Urgences digestives : quelques astuces - La Semaine Vétérinaire n° 1644 du 02/10/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1644 du 02/10/2015

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Jack-Yves Deschamps*, Thomas Brément**

Fonctions :
*Service d’urgences d’Oniris.
Article rédigé d’après une présentation
faite au GI tour Nestlé Purina à Montaigu
(Vendée), en avril 2015.

Pour Jack-Yves Deschamps, « la vie, c’est le mouvement » et son arrêt se solde par un décès ou une perturbation des fonctions vitales. Cela est vrai pour le flux sanguin, l’émission d’urine, mais aussi le transit digestif. Le conférencier a présenté les principales urgences digestives en explorant l’ensemble du tube digestif, à l’exception du côlon (les urgences coliques étant rares) et du syndrome de dilatation-torsion de l’estomac.

Corps étrangers œsophagiens : éviter la chirurgie thoracique

Les principaux corps étrangers rencontrés sont les os naturels et en peau de buffle, les aiguilles, les hameçons et les jouets. Les races de type terriers sont particulièrement touchées et les westies représentent 50 % des races concernées par les corps étrangers œsophagiens. Ces derniers se retrouvent à trois localisations préférentielles : en région cervicale (pronostic bon), en région thoracique et au niveau du hiatus œsophagien, à l’entrée du diaphragme. Le diagnostic se fait essentiellement par radiographie ou par endoscopie. Le traitement dépend de la localisation du corps étranger. L’objectif est de ne pas recourir à la chirurgie thoracique (risque anesthésique, accès difficile et mauvaise cicatrisation des œsophagotomies). Ainsi, lorsque le corps étranger se trouve en région cervicale, l’endoscopie permet de le retirer par traction à l’aide d’une pince. Vu la nature de ce qui obstrue, des pinces avec une forte puissance sont à privilégier. Pour cela, le conférencier recommande de détourner l’usage de deux pinces : celle de Babcock et celle à biopsie utérine. Il convient de vérifier que la paroi de l’œsophage n’a pas été pincée avec l’élément à sortir. Pour faciliter l’extraction, il est conseillé de souffler dans l’œsophage afin de décoller le corps étranger des parois. Il existe un risque de déchirure de l’œsophage, d’où la nécessité d’une grande prudence. La principale complication après une lésion circulaire est une sténose œsophagienne secondaire à la cicatrisation, responsable de régurgitations. Elle peut être levée par bougienage ou en utilisant une sonde de Foley gonflée sur la bride cicatricielle. Plus la sténose est ancienne, moins le pronostic est bon. Lorsque le corps étranger est placé au niveau du hiatus œsophagien, il peut être difficile de le retirer par endoscopie. Il convient alors de recourir à une chirurgie abdominale et de passer par une gastrotomie permettant de le saisir avec une pince. L’option de pousser le corps étranger dans l’estomac pour le récupérer est également envisageable.

Corps étranger gastrique : éviter la gastrotomie

Jack-Yves Deschamps décrit une technique permettant d’éviter la gastrotomie, qui fonctionne dans presque tous les cas. L’astuce est de provoquer le vomissement de l’animal après lui avoir fait avaler un bol alimentaire très important et de réaliser des compressions de l’estomac pendant qu’il vomit. L’induction des vomissements peut se faire, avec une efficacité comparable, par ingestion d’eau oxygénée (2 ml/kg ou 45 ml maxi) ou par l’utilisation d’apomorphine (0,03 mg/kg par voie sous-cutanée ou intramusculaire, voire dans le cul-de-sac conjonctival, ce qui nécessite alors de rincer l’œil après, du fait de l’action irritante du produit). Cette technique permet de récupérer la quasi-intégralité des corps étrangers gastriques sans risque de lésion œsophagienne, ceux-ci étant noyés dans le bol alimentaire, et en évitant d’avoir recours à une chirurgie.

Lavage gastrique : mettre le chien à la verticale

Il peut être utile, en cas de torsion d’estomac ou d’ingestion d’un toxique, de réaliser en urgence un sondage puis un lavage gastrique. Après anesthésie, l’astuce est de positionner le chien à la verticale, le corps pendu dans le vide soutenu par un aide, ce qui facilite l’ouverture du cardia en tirant les organes abdominaux vers le sol par apesanteur. On peut ensuite procéder au lavage et récupérer le contenu liquide de l’estomac ou permettre à l’air accumulé de s’échapper.

Corps étranger linéaire intestinal : ne pas tirer sur le fil

Des anses regroupées sur une radiographie orientent le diagnostic vers un corps étranger linéaire. En temps normal, une ficelle avalée transite normalement et est évacuée naturellement. Le problème se pose seulement s’il existe une attache. Chez le chat, trois situations de ce type sont rencontrées : attache sous la langue, au niveau du pylore, et dans n’importe quelle localisation si le fil est raccordé à une aiguille ou un hameçon. Chez le chien, l’aspect est le même, mais les corps étrangers responsables sont plus souvent des tissus (chaussette, torchon, etc.) et le site d’attache principal est l’antre pylorique. Le diagnostic est radiographique ou échographique.

L’erreur à ne pas commettre est de tirer sur le fil au risque de créer un “effet arc” : la ficelle cisaille la paroi intestinale repliée sur elle-même et la perfore sur son bord mésentérique (où se situe la vascularisation). Il est également contre-indiqué de sortir les anses intestinales de la cavité abdominale pour la même raison et de recourir à de multiples entérotomies. Le premier réflexe à avoir est de regarder sous la langue et de libérer l’attache et/ou de couper et de retirer l’aiguille ou l’hameçon. La ficelle transitera alors seule jusqu’à être évacuée. Lorsque le corps étranger est attaché au pylore, il est nécessaire de recourir à une gastrotomie et de libérer la partie stomacale. L’astuce est d’attacher la seconde partie du corps étranger située à l’entrée du pylore à une sonde urinaire et de pousser le tout le plus loin possible dans l’intestin. Le corps étranger se retrouve alors sur le bord antimésentérique et une entérotomie “simple” permet de le retirer en une seule fois ou de couper l’attache de la sonde urinaire pour qu’il transite jusqu’à la sortie.

Volvulus intestinal : ne pas détordre

Lors d’un état de choc grave d’apparition brutale avec une douleur abdominale aiguë et intense, accompagnée d’une diarrhée hémorragique, un volvulus intestinal (ou torsion mésentérique) doit être suspecté. Les bergers allemands sont surreprésentés. La radiographie permet de mettre en évidence un épanchement abdominal dans certains cas, signe de péritonite associée. La laparotomie révèle, dès l’ouverture, une nécrose intestinale localisée à bords nets signant une absence de vascularisation à la suite de la torsion. Il est contre-indiqué de détordre les anses intestinales au risque de provoquer des lésions à distance par libération de radicaux libres. Le traitement repose sur une entérectomie large en rassemblant les portions d’intestin viables. Le risque est l’apparition d’un syndrome de l’intestin court, mais il est généralement transitoire : l’intestin s’adapte et retrouve un fonctionnement normal en quelques jours. Il est important de transférer l’animal en soins intensifs et de mettre en place des mesures de réanimation postchirurgicales. Le recours à une antibiothérapie, à une fluidothérapie et à l’administration d’antiacides et d’antidouleur améliore considérablement le pronostic.

Intussusception : préserver un maximum d’intestin

L’intussusception se définit comme l’invagination d’un segment du tractus digestif (intussusceptum) dans un segment adjacent (intussuscipiens). Il s’agit d’un phénomène progressif qui se localise principalement au niveau de la valvule iléo-caecale. Il se met en place secondairement à un hyperpéristaltisme entraînant l’engagement d’un segment intestinal dans un autre à l’origine d’une subocclusion et d’une autolyse du segment invaginé. Cette affection touche principalement les chiots (80 %) et peut avoir pour causes : une parvovirose, l’ingestion d’un corps étranger, une intoxication par des organophosphorés, une tumeur ou la présence de parasites. Les signes cliniques sont ceux d’une subocclusion évoluant sur une moyenne observée de 48 jours (amaigrissement, vomissements épisodiques, etc.). Le diagnostic s’établit par palpation (masse intestinale), par radiographie (signes d’iléus) et par échographie (succession de couches).

Le traitement de l’intussusception aiguë se fait par laparotomie et dévagination de l’intussusceptum par traction d’un côté et poussée de l’autre, puis utilisation postopératoire d’un ralentisseur du transit (prifinium ou scopolamine). Le traitement d’une invagination chronique doit permettre de préserver un maximum d’intestin, en sauvant autant que possible l’intussuscipiens. La technique conseillée par le conférencier consiste en une entérotomie de l’intussuscipiens, l’extraction de l’intussusceptum via l’incision réalisée, la séparation de la partie nécrosée de la partie saine, qui est repoussée avant de refermer la plaie.

Entérectomie rapide : recourir aux pinces autosutures

Dans certains cas (perforation intestinale, par exemple), une entérectomie rapide doit être pratiquée en urgence. Pour déterminer si ce geste est nécessaire, deux tests simples sont réalisables : une échographie Fast1 afin de vérifier l’existence ou non d’un épanchement et, s’il est avéré, une abdominocentèse pour recueillir le liquide. La comparaison du taux de glucose dans le liquide d’épanchement et dans le sang permet alors de dire si l’épanchement est septique et nécessite une intervention chirurgicale rapide. Dans ce cas, la concentration en glucose dans l’épanchement est au moins inférieure de 0,2 g/l par rapport à la glycémie, ce qui signe une consommation du glucose par des bactéries (sensibilité de 100 %). L’utilisation de pinces autosutures permet de réduire considérablement la durée de l’intervention, moyennant un coût supplémentaire du fait du prix du matériel.

  • 1 Focused assessment with sonography for trauma. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1557 du 25/10/2013, pages 42 et 43.

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