Conduite à tenir lors d’ulcère cornéen chronique - La Semaine Vétérinaire n° 1640 du 04/09/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1640 du 04/09/2015

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Frank Famose*, Laurent Masson**

Fonctions :
*Spécialiste en ophtalmologie,
praticien à Blagnac (Haute-Garonne).
Article rédigé d’après une présentation
faite au congrès de l’Afvac à Paris,
en novembre 2014.

Les ulcères cornéens sont une dominante pathologique en ophtalmologie des carnivores domestiques, avec des conséquences visuelles et esthétiques. Ils font l’objet d’une démarche diagnostique et thérapeutique rigoureuse. Les premiers jours qui suivent le développement des lésions cornéennes sont essentiels pour le pronostic visuel, algique et esthétique de l’animal. Une prise en charge rapide est indispensable.

La cicatrisation cornéenne épithéliale normale est induite par une perte de substance qui s’accompagne d’une multiplication et d’un comblement de la lésion par glissement des cellules épithéliales voisines. Mais cette cicatrisation ne se déroule pas toujours normalement.

Persistance de l’ulcère

Tout d’abord, une persistance de l’ulcération superficielle peut être observée. Dans la plupart des espèces, la guérison épithéliale est rapide (de 48 à 72 heures), même pour des ulcérations étendues. Si au bout de 15 jours de traitement médical aucune évolution favorable n’est notée, il s’agit d’une ulcération cornéenne chronique. Pour notre confrère, « il est alors temps de passer à autre chose et de reprendre le diagnostic à la base », pour s’assurer notamment de l’absence :

- d’un facteur de traumatisme cornéen persistant (cil ectopique, entropion par exemple) ;

- d’un déficit lacrymal quantitatif ou qualitatif ;

- d’une herpèsvirose chez le chat : le feline herpesvirus de type 1 (FHV-1) présente un tropisme épithélial spécifique et s’accompagne, dans certains cas, d’une atteinte uniquement épithéliale ;

- d’un ulcère à bords décollés. Le test à la fluorescéine doit se faire en deux temps : immédiatement après l’instillation du colorant, puis, dans un second temps, en observant si le colorant diffuse au-delà des bords de l’ulcère ;

- de dystrophies épithéliales constatées chez des races brachycéphales : par exemple, les cellules épithéliales produites n’adhèrent pas lors de modification du stroma antérieur chez le boxer.

Dans les deux dernières situations, le traitement de choix est chirurgical. Il consiste en un débridement épithélial de l’ulcère (éliminer l’épithélium n’adhérant pas au stroma sous-jacent) et l’abrasion de la surface du stroma à la fraise diamant à basse vitesse. En fin d’intervention, la cornée peut-être protégée par la transposition temporaire de la membrane nictitante ou par une lentille de silicone ou de collagène. La guérison prend 1 à 2 semaines à l’issue desquelles le traitement chirurgical peut être renouvelé si la guérison n’est pas complète (moins de 5 % des cas).

Spécialiste en ophtalmologie, praticien à Blagnac (Haute-Garonne). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac à Paris, en novembre 2014.

Cicatrisation anormale

L’altération de l’activité des systèmes mis en jeu dans la cicatrisation normale peut conduire à cinq situations pathologiques avec des modifications morphologiques de la cornée.

La kératopathie bulleuse se manifeste par une ulcération cornéenne superficielle chronique ou récidivante (plus de 3 mois généralement), associée à un œdème cornéen d’origine endothéliale (épaississement majeur et opacification de la cornée). Les causes sont multiples et peuvent être distinguées en dystrophies endothéliales (boston terrier, fox-terrier, chihuahua), décompensation endothéliale (chiens âgés) ou suites opératoires (chirurgie de cataracte). L’œdème cornéen, majeur, s’accompagne de la formation de bulles épithéliales conduisant à la formation d’exulcérations ne présentant aucune évolution favorable. Les tentatives thérapeutiques (chirurgies de surface, traitements osmotiques à l’aide de soluté glucosé à 30 % ou de chlorure de sodium à 9 %) sont nombreuses chez le chien, mais généralement infructueuses. Le cross-linking du collagène cornéen permet d’éviter la récidive de l’ulcération, sans pour autant améliorer la vision de l’animal.

