Où sont les jeunes ? - La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015

Éditorialistes d’un jour

Auteur(s) : Artagnan Zilber

Il ne s’agit pas de lire les pensées de Jean-Luc Lahaye avant un concert, mais d’une constatation bien réelle faite dans notre profession depuis quelque temps : nombre de confrères libéraux peinent à trouver remplaçants ou assistants, et les clientèles et parts d’associations restent un moment sur le marché avant de trouver un acquéreur, ou pas.

Apparemment, cette situation ne concerne pas que la profession vétérinaire, mais se rencontre également dans d’autres professions libérales. Les jeunes diplômés exercent un ou deux ans, voire pas du tout, et se tournent vers d’autres secteurs, aussi différents du maniement du stéthoscope que peuvent l’être l’événementiel, le tourisme, l’enseignement et le trekking dans l’Himalaya. Pharmaciens et médecins rencontrent les mêmes difficultés que nous pour assurer la transmission de leur outil de travail.

D’où vient ce phénomène ? Si on interroge les libéraux en place, c’est clair : les générations Y et Z ne pensent qu’à l’argent et aux loisirs et sont d’une fainéantise abyssale. On pourrait répondre que pas mal de jeunes estiment que leurs aînés les prennent pour des esclaves et tentent désespérément de leur faire payer ce qu’ils ont pu subir à une époque où un contrat de travail représentait au mieux un mythe, au pire une insulte.

Et on n’est guère avancé.

À Vétos-entraide, depuis quelque temps, la majorité des appelants à l’espace d’écoute sont de jeunes praticiens, exerçant depuis peu de temps et même parfois dans l’attente d’un premier travail. Ils expriment une angoisse forte de ne pas parvenir à « être à la hauteur » de leur profession.

Nombre d’entre eux sont perfectionnistes et estiment devoir être infaillibles. Les regards des clients sur la jeunesse de leur expérience, et surtout ceux de leur employeur, pour peu qu’en plus la pédagogie et l’indulgence ne fassent pas partie de ses qualités premières, ces regards leur sont insupportables. Ils se demandent si la clientèle, voire la profession vétérinaire, est faite pour eux.

De fait, on peut imaginer qu’ils se sont posé la question avant même de tenter l’expérience.

Que faire pour convaincre les brebis égarées ? Je ne prétends pas avoir la solution, loin de là. Je souhaite simplement apporter mon regard personnel.

Nous faisons partie de ces professions idéalisées, magnifiées par les médias, symboliques du dévouement à autrui, attachées à des missions importantes d’un point de vue sanitaire, financier ou sentimental. Ces métiers, les enfants en parlent dès le plus jeune âge, alors que la carrière de trader est rarement évoquée.

Cet idéal, beaucoup d’étudiants le portent encore en eux en arrivant à l’école. Et là, patatras, on leur assène la réalité, ou du moins une partie de la réalité. D’abord, « ça eut payé mais ça paye plus ». Ensuite, « en canine, les clients sont de plus en plus emmerdants, en équine c’est pire. En rurale, de toute façon, ils n’ont plus de sous. L’administration déverse sur le libéral pétrifié un afflux croissant de contraintes et l’Ordre en ajoute encore. L’invasion prochaine [depuis 20 ans environ, elle est prochaine] des chaînes de cliniques venues de la perfide Albion ou de la proche Ibérie [dont Goscinny nous avait pourtant avertis de la rudesse de ses habitants] signera la mort de la clientèle unipersonnelle. Nous ne pourrons plus vendre de médicaments et les spécialistes monopoliseront toutes les activités susceptibles de nous divertir d’un généralisme monotone ».

La douche froide, en quelque sorte.

Sans sombrer pour autant dans un angélisme béat, ne serait-il pas judicieux de dire également à ces jeunes la richesse d’une profession, dont la diversité des activités ne trouve aucune équivalence sur le marché du travail, de leur parler du regard ébloui des enfants et de la reconnaissance des parents, de raconter la passion pour résoudre tel ou tel cas clinique particulièrement tordu, de décrire l’émotion des vêlages et des poulinages ? N’y aurait-il pas moyen de leur expliquer que tous les employeurs ne sont pas véreux et même que certains payent bien leurs assistants ? Qu’il est possible de s’associer sans se dissocier deux ans plus tard et que l’harmonie peut régner dans un service de garde ?

Qui sait, ça pourrait peut-être changer quelque chose…

Artagnan Zilber (A 86) est président de l’association Vétos-entraide. Administrateur titulaire de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), il est membre du conseil régional de l’Ordre de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse (CRO PACA-Corse) et praticien à Aubignan (Vaucluse).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr