L’INFORMATION DUE AU CLIENT ET LE CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ EN QUESTIONS-RÉPONSES - La Semaine Vétérinaire n° 1654 du 11/12/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1654 du 11/12/2015

Décryptage

Auteur(s) : Christian Diaz

Délivrer une information adéquate au propriétaire de l’animal est un devoir pour les vétérinaires. Christian Diaz, président de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE), répond à des interrogations soulevées par cette obligation professionnelle.

1 Qu’entend-on par consentement éclairé ?

La relation qui se noue entre le médecin et le malade n’est pas une relation ordinaire : le médecin a le savoir et le pouvoir. De son savoir découle l’obligation d’informer le malade. L’information du malade doit permettre d’éclairer son consentement et de rétablir l’égalité entre deux parties dont l’une a la connaissance et l’autre pas. La problématique est la même en médecine vétérinaire, à la différence que le client remplace le patient. L’information préalable est la clé du consentement ou du refus éclairé.

2 Quelles sont les relations entre la responsabilité du médecin et celle du vétérinaire ?

Nous sommes dans le domaine de la responsabilité du professionnel de santé, domaine où, devant le peu de textes légaux, la jurisprudence est la principale source de droit. C’est cette même jurisprudence (dont les arrêts de la Cour de cassation, et maintenant des juridictions européennes) qui aligne la responsabilité des vétérinaires sur celle des médecins en date du 24 janvier 1941 : leur responsabilité est « soumise aux mêmes règles que celles des médecins, avec les adaptations inhérentes au mode d’exercice ».

3 Quelle est la qualification juridique de l’obligation d’information ?

L’obligation est un lien de droit entre des parties. Il convient de distinguer les obligations de donner, de faire ou de ne pas faire.

L’obligation d’information est une obligation de faire. Il s’agissait à l’origine d’une obligation accessoire au contrat de soins (conséquence de l’arrêt Mercier). Bien que l’obligation principale (donner des soins) soit une obligation de moyens, l’obligation d’information est, depuis 1997, une obligation de résultat. Des décisions récentes dans le domaine médical tendent à modifier ce côté accessoire pour en faire une obligation autonome, avec des sanctions spécifiques.

4 Quelle est la nature de l’information ?

Jusqu’à une période récente, la jurisprudence admettait que le médecin ne devait informer son patient que des risques normalement prévisibles et le dispensait de signaler des risques graves exceptionnels, hormis en chirurgie esthétique. L’obligation d’information sur les risques graves qui sont de nature à avoir des conséquences mortelles ou invalidantes, même s’ils sont exceptionnels, a été affirmée par la Cour de cassation en 1998. Hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et aux soins proposés, et il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement. L’information doit porter sur les risques normalement prévisibles, mais aussi sur les risques graves, même de nature exceptionnelle. En médecine vétérinaire, elle doit également concerner le coût prévisible des actes.

5 Qui doit informer ?

L’article 64 du Code de déontologie médicale indique que lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement du malade, ils doivent se tenir mutuellement informés. Chacun des praticiens assume ses responsabilités et doit informer personnellement le malade. Si plusieurs médecins sont concernés par l’acte médical en cause, ils peuvent être jugés conjointement responsables du défaut d’information. En médecine vétérinaire, cette notion de responsabilité conjointe concerne, en particulier, les cas référés ou ceux faisant appel à plusieurs praticiens spécialisés traitant un même cas.

6 Qui doit être informé ?

Il s’agit du propriétaire de l’animal ou de celui qui le détient en tant que gardien.

Selon la formule consacrée (arrêt Guyomar du 14 octobre 1997 de la Cour de cassation), l’information doit être loyale, claire et appropriée. Le praticien est donc tenu d’adapter le contenu de l’information au niveau intellectuel de la personne à laquelle il s’adresse. Il y aura ainsi inadéquation d’une information donnée par note écrite à l’égard d’un propriétaire de nationalité étrangère ou illettré. Le langage employé doit être clair et accessible au profane.

7 Quelles sont les preuves de l’information ?

Depuis 1997, il appartient au praticien, sur lequel pèse l’obligation, d’apporter la preuve de sa délivrance.

Le principe est la liberté du mode de délivrance de l’information. La preuve peut se faire par tous moyens :

– l’écrit : il présente l’avantage considérable de laisser une trace et de permettre de déterminer avec plus de précision ce sur quoi l’information a porté et si le consentement a bien été donné.

Attention cependant au simple listing, même exhaustif, remis pour signature au client. Son caractère, souvent trop long, illisible et non compris, transformera une information en une désinformation. Dans tous les cas, la jurisprudence exige, en outre, que tout ce qui est consigné par écrit soit explicité oralement.

L’écrit est une possibilité de preuve et non une obligation, comme le rappelle un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 3 juin 2009.

– le témoignage : déclaration orale ou écrite d’une personne sur des faits dont elle a eu personnellement connaissance. Un éventuel lien du témoin avec une partie atténue sa portée.

– les présomptions : ensemble de faits, circonstances et éléments divers, graves, précis et concordants, de nature à établir en justice que l’information a bien été donnée. Ces éléments sont souverainement appréciés par les juges du fond.

8 Quelles sont les limites de l’obligation d’information ?

Portée extensive de l’information : il est admis que si, en cours d’intervention, le praticien est contraint de modifier son projet opératoire initial, l’accord donné comporte implicitement celui de pratiquer toute intervention curative qui se révélerait nécessaire.

Exceptions à la délivrance de l’information : outre le refus de la personne d’être informée, deux autres cas justifient l’absence d’information : l’urgence et l’impossibilité d’informer le client.

Attention : si l’urgence atténue l’obligation d’information, la responsabilité en cas de faute technique reste entière. Ainsi, même en cas d’urgence, c’est une faute de pratiquer une anesthésie sur un animal polytraumatisé sans radiographie thoracique préalable.

9 Quelles sont les sanctions au manquement à l’obligation d’information ?

Dans l’arrêt Teyssier du 28 janvier 1942, la décision judiciaire avait mis à la charge du chirurgien toutes les conséquences de l’opération chirurgicale à laquelle il avait procédé.

Une évolution s’est ensuite produite en ce qu’il est apparu que le préjudice résultant du défaut d’information ne pouvait être systématiquement assimilé à l’intégralité des dommages subis par le patient du fait du risque qui s’est réalisé.

La réparation ne couvrait donc plus que la perte de chances dont le quantum était souverainement apprécié par les juges.

Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 3 juin 2010, marque une évolution majeure dans la sanction de l’obligation d’information : le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation. Nous attendons des décisions en ce sens concernant la médecine vétérinaire, mais force est de constater que, d’accessoire au contrat de soins, l’obligation d’information a aujourd’hui gagné une certaine autonomie.

D’après les cours du diplôme d’expertise vétérinaire de l’École nationale vétérinaire de Toulouse dispensés par Me Céline Peccavy et Christian Diaz.

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