Danger : résistance - La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1638 du 10/07/2015

ANTIPARASITAIRES

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Les parasites, comme les bactéries, développent des résistances face aux molécules destinées à les combattre. C’est un risque à prendre en compte dans la prescription d’antiparasitaires.

Notion introduite dans le nouveau Code de déontologie vétérinaire, la lutte contre la résistance aux antiparasitaires implique des règles de gestion raisonnées en fonction de la biologie des espèces parasites et parasitées. L’Académie vétérinaire de France a organisé, le 25 juin dernier, une séance sur la résistance aux antiparasitaires avec comme intervenants Gilles Bourdoiseau (VetAgro Sup, Lyon), Michel Franck (École nationale vétérinaire de Toulouse), Claire Laugier (Anses, Dozulé) et Jacques Guillot (École nationale vétérinaire d’Alfort).

Définir la résistance

La résistance peut se définir comme le développement de la capacité de certains parasites à tolérer des doses d’antiparasitaires normalement efficaces sur la majorité des individus composant une population sensible de la même espèce. Elle est qualifiée de simple lorsqu’elle ne concerne qu’un seul antiparasitaire, et de multiple lorsqu’il s’agit de familles différentes ayant des cibles différentes. Elle peut s’exercer contre toutes les molécules d’une même famille ayant le même mode d’action (résistance de famille), ou contre des antiparasitaires de familles différentes ayant la même cible (résistance croisée). Le terme de tolérance est utilisé quand une baisse d’efficacité est constatée, et précède le stade de résistance. Le seuil entre les deux est défini par le facteur de résistance (FR), qui est le rapport entre la dose létale pour 50 % de la population (DL50) de l’isolat testé et celle de la population sensible de référence. Les parasites sont considérés comme sensibles quand FR est strictement inférieur à 2, tolérants quand il est compris entre 2 et 5, et résistants lorsque FR est strictement supérieur à 5. Le test de réduction du nombre d’œufs (fecal egg count reduction test, FECRT) est la référence pour déterminer s’il y a résistance, ou s’il s’agit d’un échec thérapeutique lié à d’autres facteurs.

Mécanismes de résistance

La résistance aux insecticides et aux antiparasitaires est d’origine génétique. Il peut s’agir de mutations de l’ADN, aléatoires, qui sont alors révélées après un traitement car elles fournissent un avantage aux parasites porteurs, ou de modification dans l’expression des gènes, sans modification de l’ADN (épigénétique). Cela peut induire des changements dans le comportement des parasites : dans certains cas, la mobilité d’un insecte est augmentée, ce qui réduit son temps de contact avec l’insecticide (par exemple Haematobia irritans, qui fuit les zones à insecticide), mais elle peut aussi être réduite, l’insecte passant alors davantage de temps dans les zones dépourvues d’insecticide au lieu de se déplacer sur tout le corps de l’animal. Il peut aussi s’agir de modifications physiologiques, par exemple de la cuticule, avec un changement de la composition lipidique de la paroi, qui augmente le stockage de la substance insecticide et donne à l’insecte le temps de la métaboliser ou de l’éliminer. Enfin, des modifications biochimiques et métaboliques sont possibles, concernant par exemple les mécanismes de dégradation des molécules : augmentation des processus de détoxification (hydrolases, glutathion transférases), mutation de la cible (par exemple de l’acétylcholinestérase, qui ne permet plus la fixation des organophosphorés et des carbamates), etc.

Niveau de risque et de diffusion

Le risque est inversement proportionnel à la durée du cycle de l’insecte. À ce jour, aucune résistance n’est décrite pour des insectes à cycle long, tels les tabanidés et les hypodermes, alors que le risque est important pour les mouches (stomoxes, Haematobia irritans), en raison de leur cycle court. Plus les femelles sont prolifiques, plus la diffusion des résistances sera rapide. Les antiparasitaires ayant un spectre d’action et/ou un champ d’application étendus présentent un risque important de développement de résistances. L’intensité de la pression de sélection, la rémanence, la forme galénique, la posologie utilisée, la répétition des traitements et le moment d’application (saison, taille des populations) influent également. Le fait d’utiliser la même famille de molécules pour traiter l’animal (ou l’homme) et l’environnement augmente le risque de résistance. Les refuges sont constitués de parasites non exposés à l’antiparasitaire : il peut s’agir d’animaux ou de zones non traités, ou des stades de développement qui se situent sur d’autres espèces ou dans l’environnement. Le maintien d’une population sensible permet de diluer les individus résistants, et parfois la réversion des résistances.

Prescrire des antiparasitaires : règles de base

Les règles de prescription reposent sur un diagnostic précis avec une diagnose parasitaire. Elles tiennent compte des caractéristiques biologiques de l’espèce parasite (stades, localisation), de celles qui sont parasitées (une ou plusieurs espèces, mode et lieu de vie des animaux concernés, gestion du troupeau et des pâtures, âge, etc.). L’ordonnance est rédigée pour un animal ou un groupe d’animaux homogène à un moment donné, en respectant les posologies. Le volet santé publique intervient dans le choix des molécules. Dans le cas de la leishmaniose, ne pas respecter les protocoles recommandés ou utiliser chez le chien des molécules réservées à un usage chez l’homme présente le danger d’observer chez l’homme une maladie qu’il ne sera plus possible de soigner. Il est important de toujours expliquer au propriétaire ou à l’éleveur le choix de la molécule, les modalités précises d’utilisation et les résultats attendus. En cas de puces, par exemple, il convient de préciser que six mois environ sont nécessaires pour en débarrasser la maison, quels que soient les protocoles et les molécules utilisés. Enfin, un contrôle des résultats obtenus s’impose.

Michel Franck a donné plusieurs conseils pour gérer la situation quand une résistance est constatée ou suspectée :

– s’assurer qu’il s’agit bien de chimiorésistance ;

– tenir compte des réactions croisées lorsqu’un changement de famille d’antiparasitaires est envisagé ;

– associer l’antiparasitaire à des régulateurs de croissance, ou utiliser deux familles ensemble ;

– bien raisonner ses traitements et en contrôler l’efficacité ;

– ne pas traiter les animaux et l’environnement avec la même famille.

Exemple de gestion parasitaire chez les chevaux

Chez les équidés, des recommandations ont été émises afin de réduire le risque de résistance. Une première étape consiste à faire un état des lieux complet des animaux et des parasites présents, avec une évaluation de la charge parasitaire sur des chevaux d’âges différents, selon la période de l’année. Un contrôle de l’efficacité des traitements par test FERCT est conseillé tous les trois ans chez les adultes pour les cyathostomes, et tous les ans pour les parascaris. Les stratégies reposent sur des traitements sélectifs et/ou ciblés, en éliminant les molécules inefficaces et en utilisant les autres en alternance. Le traitement est effectué à certaines périodes de l’année, quand la population de parasites libres est importante (dans l’hémisphère nord, au printemps et à l’automne).

Les traitements ciblés visent à maintenir des refuges sur des chevaux peu ou pas vermifugés (adultes de plus de 3 ans) et à ne traiter que les excréteurs (voir page 24 de ce numéro). Cette gestion est réglementaire dans certains pays, tels que le Danemark, où deux coproscopies annuelles sont obligatoires, et où environ 50 % des chevaux sont vermifugés, d’où une réduction d’œufs globale de 95 % (ce système a cependant eu pour conséquence la réapparition de Strongylus vulgaris, un parasite éradiqué en France). Environ 20 % des chevaux excrètent 80 % des œufs de strongles. Le niveau d’excrétion est un paramètre stable dans le temps. Une coproscopie est effectuée pendant la saison de pâturage, et dans un délai minimum suivant le dernier traitement (9 semaines pour les benzimidazoles et le pyrantel, 12 pour l’ivermectine et 16 pour la moxidectine). Un protocole spécifique est prévu pour les poulains de moins d’1 an et pour les jeunes chevaux de 1 à 3 ans, qui sont considérés d’office comme de forts excréteurs. Les paramètres d’ajustement sont l’évolution du risque en fonction de la conduite d’élevage ou de la présence d’autres espèces parasitaires, et des modifications sont apportées au protocole en cas de phase clinique.

LA RÉSISTANCE AUX ANTIFONGIQUES, UN VRAI PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE

La mortalité associée aux infections fongiques chez l’homme est estimée à plus de 1,3 million par an dans le monde (autant que le paludisme). Plusieurs familles d’antifongiques sont employées, dont quatre également en médecine vétérinaire : les azolés systémiques (kétoconazole, itraconazole et parconazole), les azolés topiques (enilconazole, clotrimazole, etc.), les polyènes (nystatine) et la griséofulvine.

En médecine vétérinaire, le développement de résistances ne constitue pas encore un problème, mais peut le devenir avec les mycoses émergentes, telles que la chytridiomycose des batraciens, qui participe à l’extinction progressive de certaines espèces. La détection des résistances aux antifongiques est délicate, car les données sont connues esssentiellement pour l’homme (concentration minimale efficace, seuils épidémiologiques et cliniques) et ne peuvent pas toutes être extrapolées aux animaux.

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