Le mauvais caractère des chattes écaille de tortue est-il avéré ? - La Semaine Vétérinaire n° 1659 du 29/01/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1659 du 29/01/2016

COMPORTEMENT

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Marie Sigaud

Une étude s’intéresse au lien entre les comportements agressifs et la couleur du pelage chez le chat.

Certaines robes chez le chat sont associées à une mauvaise réputation : qui n’a pas déjà entendu dire que les écaille de tortue avaient mauvais caractère ? Pour répondre à cette question, des chercheurs ont proposé un questionnaire en ligne, auquel plus de 1 200 personnes1 ont répondu. Et en effet, une plus grande fréquence de comportements agressifs est rapportée chez les chats dont la couleur est en relation avec leur sexe, comme les femelles écaille de tortue, torbie et calico. Plus inattendu, les résultats indiquent aussi que les chats gris et blanc ou noir et blanc sont eux aussi plus agressifs.

Des données à interpréter avec précaution

Ces résultats méritent toutefois d’être nuancés, étant tirés de l’analyse de questionnaires subjectifs. Gardons à l’esprit que les préjugés ont la dent dure. Si les propriétaires d’individus à la robe écaille de tortue, par exemple, sont convaincus que ce type de chat est agressif, ils peuvent avoir été plus nombreux à rapporter ce genre de comportement et avoir ainsi biaisé les résultats. Par ailleurs, le niveau général d’agressivité estimé par les propriétaires dans cette étude est très faible, même chez les écaille de tortue, quoique significativement plus élevé. L’auteur elle-même reconnaît que la couleur du pelage n’est pas un critère suffisant pour déterminer ce qui fait d’un chat un compagnon agréable ou non…

  • 1 Stelow E. A., Bain M. J., Kass P. H. The relationship between coat color and aggressive behaviors in the domestic cat. J. Appl. Anim. Welf. Sci. doi:10.1080/10888705.2015.1081820.

LE MOT DE L’EXPERT

« Pas de réel lien entre couleur du pelage et comportement »

La croyance selon laquelle les chattes écaille de tortue auraient moins bon caractère est répandue. Il convient de s’interroger sur l’origine de cette croyance. La couleur rousse est gouvernée par un gène, localisé sur le chromosome X, qui possède deux allèles : l’allèle roux (orange en anglais) et l’allèle non roux. Ainsi, les mâles, ne possédant qu’un seul chromosome X, sont soit roux soit non roux. Les femelles, possédant deux chromosomes X, peuvent être rousses, non rousses ou présenter des plages de couleur rousse et non rousse (couleur écaille de tortue ou tortie en anglais). Lorsque des taches blanches sont présentes, la chatte est dite tricolore (calico). Quand son pelage comporte des poils agoutis (poils avec une bande jaune encadrée de bandes foncées), la chatte est dite écaille de tortue tabby (tortie tabby = torbie). En 1995, une étude1 a expliqué la faible fréquence de l’allèle orange observée dans des populations de chats libres par la plus grande agressivité des mâles roux entre eux et, occupés à se battre qu’ils étaient, par leur moindre succès en reproduction. Cependant, d’autres études ont montré que l’allèle orange peut être fréquent dans des populations de chats libres…

Ainsi, à l’origine, les études, visant à apprécier la corrélation entre la couleur rousse et l’agressivité, concernaient le comportement des chats entre eux, et aucune n’a réussi à prouver de lien entre allèle orange et agressivité. À l’heure actuelle, le gène responsable de la couleur rousse n’est pas identifié. Son rôle dans une autre fonction que la couleur de la robe ne peut donc pas être apprécié. De plus, le fait que l’étude de Stelow ait également identifié une association entre couleur noire et blanche ou grise et blanche et comportement ne plaide pas en faveur d’un réel lien entre couleur du pelage et comportement chez le chat.

1 Pontier D., Rioux N., Heizmann A. Evidence of selection on the orange allele in the domestic cat Felis catus: the role of social structure. Oikos. 1995;73:299-308.

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