Les vétérinaires et la place de l’animal dans le droit du futur - La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1655 du 18/12/2015

Éditorialistes d’un jour

Auteur(s) : Antoine Goetschel

Les vétérinaires jouent un rôle très important dans la vie d’un animal. Le bien-être d’un animal dépend fondamentalement des soins, de la diligence et de l’attention d’un vétérinaire. Celui-ci est le plus souvent appelé pour prodiguer les soins et les traitements, mais il l’est aussi dans d’autres circonstances, lors de litiges pour savoir qui du couple divorçant détiendra l’animal ou lors de l’achat d’un chien pour son enfant.

Ayant travaillé pendant une trentaine d’années avec des vétérinaires en Suisse, au niveau politique, avec plusieurs organisations, comme la Société vétérinaire suisse, il me semble que la motivation, l’engagement et la compétence de la profession peuvent être améliorés pour l’animal et sa protection juridique.

En France notamment – malgré les priorités actuelles à la suite des terribles attentats du 13 novembre –, les vétérinaires peuvent s’engager dans cette voie. Ainsi, tenir compte de la sensibilité de l’animal est un devoir essentiel, non seulement pour son détenteur, mais aussi pour le praticien. Ce devoir doit être également pris au sérieux par les législateurs. Sinon, cette obligation, si elle ne dépasse pas le niveau de l’éthique, ne sera pas applicable par l’administration.

Les animaux ont besoin du soutien des vétérinaires pour changer la législation actuelle, non satisfaisante. En effet, la propriété donne un pouvoir pratiquement illimité au détenteur de l’animal. Ce pouvoir peut être restreint par la législation, comme c’est déjà le cas pour l’expérimentation animale. Mais il faut que cette législation soit inscrite dans la Constitution. Sans cela, l’application des lois sur la protection des animaux peut être compromise. Dans un pays où celle-ci n’est pas dans la Constitution – au même rang que la propriété –, le risque est que le propriétaire de l’animal échappe aux contrôles. Comme en Suisse, en Allemagne, en Autriche et au Brésil, les animaux doivent faire partie de la Constitution. Et également en France.

Il existe pratiquement partout dans le monde des lois pour protéger les animaux. En France, à ma connaissance, il n’y a pas de législation (et pas sous forme de règlement) facile à trouver et “ 100 % applicable”. Celui qui connaît la loi peut l’appliquer. En l’absence de législation unifiée relative à la protection de la dignité des animaux et à leur bien-être, la loi risque de ne pas être prise au sérieux. Les détenteurs, la police et peut-être même les juges n’ont pas une grande connaissance de la loi sur la protection des animaux. Pourtant, elle est indispensable. Elle n’existe pas en France, en Italie, en Australie, au Canada, aux États-Unis, en Argentine ni en Chine. Les vétérinaires français doivent se mobiliser pour disposer d’une telle législation nationale, transparente et d’un haut niveau. D’autres pays bénéficient d’une telle législation. En Suisse, la loi est complète, de haut niveau, mais en langue française. Comment appliquer une loi qui n’est pas connue ? Les vétérinaires en tant qu’“avocats des animaux”, comme ils se décrivent de temps en temps, pourraient se lancer dans cette bataille.

Mais tout cela ne suffit pas ! Si l’animal est traité comme un objet, comme les autres objets, un vide juridique demeure. Comment s’occuper d’un chien dans un cas de divorce de ses propriétaires, alors qu’il serait mieux chez elle et non chez lui ? Dans le cas d’un chat perdu, pourquoi attendre des années pour devenir propriétaire et détenteur ? Les activités de la chasse et de la pêche aussi tiennent compte de l’animal. Il n’est pas suffisant de s’occuper de la législation relative à la protection des animaux. Les vétérinaires doivent connaître et comprendre l’animal, et également sur le plan juridique. Est-ce qu’ils l’apprennent lors de leurs études ? Des questions restent en suspens. Se demande-t-on, dans un cas de divorce de ses propriétaires, où l’animal se sentirait le mieux ? Et qui prend en charge les frais du vétérinaire après un accident de voiture causé par un tiers ? Qui paie la facture, le plus souvent plus élevée que le prix d’achat du chien ? D’autres questions de responsabilité doivent être réglées en faveur de l’animal. La société doit avancer pour faire accepter l’animal comme une catégorie entre l’homme et l’objet. Cette prise de conscience doit se faire partout dans le monde ! La France a fait récemment un premier (petit) pas : les prochains sont devant nous !

