La filière “chiens et chats” se professionnalise - La Semaine Vétérinaire n° 1646 du 16/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1646 du 16/10/2015

RÉGLEMENTATION

Actu

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Valentine Chamard

Nouvelle définition de l’élevage, traçabilité de toute transaction et meilleur encadrement des ventes devraient, en théorie, assainir le marché des animaux de compagnie. Dans les faits, la mise en application de ces dispositifs et, surtout, leur contrôle s’annoncent difficiles.

C’est une mesure qui devrait satisfaire les professionnels de la filière et les défenseurs des animaux. Une ordonnance1 parue le 8 octobre dernier revoit en effet la définition des élevages de chiens et de chats et les conditions de vente de ces animaux, dans un contexte où le marché de l’animal de compagnie connaît des dérives (trafic, échanges intracommunautaires non conformes, activités d’élevage non déclarées, mauvais traitements, abandons, etc.) et que l’activité des professionnels concernés connaît une profonde mutation. Sont particulièrement pointées du doigt la vente en ligne des animaux ne respectant pas les mentions obligatoires, jugée « particulièrement inquiétante » par le législateur, et la « concurrence déloyale exercée par de faux particuliers ». Si Leboncoin.fr fait du tort aux éleveurs professionnels, « la hausse récente de la TVA, passée de 7 % à 20 % en juillet 2014, a exacerbé [leur] mécontentement », poursuit-il. De nouvelles dispositions, qui remettent à plat la notion même d’élevage, applicables au 1er janvier 2016, devraient apaiser cette filière.

Vers une “explosion” du nombre d’élevages

La première mesure phare est la redéfinition de l’élevage, qui concerne toute activité consistant à détenir au moins une femelle reproductrice dont au moins un chien ou un chat est cédé à titre onéreux (auparavant, un tel statut était attribué à partir de deux portées annuelles vendues). Deuxième point fort, l’obligation pour tous les élevages de s’immatriculer (n° Siren). L’objectif du législateur est d’améliorer l’efficacité des contrôles des directions départementales de la protection des populations (DDPP) par une meilleure traçabilité des vendeurs. Les mêmes règles sanitaires et de protection animale2 s’appliqueront, par ailleurs, à toutes ces structures (dont les deux visites annuelles réalisées par un vétérinaire, avec la mise en place notamment d’un règlement sanitaire). Lorsque moins d’une portée est vendue chaque année, l’éleveur est dispensé de la déclaration préfectorale et de l’obligation de formation.

Des dérogations pour les éleveurs inscrits aux livres généalogiques

Une dérogation est prévue dans le cadre restreint de la sélection canine et féline. Les éleveurs produisant uniquement des animaux inscrits au livre généalogique, dans la limite d’une portée par an, sont aussi dispensés de l’immatriculation. En effet, le livre généalogique fournit un numéro de portée permettant d’assurer la traçabilité de ces installations.

Les particuliers ne pourront plus vendre de chiens et de chats

Une autre mesure marquante concerne la réglementation des annonces, quel qu’en soit le support. Dorénavant, toute publication d’une offre de cession de chats et de chiens doit faire figurer, en plus des mentions déjà exigées (âge des animaux, inscription ou non à un livre généalogique, numéro d’identification de chaque animal ou de celui de la mère, nombre d’animaux par portée3), le numéro Siren du vendeur (ou le numéro de portée) lors de vente – une garantie pour l’acheteur, mais aussi un moyen de contrôle – ou la mention explicite du caractère gratuit lors de don.

Une obligation de formation, mais plus de certificat de capacité

Le certificat de capacité, délivré par le préfet, jusque-là exigé pour les sociétés dans lesquelles travaille au moins une personne en contact avec les animaux, est supprimé. La certification professionnelle ou une formation reconnue sont toutefois nécessaires (sauf pour les éleveurs ne vendant pas plus d’une portée par an).

Des lieux de vente dédiés

Afin de lutter contre les achats compulsifs – et les abandons qui en découlent –, la vente de chiens et de chats dans les lieux non spécifiquement consacrés aux animaux est interdite, sans dérogation possible (ce qui pouvait exceptionnellement être le cas auparavant). Une notion de vente de tout vertébré en libre-service, interdite, est également introduite.

