Antibiotiques : prescription, délivrance… et bonnes pratiques ! - La Semaine Vétérinaire n° 1642 du 18/09/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1642 du 18/09/2015

RÉGLEMENTATION

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Michaella Igoho

L’arrêté1, tant attendu, relatif aux bonnes pratiques d’emploi des médicaments vétérinaires contenant une ou plusieurs substances antibiotiques, a été publié au Journal officiel du 10 septembre. Il présente des recommandations destinées aux acteurs intervenant préalablement à l’administration du traitement à l’animal. Le vétérinaire, en tant que prescripteur, y tient un rôle clé.

L’article L. 5141-14-3 du Code de la santé publique, introduit par la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014, prévoit que le recours en médecine vétérinaire à des médicaments contenant une ou plusieurs substances antibiotiques est effectué dans le respect de recommandations de bonnes pratiques d’emploi destinées à prévenir le développement des risques pour la santé humaine et animale liés à l’antibiorésistance. Présenté le 22 juillet et publié au Journal officiel du 10 septembre, l’arrêté contient plusieurs recommandations à l’attention des parties prenantes. Cependant, il « ne prévoit pas de sanctions pénales, mais le non-respect de ses recommandations peut faire l’objet de sanctions disciplinaires », précise Jean-Michel Picard, du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

Le texte rappelle que la délivrance des antibiotiques est principalement réservée aux pharmaciens d’officine et aux vétérinaires inscrits à l’Ordre des vétérinaires, sans toutefois que ces derniers tiennent officine ouverte. Les vétérinaires sont autorisés à délivrer des antibiotiques uniquement aux animaux à qui ils procurent personnellement des soins ou dont la surveillance sanitaire et les soins leur sont régulièrement confiés. En revanche, l’acquisition des antibiotiques par les groupements agréés d’éleveurs est strictement interdite.

Un recours réfléchi à l’antibiothérapie

Selon Jean-François Rousselot, vice-président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), chargé du médicament, « le vétérinaire garde sa liberté de prescription car l’arrêté fait confiance à son expérience et à sa connaissance ». L’arrêté invite à la prudence lors du recours aux antibiotiques, qui ne doit se concevoir que dans un usage immédiat. Ce texte rappelle que les médicaments antibiotiques sont principalement destinés à un usage curatif, leur usage préventif étant à éviter et à limiter à des situations particulières. Il énonce plusieurs critères de choix d’un médicament antibiotique et précise que celui-ci s’effectue en fonction de l’efficacité attendue du traitement, de sa disponibilité, de la nécessité de réduire au minimum la sélection de résistance aux antibiotiques et de la diffusion de bactéries résistantes et/ou de mécanismes de résistance. Ces critères sont, entre autres, l’expérience clinique du vétérinaire et sa connaissance des spécificités de l’espèce et/ou de la production, les antécédents épidémiologiques de l’unité d’élevage ou de l’animal, ou encore l’indication thérapeutique validée pour l’antibiotique. Concernant le recours aux antibiotiques critiques, le texte précise que celui-ci doit être fait dans le respect de la réglementation en vigueur et en considérant le rapport bénéfice/ risque envisagé au regard de la santé humaine et de la santé animale. Le vétérinaire devrait s’appuyer, lorsqu’elles existent, sur les recommandations des fiches d’usage spécifiques à chaque filière et/ou entité pathologique. La publication de ces documents, rédigés par les organisations professionnelles vétérinaires, est attendue d’ici la fin de l’année. Toutefois, le décret qui fixera les règles de prescription des antibiotiques critiques n’a toujours pas été publié.

Selon l’arrêté, le vétérinaire devrait s’appuyer sur les recommandations d’utilisation de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) contenues dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). De même, l’utilisation “hors AMM” des médicaments antibiotiques doit être justifiée en tenant compte des données actualisées de la science. Le texte précise, en effet, que le vétérinaire s’assure qu’au-delà de ses propres connaissances et de son expérience, sa prescription s’appuie sur des données établies et en accord avec les principes de la médecine reposant sur les preuves. En revanche, la réutilisation éventuelle d’antibiotiques non périmés est admise, pour les éleveurs, si elle fait suite à la rédaction d’une ordonnance adaptée à ce nouveau traitement. Mais elle est strictement interdite pour un détenteur particulier. Le recours à la métaphylaxie est, par ailleurs, conditionné par une analyse du rapport bénéfice/risque réalisée après l’examen du groupe d’animaux et de la connaissance des antécédents de l’élevage. De même, l’utilisation d’associations antibiotiques n’est pas recommandée, sauf en cas d’absolue nécessité, mais l’arrêté ne donne pas plus de précisions sur les associations ciblées.

Une prudence qui s’impose lors de la prescription et de la délivrance

L’arrêté rappelle que le vétérinaire prescrit des médicaments antibiotiques après un diagnostic si celui-ci établit l’existence d’une maladie bactérienne. Pour réaliser son diagnostic, il est fortement recommandé au vétérinaire de s’appuyer sur les données épidémiologiques, les commémoratifs et l’anamnèse, les signes relevés chez les animaux vivants ou morts et, si possible, sur les résultats des examens complémentaires mis en œuvre autant que nécessaire. Le recours à l’examen bactériologique et aux tests de sensibilité aux antibiotiques, réalisés dans des laboratoires vétérinaires, prend ici une place très importante. Par ailleurs, le texte précise que si la prescription hors examen clinique comporte des antibiotiques, il convient de renforcer le suivi sanitaire et de réévaluer régulièrement le protocole de soins.

Une fois le diagnostic établi, le médicament antibiotique peut être délivré par un ayant droit, vétérinaire ou pharmacien d’officine. Dans les deux cas, la délivrance des médicaments antibiotiques est subordonnée à la rédaction par le vétérinaire d’une ordonnance prise dans la limite de la validité de la prescription et le plus près possible de la date de son émission. Le texte énonce que les ayants droit concernés disposent d’un stock nécessaire et suffisant pour répondre aux besoins de soins des animaux. Il recommande également que les médicaments thermosensibles soient stockés au sein d’enceintes réfrigérées équipées d’un système de surveillance des températures et d’une alarme. Rien dans le texte ne précise qu’il s’agisse là d’une obligation ou d’une simple recommandation. À noter que le droit de substitution, accordé aux pharmaciens, ne peut s’exercer sur un antibiotique. En cas d’indisponibilité de la spécialité antibiotique prescrite, le pharmacien doit se rapprocher du prescripteur pour ne pas retarder de manière préjudiciable la mise en route du traitement.

Les détenteurs d’animaux mis à contribution

L’arrêté est également destiné aux détenteurs d’animaux : éleveurs professionnels et particuliers, propriétaires d’animaux de compagnie, de sport et de loisirs. Les éleveurs professionnels sont invités à privilégier la mise en place des mesures de prévention sanitaire, conformes aux guides sectoriels de bonnes pratiques d’hygiène en élevage. Afin de favoriser l’efficacité du suivi sanitaire permanent et d’éviter la multiplication des prescriptions d’antibiotiques, le recours à un seul vétérinaire est préférable. Mais il est également précisé que si le suivi sanitaire permanent est réalisé par plusieurs praticiens, les bilans sanitaires et les protocoles de soins sont réunis dans le registre d’élevage avec l’ensemble des traitements effectués et portés à la connaissance de tous. Il est recommandé aux éleveurs de respecter les préconisations formulées dans le protocole de soins rédigé par le vétérinaire en charge du suivi sanitaire permanent de l’élevage.

Les particuliers, détenteurs d’animaux de compagnie, de sport et de loisirs (chiens, chats, nouveaux animaux de compagnie, chevaux de loisirs) jouent un rôle central dans l’utilisation des antibiotiques vétérinaires. Les recommandations de l’arrêté de bonnes pratiques suivent la campagne de sensibilisation « Les antibiotiques pour nous non plus c’est pas automatique ! », lancée en 20142. Il est rappelé que les détenteurs doivent scrupuleusement respecter la prescription en utilisant la spécialité recommandée et informer le vétérinaire traitant de tout manquement au protocole de traitement (inobservance, ingestion accidentelle, contamination du soigneur, etc.) et de tout effet indésirable ou manque d’efficacité. Le détenteur ne doit conserver aucune spécialité antibiotique à son domicile, afin d’éviter une réutilisation ultérieure.

POUR ALLER PLUS LOIN

La note d’analyse1 n° 82 du Centre d’études et de prospectives (CEP), de septembre 2015, porte sur les antibiorésistances en élevage et les solutions intégrées pour faire face à cette problématique. Dans sa note, le CEP revient sur les causes identifiées, telles que l’intensification des élevages et la mondialisation des échanges. La communauté internationale se mobilise en mettant en place des programmes de surveillance qui passent par des restrictions d’usage, telles que l’interdiction à l’échelon européen des additifs antibiotiques en élevage, l’établissement de listes critiques en usages humain et vétérinaire (décret non encore publié côté français) ou encore le plan ÉcoAntibio au niveau national (notamment la sensibilisation des éleveurs, la promotion de bonnes pratiques, le développement de mesures zootechniques, la recherche sur les alternatives thérapeutiques, dont les vaccins et les autovaccins). Selon le CEP, la tendance, dans les prochaines années, devrait aller vers une restriction encadrée de l’usage de médicamenteux préventifs en élevage et une remise en cause de la prescription sans examen clinique préalable.

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