Nous connaissons probablement tous les grands problèmes de l’application insuffisante de la loi. Le détenteur d’un animal peut se défendre en prenant un avocat. Mais l’animal reste “sans voix” dans la procédure pénale, il ne peut pas s’exprimer s’il n’y a personne pour le défendre devant le juge. Il devrait donc être protégé. De plus, les punitions sont souvent ridiculement faibles et incompréhensibles pour le grand public.

Le juge est tenu à la loi. Celle-ci interdit la souffrance qui n’est pas nécessaire. Mais comment le juge peut-il prendre la bonne décision ? En l’absence de contrôle, les choses n’avancent pas. Si on ne contrôle pas les devoirs à l’école, par exemple, les enfants arrêtent de les faire. Les pouvoirs publics sont trop faibles pour défendre la cause des animaux et trop souvent sous la pression des détenteurs. Il faut disposer d’un contrepoids pour les animaux !

Avec l’office que nous avons créé en 1991 pour le canton de Zurich, l’on observe plus de cas, plus de punitions, de meilleures motivations des offices vétérinaires, des procureurs et des juges. C’est un succès. Il est triste qu’en révisant le Code de procédure pénale cet avocat n’ait plus trouvé de place et que l’office ait été barrée en 2010, mais il n’est plus aussi nécessaire à Zurich, puisque le même rôle dans les procédures pénales est repris par la direction de la santé du canton. Il existe donc une bonne raison pour que les vétérinaires soutiennent de tels avocats pour animaux, dans chaque département.

Pourquoi les juges s’occupent-ils d’un cas de maltraitance d’un animal ? Les offices vétérinaires ne sont pas intéressés par le fait de saisir les tribunaux pour défendre l’animal, contre le propriétaire.

Le mot clé de la protection des animaux est la souffrance à éviter absolument si elle n’est pas nécessaire. La sensibilité est acceptée comme base de la protection de l’animal. Mais, aujourd’hui, tout cela ne suffit plus. En effet, le génie génétique, par exemple, peut générer des animaux comme des mouches avec 12 yeux, des poissons avec des gènes d’arbres pour les rendre plus résistants contre le froid ! Un nouveau monde de malfaisance s’ouvre non seulement avec les nouvelles technologies, mais aussi avec tous les systèmes modernes de détention d’animaux. Au-delà de sa capacité à souffrir, l’animal doit être pris au sérieux dans son intégrité et sa dignité ! Prenons l’exemple, certes choquant, de l’acte sexuel homme-animal, qui a été pendant longtemps légal en Suisse et qui l’est toujours en Allemagne, la raison en étant qu’une vache pénétrée ne souffre probablement pas. Mais a-t-elle été mise au monde pour être abusée légalement par des individus “louches” ? Nous pensons bien évidemment que non.

Par conséquent, la protection des animaux doit être prise au sérieux, comme c’est le cas en Suisse depuis 1992.

Antoine Goetschel est avocat spécialiste en droit animal, à Zurich, en Suisse, le seul canton a être doté d’un tel juriste, depuis 2007. Il est le premier et le seul avocat des animaux en Europe et dans le monde, et a déjà traité plus de 200 affaires relatives à leur protection. Antoine Goetschel est également l’auteur de plusieurs publications sur l’animal dans le droit. Il a créé la Fondation pour l’animal dans son droit (Tier im Recht) et est aussi président du GAL Projet, pour aider à créer et à promouvoir un cadre relatif aux animaux dans la loi, à l’échelle internationale (www.globalanimallaw.org).

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