Une homogénéisation des certificats vétérinaires

Un certificat vétérinaire est désormais exigé lors de cession (gratuite ou onéreuse) de chat4. Les conditions sont toutefois à définir par décret. La cession à titre onéreux des chiens et des chats ne peut intervenir avant l’âge de 8 semaines : ceci est dorénavant aussi valable pour les dons.

Des sanctions renforcées

Les peines encourues par les personnes exerçant des mauvais traitements envers les animaux sont alourdies, avec les possibles interdictions d’exercer une activité en lien avec les animaux et d’en détenir, en plus des sanctions déjà prévues. Le Code de procédure pénale est également modifié5 : les associations de protection des animaux peuvent se constituer partie civile lors d’abandon, de sévices graves ou de nature sexuelle, d’actes de cruauté et de mauvais traitements, ainsi que pour atteinte volontaire à la vie d’un animal.

  • 1 Ordonnance n° 2015-1243 du 7/10/2015 relative au commerce et à la protection des animaux de compagnie parue au JORF n° 0233 du 8/10/2015.

  • 2 Arrêté du 3/4/2014.

  • 3 Ces mentions étaient exigées pour les particuliers.

  • 4 Voir aussi notre article pages 46 et 47.

  • 5 Article 2-13 du Code de procédure pénale.

DEUX QUESTIONS À… Françoise Lemoine

Vice-présidente du Groupe d’étude en reproduction, élevage et sélection (Geres) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

Que pensez-vous de l’évolution de la réglementation sur l’élevage des carnivores domestiques ?

Moraliser et professionnaliser la filière est une bonne chose. Mais dans les faits, quels seront les moyens de contrôle ? Comment faire face, par exemple, aux annonces qui détourneront la loi en disant céder gratuitement un animal, alors que le vendeur réclamera ensuite une somme à l’acheteur pour participation aux frais vétérinaires ? L’obligation d’identification des animaux n’est déjà pas appliquée, les visites d’élevage sont peu mises en place, des “trafics” de n° Siren existent déjà, ce qui me rend dubitative quant à l’application de cette nouvelle loi.

Des dérogations pour certains éleveurs existent. Qu’en pensez-vous ?

Même si cette mesure est contestée par le Syndicat national des professions du chien et du chat, je pense qu’alléger les formalités des petites structures qui font, par passion, de l’excellent travail de sélection, est bienvenu. Voir disparaître ces éleveurs en raison de contraintes administratives trop lourdes serait se priver d’un important travail sur la génétique.

PROPOS RECUEILLIS PAR VALENTINE CHAMARD

L’ANALYSE DE… CHRISTIAN DIAZ

Président de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE).

Sur la nouvelle définition de l’élevage

Dorénavant, toute personne possédant une femelle et vendant une portée par an relève de la définition de l’élevage, avec la traçabilité inhérente à ce statut. Outre les réticences que l’on attend de la part de ceux qui étaient jusqu’à présent des “particuliers”, une telle disposition étend le champ d’application de l’action en garantie de conformité des biens meubles applicable aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l’acheteur agissant en qualité de consommateur. La loi Hamon définit le consommateur comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. L’extension du champ d’application de cette procédure est cependant limitée par la suppression du délai de présomption du défaut de conformité pour les animaux domestiques, alors qu’il est porté à deux ans pour les autres biens meubles.

Sur la réglementation des annonces d’offres de cession

Dorénavant, toute offre de cession à titre onéreux doit faire apparaître soit le numéro d’immatriculation (Siren) du vendeur, soit le numéro d’inscription de la portée au livre généalogique. Toute offre de cession à titre gratuit doit mentionner explicitement ce caractère. Cet article, encensé par les professionnels, pourrait signer la fin des ventes d’animaux de compagnie par des particuliers en dehors de toute traçabilité. Cependant, une chaîne ne vaut que ce que vaut le plus faible de ses maillons ; l’efficacité de cette mesure dépend donc des moyens de contrôle et de répression qui seront mis en œuvre.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr