Reproduction en élevage allaitant : comment améliorer le revenu de l’éleveur ? - La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1649 du 06/11/2015

SOMMET DE L’ÉLEVAGE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Serge Trouillet

Comment, par le levier de la reproduction, améliorer le revenu de l’éleveur de bovins allaitants, sans augmenter ses charges de production ni altérer ses conditions de travail ou la qualité de son élevage, tout en répondant à la demande du marché ? Cet enjeu était au cœur du symposium Repro 2020, qui s’est tenu au Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand, le 7 octobre 2015 (encadré).

La reproduction est un levier négligé de la rentabilité des élevages allaitants. Et pourtant, si elle n’est pas le seul paramètre de l’équation économique de ces exploitations, elle en est au cœur. L’optimisation de sa gestion est un gage d’amélioration de leur productivité tout autant que de la valorisation de leurs produits.

Adapter, planifier, étaler la production

Pour la filière, il s’agit de produire un animal correspondant aux attentes du client. Un client qu’il faut satisfaire avec des produits variés, sur un marché segmenté. Pour valoriser le produit, mieux vaut alors mettre en place les moyens d’intégrer les catégories supérieures (haut de gamme, pour la boucherie ou le rayon traditionnel, sous signe officiel de qualité, ou cœur de gamme en rayon libre-service des grandes et moyennes surfaces) et éviter les débouchés du catégoriel (pour la restauration en foyer, notamment) avec des vaches dévalorisées, parce que grasses ou mal conformées (20 % du total). Pour l’entreprise qui exporte du maigre, la problématique est la saisonnalité du produit. Le prix au kilo des mâles maigres commercialisés varie d’environ 20 centimes d’euro (entre 2,44 et 2,67 €), selon le mois de l’année ; pour une exploitation moyenne de 80 vaches allaitantes qui vend 40 broutards de 400 kg, cela fait un écart de trésorerie de 3 200 € !

Il convient donc d’adapter, de planifier et de contractualiser la production dans un partenariat gagnant tripartite, qui associe producteurs, filière et consommateurs. Mais aussi d’étaler les ventes toute l’année : « On peut le faire via les itinéraires techniques, en jouant sur le poids et la date de sortie, pour répondre aux différents marchés ; ou via les vêlages, ce qui nécessite une maîtrise de la reproduction, avec notamment un étalement entre éleveurs, ce qui est déjà fait. L’avenir, cependant, est à la double période », considère François Chaintron, directeur du groupement d’intérêt économique Alliances coopératives, du groupe Sicarev.

Jouer sur la période et le groupage des vêlages

L’adage « Un veau par vache et par an » reste d’actualité. Mais comment produire ce résultat le plus efficacement possible ? Les leviers sur lesquels jouent les meilleurs éleveurs sont la réduction de l’intervalle vêlage-vêlage (IVV), une moindre mortalité des veaux, une réforme plus maîtrisée des vaches improductives. Christophe Lecomte, directeur adjoint de France conseil élevage, évoque une comparaison d’élevages, des troupeaux de 65 mères charolaises, selon qu’ils regroupent plus ou moins leurs vêlages : « Les écarts sont très importants entre ceux qui groupent plus de 90 % et ceux qui groupent moins de 60 % de leurs vêlages sur 90 jours consécutifs : 17 jours de moins d’IVV (374 contre 391) ; 3,5 % de mortalité en moins (8,1 contre 11,6 %) ; un écart de gain moyen quotidien (GMQ) de 129 g au sevrage. Au bout du compte, pour un tel type d’élevage, cela représente un écart de 6 000 € entre les uns et les autres. D’autres études ont montré qu’en plus, dans ces élevages, les éleveurs gagnent plus et travaillent moins. »

En pratique, compte tenu du fait que 42 % des éleveurs ne regroupent pas leurs vêlages, la marge de progrès est considérable en France ! Dans la plupart des exploitations et quel que soit le système de production. La maîtrise de la reproduction contribue de façon déterminante à la rentabilité des élevages, par ses impacts sur l’IVV, la mortalité et la croissance. Pour progresser, il est donc possible de jouer sur la période de vêlage, le groupage, voire sur l’âge au premier vêlage.

