Les impacts du nouveau statut juridique de l’animal - La Semaine Vétérinaire n° 1660 du 05/02/2016
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La Semaine Vétérinaire n° 1660 du 05/02/2016

DROIT

Éco

GESTION

Auteur(s) : Nicolas Corlouer2

En décembre 2015, une jurisprudence tire les conséquences du nouveau statut de l’animal. Elle change la donne, les garanties applicables dans les ventes d’animaux étant redéfinies.

Le statut de l’animal est au cœur des débats législatifs, mais également juridictionnels. En effet, l’article 2 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 a inséré un article 515-14 dans le Code civil, qui dispose que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Ce statut de bien meuble, mais doté de sensibilité, ne devait pas rester sans conséquence. Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 9 décembre 2015, le juge tire les conséquences du nouveau statut de l’animal. Dans cette affaire, il était question d’une éleveuse professionnelle ayant vendu un chiot, à usage de compagnie, à un particulier.

La question de la garantie de conformité

Il est apparu que le chien vendu souffrait d’une cataracte héréditaire entraînant de graves troubles de la vision. Le propriétaire de l’animal a alors décidé de se retourner contre l’éleveuse en invoquant un défaut de conformité. Il sollicitait la réparation de ce défaut et l’allocation de dommages et intérêts. L’éleveuse, quant à elle, estimait que le coût des frais vétérinaires était manifestement disproportionné et, par conséquent, proposait de remplacer l’animal. Dès lors, l’enjeu de ce dossier portait sur la garantie de conformité d’un bien meuble, vendu par un professionnel à un particulier, prévue à l’article L. 211-9 du Code de la consommation. Or cet article laisse un droit d’option à l’acheteur lorsqu’un vice de conformité apparaît sur le bien vendu, à savoir :

– la réparation ;

– le remplacement du bien. Toutefois, ce choix de l’acheteur n’est pas absolu. En effet, l’alinéa 2 de cet article stipule que le vendeur peut s’opposer à la réparation du bien lorsque « ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut ». De plus, il appartient à l’acheteur de démontrer que ce défaut existait avant la vente et que le vendeur, en tant que professionnel, ne pouvait l’ignorer. En l’espèce, les frais vétérinaires s’élevaient à plusieurs milliers d’euros, et étaient ainsi disproportionnés au regard de la valeur de l’animal.

Le caractère irremplaçable de l’animal

Si l’invocation de la garantie de conformité n’est pas novatrice pour les ventes d’animaux entre un professionnel et un particulier, la solution de la Cour de cassation dans son arrêt de décembre 2015 l’est particulièrement. En effet, le juge vient poser une exception à la possibilité de recours à l’alinéa 2 de l’article L. 211-9, en jugeant que « le chien en cause était un être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique »1. Le tribunal, qui a ainsi fait ressortir l’attachement de Mme Y. pour son chien, en a exactement déduit que son remplacement était impossible, au sens de l’article L. 211-9 du Code de la consommation.

Ainsi, un éleveur ne peut plus se prévaloir de la garantie de conformité pour refuser de prendre en charge les frais vétérinaires d’un animal qu’il aurait vendu à un particulier en lui proposant un échange. En effet, le lien unissant un propriétaire à son animal est reconnu par le juge, qui en déduit le caractère irremplaçable de celui-ci. Par conséquent, l’éleveur est obligé de prendre en charge le coût des frais vétérinaires.

Les risques et les enjeux financiers

Cette solution, bien que louable, n’est pas sans conséquence. En effet, elle représente un véritable risque financier pour l’éleveur. Les frais vétérinaires peuvent prendre des proportions très importantes, d’autant que l’éleveur, n’étant pas propriétaire de l’animal, est exclu des choix thérapeutiques mis en œuvre. Ainsi, la question se pose de l’application de cette jurisprudence en cas de frais exorbitants, mais également lors d’acharnement médical du propriétaire. En effet, l’identité de la personne supportant le coût des actes médicaux peut être un facteur déterminant dans les choix thérapeutiques opérés.

De plus, cette jurisprudence vient soulever la question de son champ d’application. En effet, il est question, dans cet arrêt, d’un animal de compagnie, comme le relève le juge. Seuls les chiens, les chats et les nouveaux animaux de compagnie (NAC) semblent concernés par cette exception. Cette jurisprudence pourrait cependant être amenée à évoluer et à s’appliquer à d’autres animaux, qui ne sont pas nécessairement considérés comme des animaux de compagnie stricto sensu, mais pour lesquels il existe incontestablement un lien particulier avec les propriétaires les rendant « uniques, irremplaçables et destinés à recevoir l’affection de leurs maîtres, sans aucune vocation économique ». Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui des chevaux de loisirs ou de compétition, où le lien sportif crée une relation particulière entre l’animal et son cavalier, sans qu’il existe nécessairement un enjeu économique. Or les enjeux financiers, dans cette hypothèse, ne sont pas les mêmes.

Ainsi, cet arrêt semble le premier d’une série qui va redéfinir l’ensemble des garanties applicables dans les ventes d’animaux entre professionnels et particuliers.

  • 1 Cour de cassation, 1re chambre civile, 9/12/2015, n° 14-25.910.

  • 2 Avocat au barreau de Paris.

  • Lire aussi le dossier de La Semaine Vétérinaire n° 1629 du 9/5/2015, pages 44 à 49, sur le statut de l’animal.

LE STATUT JURIDIQUE DE L’ANIMAL

La loi n° 2015-177 du 16/2/2015 a renforcé le statut juridique de l’animal en France, en instaurant l’article 515-14 au sein du Code civil, qui définit désormais les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». Mais ils restent « soumis au régime des biens ».

Dans le Code rural, au chapitre IV relatif à la protection des animaux, l’article L. 214-1 définit l’animal comme « un être sensible devant être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

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