Christophe Carlier : « C’est aux vétérinaires de faire pression sur l’industrie du pet food » - La Semaine Vétérinaire n° 1658 du 22/01/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1658 du 22/01/2016

ENTRETIEN

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Charlotte Devaux

Christophe Carlier est le président de la chambre syndicale des fabricants d’aliments pour chiens, chats, oiseaux, poissons et petits mammifères : la Facco. Il est aussi vétérinaire et travaille pour Royal Canin.

Pourquoi un vétérinaire à la tête de la Facco ? Quel est votre rôle ?

Avoir un vétérinaire à la tête de la Facco n’est pas une nouveauté : mon prédécesseur l’était déjà. Par ailleurs, des vétérinaires siègent au conseil d’administration. Nous apportons une connaissance de l’animal ainsi que des qualités morales et éthiques. La fonction de président de la Facco occupe environ deux jours par mois, elle consiste en plusieurs missions. La première est la direction de la chambre syndicale : réunir le conseil d’administration, animer les réunions, faire en sorte d’arriver au consensus et être l’ambassadeur de la chambre syndicale auprès des autorités. Le président est aussi chargé de représenter la Facco au comité exécutif de la Fediaf (son homologue européen) et de défendre en justice les intérêts de la chambre syndicale et de l’industrie du pet food.

Quels sont les projets et les ambitions pour ce mandat ?

Ma première action sera d’assurer la continuité avec ce qui avait été réalisé par mon prédécesseur en matière d’action environnementale, via notamment l’étiquetage (impact carbone, analyse du cycle de vie, etc.). Nous devons en outre travailler pour développer la responsabilité sociétale de l’industrie, qui passe par une bonne gouvernance, des règles de fonctionnement claires et un travail sur la transparence. Enfin, renforcer nos relations avec les autorités de contrôle que sont la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et faire collaborer ensemble la profession vétérinaire, les associations de consommateurs, les éleveurs, etc. demeurent prioritaires. La finalité est de remettre l’animal au centre des préoccupations et de donner du sens à ce que nous faisons en tant qu’industrie, en produisant une alimentation saine, équilibrée et qui corresponde aux besoins de l’animal.

La Facco serait-elle favorable à un étiquetage plus précis ?

L’objectif de l’étiquette est de communiquer avec le consommateur et de ne pas le tromper. Aujourd’hui, le fabricant est obligé de mettre à disposition un moyen de contact pour que les propriétaires puissent poser les questions pour lesquelles ils ne trouvent pas de réponse sur l’étiquette. Il est vrai que certaines informations manquent aujourd’hui, comme la densité énergétique. Un travail est en cours à la Facco et à la Fediaf pour rechercher une équation commune permettant de calculer le niveau énergétique et de l’indiquer sur le contenant. Pour ce qui est de la qualité des protéines, les différentes méthodes d’évaluation font débat et un travail de fond doit être entrepris. Pour l’instant, la seule solution est de poser la question au producteur. De même pour les aliments destinés aux animaux stérilisés : il n’existe aucun référentiel en matière de nutrition pour ces animaux. La preuve de toute allégation sur l’emballage doit cependant être apportée par le producteur. Sur simple demande, l’industriel est tenu d’expliquer sur quoi il s’appuie pour formuler son produit et le qualifier d’adapté au statut de l’animal.

Que pensez-vous des teneurs minimales proposées par la Facco ? Si un aliment se contente de répondre aux minimas, peut-il respecter les besoins d’un animal ?

Les minimas définis dans les tables sont issus de tests qui prouvent que ces valeurs permettent à l’animal de vivre en bonne santé1. Certes, ce ne sont pas des teneurs optimales et la grande majorité des industriels sont bien au-dessus, mais ces minimas ont tout de même permis de diminuer drastiquement les problèmes de croissance. De plus, nous nous devons d’apporter une solution à tous les types de demande, y compris en matière de coût. Ces minimas permettent de faire un aliment bon marché qui assure tout de même à un animal de vivre correctement. Bien sûr, l’idéal est un aliment parfaitement adapté aux besoins de l’animal, qui tient compte de sa race, de son âge, de son statut physiologique, mais cela à un coût. Ces standards, qui ne sont pas figés, contribuent à augmenter le niveau général de qualité.

Ces minimas peuvent-ils être amenés à évoluer ?

Concernant les minimas ou les obligations d’étiquetage, c’est aux vétérinaires de prendre possession du sujet, puis de faire pression sur l’industrie. Des associations de consommateurs, par exemple, se sont battues contre les mycotoxines. Il n’existait aucune norme et, sur demande des associations, la Facco et la Fediaf ont travaillé pour élaborer des recommandations avec des niveaux maximaux de mycotoxines. Les autorités s’en sont même servies pour établir la réglementation. En Grande-Bretagne, Alex German, de la clinique de l’obésité de Liverpool, a motivé des leaders de la profession à écrire à l’équivalent anglais de la Facco pour demander un étiquetage énergétique, ce qui a engagé le travail actuel de consensus sur l’équation à utiliser afin de mettre en place cet étiquetage. La grande distribution aussi met la pression sur les industriels concernant l’étiquetage, car ils ont la responsabilité de ce qui est écrit par leur marque. En revanche, ils sont plus intéressés par les normes de qualité pour éviter les réclamations. C’est à la profession vétérinaire de faire pression sur la partie nutritionnelle.

Comment réagissez-vous aux récentes polémiques suggérant les liens entre aliments industriels et problèmes de santé ?

L’industrie du pet food a été mise en place pour pallier les problèmes nutritionnels dus à une alimentation changeante et parfois inadaptée. Depuis 70 ans, les animaux de compagnie vivent plus vieux et en meilleure santé. Les inconvénients et les risques de l’alimentation industrielle existent, mais sont, à mon sens, inférieurs à ses apports. Aujourd’hui, il apparaît que cette alimentation mérite en effet des adaptations. Certaines affections, telles que l’obésité, ont augmenté avec l’industrialisation de l’alimentation, mais aussi avec la diminution de l’activité de nos compagnons et la stérilisation. C’est pourquoi nous travaillons activement pour apporter la meilleure solution possible. Bien que le lien avec l’alimentation ne soit pas démontré, des recherches sont aussi en cours sur l’hyperthyroïdie féline.

La formation des vétérinaires en nutrition et la recherche sont essentiellement assurées par les pet fooders. N’y voyez-vous pas un conflit d’intérêts ?

L’industrie investit beaucoup en matière de recherche, mais si elle ne le fait pas, qui le fera ? Il est regrettable que la profession vétérinaire n’ait pas plus de considération pour la nutrition. La formation initiale du vétérinaire accorde trop peu de place à la nutrition des carnivores, et ce sont en effet les pet fooders qui s’attachent à former les vétérinaires. Il faudrait que la nutrition devienne une matière à part entière, qu’elle fasse partie de l’arsenal du vétérinaire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, où elle est davantage perçue comme un moyen de faire du chiffre que comme une médecine. Les vétérinaires ne prennent pas de risques et, par simplicité, se rabattent sur les croquettes. Celles-ci ont très vite été adoptées, mais il est plus difficile aujourd’hui de faire accepter l’alimentation humide, malgré les recommandations chez le chat. Il incombe à la profession vétérinaire de s’attaquer à la place de la nutrition et à la formation des étudiants et des professionnels.

  • 1 Les teneurs minimales proposées par la Facco pour chaque nutriment reposent sur les valeurs publiées dans différentes études montrant qu’avec cet apport minimal pour ce nutriment, l’animal n’est pas malade. Il n’est cependant pas nécessairement en meilleure santé (cette notion étant difficile à définir scientifiquement). De plus, ces études ne portent pas sur un aliment reprenant tous les minimas de tous les nutriments et sont faites sans critère de durée. L’animal peut sembler en bonne santé, mais ne le serait peut-être pas sur le long terme.

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