La kératomalacie est une affection associée à un déséquilibre des métalloprotéinases dont le rôle est le remodelage cornéen après un traumatisme. Ces protéases ont une origine soit bactérienne (Pseudomonas), soit endogène (polynucléaires neutrophiles) et peuvent être activées par des facteurs médicamenteux tels que les corticoïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). La cornée s’épaissit du fait de l’œdème et se creuse en même temps. Elle prend un aspect gélatineux. La destruction rapide et étendue de la cornée qui en résulte est une situation d’urgence avec risque de perforation. Cette évolution redoutable peut être traitée par l’instillation massive d’antibiotiques locaux (concentration renforcée, 8 à 15 instillations quotidiennes) et de produits inhibant les collagénases : N-acétylcystéine (NAC), acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA), sérum autologue. La dégradation de la majeure partie de l’épaisseur cornéenne est une indication chirurgicale (greffe conjonctivale, cross-linking du collagène cornéen).

La vascularisation cornéenne peut apparaître sur des affections aiguës violentes ou chroniques. Le vascular endothelial growth factor (VEGF) est un élément central de la formation de néovaisseaux cornéens superficiels ou profonds. Les conséquences de cet apport vasculaire peuvent être favorables (comblement de la lésion stromale) ou conduire à la formation d’un granulome cornéen. Il est souhaitable que cette vascularisation dure le moins longtemps possible, car elle s’accompagne d’une fibrose cicatricielle avec, potentiellement, une migration de mélanocytes. Néanmoins, le traitement de la vascularisation cornéenne ne doit être entrepris que lorsque la guérison épithéliale est complète (test à la fluorescéine négatif). Le traitement de choix est la corticothérapie locale. L’utilisation d’inhibiteurs du VEGF (par voie sous-conjonctivale) est en cours d’investigation.

La pigmentation cornéenne est le plus souvent associée à une inflammation cornéenne chronique, fréquente chez les chiens brachycéphales dans l’angle nasal. Elle résulte de la migration de mélanocytes d’origine conjonctivale ou limbique, qui accompagne d’autres phénomènes inflammatoires tels que la vascularisation, l’infiltration stromale et la formation de tissu de granulation. Les traitements médicaux agissent en amont en limitant l’inflammation, par l’utilisation prolongée de corticoïdes locaux ou de tacrolimus (plus efficace que la ciclosporine). Sur un plan chirurgical, la kératectomie superficielle donne des résultats temporaires et ne peut rarement être renouvelée, à la différence de l’abrasion de la surface cornéenne ou de la cryothérapie locale.

La fibrose cornéenne est un phénomène cicatriciel du stroma s’accompagnant d’une perte de transparence pouvant être invalidante, avec la formation d’un collagène cicatriciel peu organisé et non transparent (d’autant plus importante que la lésion est profonde). Le traitement médical (corticoïdes locaux) n’a d’intérêt que dans la phase active de l’inflammation. L’exérèse chirurgicale de la cicatrice suivie de l’application de mitomycine C est une piste de traitement. L’évolution de la fibrose et la réorganisation de la cicatrice cornéenne s’inscrivent sur le long terme, au-delà de 6 mois.

“CALENDRIER” DES COMPLICATIONS LORS D’ULCÈRE CORNÉEN

• Kératomalacie : à tout moment.

• Pigmentation : apparaît un peu avant la disparition de la vascularisation.

• Ulcère chronique : à partir de 15 jours.

• Vascularisation : à partir de 15 jours et maximale à partir de 30 jours.

• Fibrose : à la suite de la disparition de la vascularisation.

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