique parfois, mais aussi de belles satisfactions partagées. Les nombreux retours sur notre page Facebook l’attestent », observe Clémence Ruet. L’expérience se révèle également profitable concernant la pratique elle-même. Si la jeune vétérinaire confesse qu’il n’est pas toujours confortable de se voir en situation, elle admet que c’est éminemment instructif : « Nous nous rendons compte, avec le recul, que nous ne faisons pas toujours aussi bien que nous le pensons. Par exemple, même si nous en sommes conscients, nous ne percevons pas suffisamment à quel point les propriétaires sont stressés par la situation qu’ils vivent. Sans doute sont-ils habituellement dans la retenue avec nous. Quoi qu’il en soit, les images que le film nous renvoie nous éclairent sur ce point. »

Certains propriétaires d’animaux venus consulter pendant cette période ont en effet accepté de s’épancher devant la caméra, de se laisser aller à leurs véritables émotions, celles qu’ils cachent d’ordinaire par pudeur. « Les propriétaires ne pleurent pas devant nous. Je n’imaginais pas commettre une maladresse en ne leur laissant pas un peu de temps avec leurs animaux avant une intervention délicate, ce qui pouvait être ressenti par eux comme une manière un peu brutale. Je me suis donc fait la remarque que je les enlevais trop vite, même s’il importe de rester dans l’action et d’agir sans perdre de temps. Aussi, j’ai le sentiment d’avoir évolué dans ma manière de travailler, d’être plus attentive dans ma relation avec le client », reconnaît Clémence Ruet.

Une réalité du métier bien rendue

Le CHV Frégis d’Arcueil (Val-de-Marne) n’en est, quant à lui, pas à son premier reportage. Celui-ci, toutefois, se singularise, selon notre confrère Jean-Philippe Corlouer (T 79), par son approche réaliste de la vie d’une structure vétérinaire au quotidien : « Nous avons pensé qu’il pouvait contribuer à démythifier notre profession, en dévoilant au public sa face souvent ignorée. Les deux premiers volets de cette série documentaire font comprendre qu’en médecine vétérinaire, tout comme en médecine humaine, le talent des personnels soignants et les moyens qu’ils mettent en œuvre les conduisent à accomplir des prouesses, tout comme à subir l’échec. Avec constamment, pour tous, une implication émotionnelle admirable. Ces aspects du métier ressortent de manière équilibrée. »

Des ASV valorisées

L’exercice était d’autant plus délicat pour la structure d’Arcueil qu’elle travaille sur des cas référés, des cas lourds réclamant une gestion tout en psychologie des clients. La nature de son activité fait en effet converger vers Arcueil tous les “hyper” : les hyperanxieux, les hyperexigeants, les hyperattachés ! En raison même de cette difficulté, le reportage réalisé sous la conduite d’Antoine Baldassari met généreusement en lumière – et Jean-Philippe Corlouer s’en montre reconnaissant – le travail de toute une équipe : « Il a eu un effet positif sur tous, notamment sur les auxiliaires spécialisées vétérinaires, les ASV. Elles ont été valorisées et ce n’est que justice. Leur travail au quotidien est essentiel pour les animaux, les clients et les praticiens. La plupart du temps, elles restent dans l’ombre. Pourtant, aujourd’hui, un vétérinaire ne peut travailler sans des ASV de bon niveau. Leur métier est très difficile, ce qui explique le turnover important dans la profession. Beaucoup de jeunes le choisissent sans se rendre compte de ce que c’est. Déçues, elles changent d’orientation. Nous les formons en permanence, nous avons besoin de les tirer vers le haut. À les voir vivre au quotidien leur passion, j’espère que cela contribuera à mieux faire connaître cette profession indispensable à l’exercice de la pratique vétérinaire. »

L’envers passionné du décor habituel

Au Zooparc de Beauval également, équipes de tournage et impressionnant matériel ont, en juillet 2015, investi le parc zoologique privé le plus fréquenté de France. Tandis qu’une première équipe suivait le service vétérinaire en permanence, deux autres naviguaient dans les différents services animaliers. Pour les 200 salariés du zoo, parmi lesquels 85 pour la partie animalière1, l’exercice est plutôt habituel – deux autres tournages ont été réalisés depuis – mais original. « Il était intéressant de faire le parallèle entre le milieu vétérinaire en clinique et celui dans un parc zoologique, dont on élargit le propos à l’ensemble de l’activité animalière », considère Baptiste Mulot (A 04), vétérinaire du zoo. Le reportage, à cet égard, n’a pas failli : « Le travail des soigneurs animaliers a été particulièrement bien mis en lumière et chacun s’en réjouit. Ce sont des passionnés, certains s’occupent des mêmes espèces depuis plus de 10 ans ! » Au point même, observe Baptiste Mulot, que le travail des vétérinaires est passé quasiment inaperçu dans les deux premiers volets du reportage : « Si l’on s’en tient au titre de la série télévisée, c’est quelque peu frustrant pour nous. Nous espérons un certain rééquilibrage par la suite. »

  • 1 Dont 73 soigneurs animaliers, 3 vétérinaires et 2 vétérinaires stagiaires.

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