Concilier rentabilité, praticité et réponse au marché

Si le groupage des vêlages est une source d’organisation et de rentabilité, le choix de la double période de vêlage présente de nombreux avantages. Certes, il requiert une taille de troupeau minimale, au regard de la main-d’œuvre disponible, ainsi que deux périodes groupées. Mais il permet la conduite en lots, le vêlage des génisses à 30 mois (dans la plupart des races, les génisses mises à la reproduction dépassent 80 % du poids à l’âge adulte quand elles peuvent l’être à partir de 60 % de ce poids), une meilleure rotation des bâtiments et l’étalement de la trésorerie sur toute l’année. Cette technique impose cependant une politique de réforme stricte, consistant à ne pas recycler une vache vide sur le lot suivant.

La double période de vêlage, avec ses exigences techniques, s’accorde à l’augmentation de la taille des troupeaux ainsi qu’à celle des compétences des éleveurs. « La technicité de l’élevage va croissante et nous ne devons pas être rebutés par la complexification du suivi de reproduction. Notre première préoccupation, en tant qu’éleveurs, est de concilier la rentabilité de notre élevage, l’aspect pratique des mesures à mettre en place, et une réponse adéquate à la demande du marché. Le vêlage à deux ans est une autre option, mais il nécessite un bon potentiel génétique, une très bonne maîtrise de l’alimentation et de la reproduction ; cela ne concerne qu’une petite minorité d’éleveurs. Le vêlage à trente mois avec deux périodes me semble un bon compromis », juge Jean-Marc Alibert, président de l’association Herd-book Limousin.

Travailler à l’échelle du territoire

Pour améliorer le revenu et le travail de l’éleveur, la reproduction est donc un levier d’adaptation des élevages bovins allaitants, qui s’appuie sur la génétique, la recherche et le développement, le conseil, tant sur le plan technique que de la gestion de l’exploitation. « Il s’agit également de continuer à travailler en race pure, pour préserver la spécificité française qui est recherchée, avec cependant une réflexion sur le croisement pour gagner en compétitivité. Par ailleurs, la diversité caractérisant les élevages et les pratiques en France, une des clés de cette adaptation de l’élevage au marché est de travailler à l’échelle du territoire afin de mieux répondre aux attentes de la filière, intra et inter-races, et de permettre l’étalement de la production », conclut Christelle Pineau, chef de projet à l’Institut de l’élevage.

REPRO 2020

Repro 2020 est un programme de réflexion multidisciplinaire sur la reproduction des bovins allaitants, développé avec le soutien de MSD Santé animale. Il réunit des experts d’horizons divers (chercheurs, éleveurs, représentants des organismes techniques et de la filière bovine viande, opérateurs de la reproduction, vétérinaires) pour dresser un état des lieux des connaissances en la matière, et pour identifier les facteurs limitant l’efficacité financière de l’élevage. La reproduction en élevage bovin allaitant fait en effet l’objet de peu de recherches au regard de celles qui prévalent en production laitière. Et pourtant, le constat est évident, et confirmé par les résultats du syndicat Bovins croissance : sur les 3 623 cheptels charolais suivis lors de la campagne de 2013, ceux du quart supérieur (classés sur la productivité numérique) sèvrent six veaux de plus que la moyenne du groupe contrôlé… tout en élevant quatre vaches de moins ! Et la gestion de la reproduction n’y est pas étrangère. « L’objectif de Repro 2020 est en conséquence de faire prendre conscience des enjeux et de proposer des pistes pour améliorer la rentabilité des élevages allaitants, par une meilleure maîtrise de la reproduction. La reproduction n’est pas la finalité, mais un moyen », résume Sylvie Chastant, professeur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, présidente du comité d’experts Repro 2020.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr