Les arythmies ventriculaires

Généralement, les arythmies ventriculaires sont plus préoccupantes du point de vue de la performance et de la sécurité des chevaux, en comparaison avec des arythmies supraventriculaires. Les arythmies ventriculaires comprennent les extrasystoles ventriculaires (ESV, ^{figure 1}), avec un complexe QRST non précédé d’une onde P et dont la forme diffère des autres QRST, la tachycardie ventriculaire et la fibrillation ventriculaire qui, elle, aboutit à la mort.

Parler de risque pour le cheval et le cavalier et/ou le driver est fondamental lors d’arythmies ventriculaires. Généralement, les ESV sont considérées comme anormales chez le cheval. Néanmoins, une ESV isolée peut être assez fréquemment rencontrée lors d’électrocardiogramme (ECG) de routine, et ce même chez des chevaux apparemment en bonne santé. Toutes les arythmies ventriculaires ne sont pas équivalentes et leur complexité est liée au risque d’hypotension, de faiblesse, de collapsus et de mort subite, du fait d’une fibrillation ventriculaire. Toutefois, la définition du niveau de risque pour ces arythmies n’est pas évidente, notamment chez des individus présentant des ESV isolées au repos et/ou au cours de l’exercice.

En l’absence d’évidence claire, des recommandations devraient être appliquées, en privilégiant la sécurité du cheval et du cavalier par rapport à l’activité physique :

– être prudent avec un animal présentant un historique de collapsus et/ou la coexistence d’une importante affection cardiaque (et d’une cardiomégalie) ;

– sans signes cliniques et/ou anomalie cardiaque associée, définir le risque en fonction du tracé électrocardiographique, en acceptant les limites d’un tel examen. Cela doit inclure la fréquence des anomalies observées et la morphologie des complexes.

D’une manière générale, les arythmies ventriculaires doivent être considérées comme complexes ou malignes, et représentant potentiellement un risque pour la vie du cheval, si un ou plusieurs des critères suivants sont observés :

– un rythme ventriculaire répété ou soutenu ;

– un rythme ventriculaire très rapide (plus de 120 bpm au repos) ;

– des complexes QRS multiformes ou polymorphiques (incluant des torsades de pointe) ;

– un intervalle court entre les complexes avec phénomène de R-sur-T (ESV survenant sur l’onde T précédente).

De nombreux cas d’arythmies ventriculaires peuvent être gérés en traitant l’affection sous-jacente et en mettant le cheval au repos. Des ECG holters (^photo) répétés doivent être réalisés pour évaluer la progression ou la régression de l’affection. Il convient de traiter les arythmies malignes de manière plus agressive au moyen de médicaments antiarythmiques.

Arythmies ventriculaires à l’exercice

De nombreuses arythmies ventriculaires sont rapportées au cours d’un exercice intense et immédiatement après, chez des chevaux performants ainsi que chez des individus présentés pour une contre-performance. Néanmoins, la signification clinique de ces arythmies et leur relation avec la contre-performance et la mort subite ne sont pas bien définies. En général, des ESV monomorphiques et occasionnelles détectées immédiatement après l’exercice ne sont pas considérées comme une cause de contre-performance chez le cheval (^{figure 2}). À l’inverse, des ESV survenant au cours de l’exercice doivent être prises en considération.

Les critères de définition du risque évoqués précédemment sont également valables à l’exercice. La détection des ESV au cours de l’exercice peut cependant être complexe. Les critères traditionnels pour différencier les rythmes supraventriculaire et ventriculaire (onde P, morphologie et orientation du complexe QRS et de l’onde T) sont difficiles à appliquer à un ECG enregistré au cours de l’exercice, avec des fréquences cardiaques élevées. L’influence de différents types d’exercices (longe versus tapis roulant versus exercice monté) sur les arythmies ventriculaires n’est pas bien définie non plus.

Arythmies ventriculaires associées à une insuffisance aortique

L’insuffisance aortique est assez fréquente chez les chevaux. Elle est souvent légère et associée à une vie et à des performances normales. Toutefois, une mort subite liée à un rythme ventriculaire fatal a été observée chez des chevaux présentant une insuffisance aortique modérée à sévère et peut survenir en l’absence de signes cliniques et de baisse de performance.

De ce fait, tous les chevaux présentant une insuffisance aortique doivent être évalués avec précaution, sachant que des modifications du pouls (pouls bondissant, par exemple) révèlent la présence de conséquences hémodynamiques de l’insuffisance aortique.

Une échocardiographie est alors recommandée, afin de préciser le diagnostic et d’évaluer la sévérité de la complication. Un ECG holter sur 24 heures et un ECG à l’exercice sont recommandés lors d’insuffisance aortique modérée à sévère et/ou lors de baisse de performance évidente. Il convient alors d’identifier et de caractériser les ESV au repos et à l’exercice.

Du fait du risque de mort subite, les individus présentant une insuffisance aortique modérée à sévère ne doivent pas :

– être montés par des enfants ;

– être utilisés comme chevaux d’enseignement dans les centres équestres ;

– être utilisés dans le cadre de sports à haut risque (complet, courses, etc.).

Il importe, initialement, d’évaluer ces animaux deux fois par an, en procédant notamment à une échocardiographie et à un ECG à l’exercice, puis au moins une fois par an. La fréquence et le rythme cardiaques doivent être évalués régulièrement. Une fréquence cardiaque au repos en augmentation ou un rythme irrégulièrement irrégulier suggérant l’existence d’une fibrillation auriculaire ou la présence de nombreuses ESV sont des indicateurs de la progression de la maladie. La détection d’arythmies ventriculaires lors de l’exercice est également considérée comme un important facteur pronostique négatif.

Les chevaux présentant une insuffisance aortique et des ESV au cours de l’exercice sont à considérer comme à risque pour être montés.

Arythmies ventriculaires associées à une maladie systémique

Il est assez fréquent de trouver des arythmies ventriculaires chez des chevaux présentant des affections médicales et chirurgicales, telles que des coliques. Leur origine est souvent non connue et probablement multifactorielle. Les facteurs favorisant l’apparition de ces arythmies ventriculaires sont :

– des désordres électrolytiques (hypokaliémie, hypomagnésémie) ;

– des désordres acido-basiques ;

– une hypoxie ;

– des désordres métaboliques et endocriniens ;

– une inflammation systémique, une endotoxémie, un sepsis, une fièvre ;

– une hypotension, une hémorragie, une anémie et une ischémie ;

– une envenimation ;

– certains médicaments (antiarythmiques, α2-agonistes, anesthésiques).

Pronostic des arythmies ventriculaires

Le pronostic des chevaux présentant une arythmie ventriculaire est généralement favorable lors d’ESV isolées, en l’absence de tout autre signe clinique d’affection cardiaque, ou lors d’arythmies pouvant être attribuées à des affections non cardiaques.

Le pronostic d’une tachycardie ventriculaire soutenue est généralement réservé, et d’autant plus lors d’affection cardiaque significative évidente ou d’insuffisance cardiaque. Le pronostic de complexes ventriculaires multiformes ou de torsades de pointe est également réservé.